Alors on parle de l’avenir. Autour de la longue tablée du soir aussi car il y en a qui vont bientôt partir – ici définitivement ou là avec juste une valise.
Jeudi 19 décembre 2013
Mercredi 18 décembre 2013
Jeudi 26 décembre 2013
Mercredi 25 décembre 2013
Il faut savoir (et pouvoir) s’échapper, et rendre aux jours de fêtes leur visage de surprise, leur air de rareté. Revenir à Trouville quatre ans et demi après notre première et unique visite était une idée divine – c’est de circonstance d’être divin un jour de Noël. Sans compter sur les petits bonheurs s’ajoutant au plaisir d’être là, comme ces pages proustiennes lues au bord d’une piscine. Le système de chauffage est un peu en panne, alors l’eau est un peu “juste juste”… “Vous voulez des peignoirs ?”.
C’est après le déjeuner qu’on va jusqu’aux Roches Noires. Il y a bien sûr l’idée de la présence de Marguerite Duras, elle ne peut pas être absente des conversations. Cette remarque sur les volets pas repeints depuis longtemps – c’est donc sûrement chez elle -, cette femme en doudoune orange sur la terrasse – ça pourrait tellement être elle -, cette autre femme blottie dans un manteau vert qui rince ses bottes dans une flaque – tiens, regarde, elle monte le petit chemin qui longe les Roches. On s’amuse encore de cette possibilité fantomatique, on se souvient encore de cette femme en col roulé.
De retour au bercail, on retrouve un noir et blanc bressonien, Au hasard Balthazar. La vie d’un âne, ça peut donc faire un film vénéré.
Mardi 24 décembre 2013
“Quelquefois, j’écris très peu, mais en réalité, j’y pense tout le temps.”
Annie Ernaux, Retour à Yvetot.
Dans mon sac il y a les cadeaux que je t’offrirai, une cravate, le deuxième livre de La Recherche que j’ai entamé après avoir clos le livre d’Annie Ernaux et avoir noté quelques idées sur un nouveau cahier à la couverture gris foncé. Car page 71, au sujet de la notion de transfuge de classe et de l’idée d’écrire voici ce qu’elle répond : “J’avais déjà ce désir là (…) mais Bourdieu m’obligeait en somme à oser le faire“.
Nous arrivons plus tard que prévu à Trouville, j’ai eu donc largement eu le temps de quelques pages au milieu desquelles – puisque c’est la journée des citations – certaines m’offrent un sourire :
“Je sais bien que le père Norpois est très boutonné, mais avec moi, il s’ouvre si gentiment.”
“Et comme elle était incapable de mentir à mon père, elle s’entraînait elle-même à admirer l’ambassadeur pour pouvoir le louer avec sincérité.”
Bref, enfin nous marchons, arrivons à l’hôtel. Dans ta valise notre pique-nique et ces belles surprises que tu m’offriras. Chambre 509, avec vue sur la mer. Mais la mer est plongée dans le noir. Invisible, elle le sera presque autant une fois sur la plage, mais moins discrète par le roulement des vagues que l’on cherche du regard. Au casino, on regarde les gens, je cherche à imiter vaguement Jeanne Moreau dans La Baie des Anges mais j’ai oublié le prénom – Jean – et les numéros fétiches qu’elle aurait rejoué le lendemain malgré sa promesse.
Lundi 23 décembre 2013
Dans Retour à Yvetot, Annie Ernaux évoque les mots d’autrefois, le patois. Le sien est normand, le mien charentais et depuis peu Tintin le parle. “Les sept boules de cristau” m’a été offerte à Noël et je ne sais pas sur quelle étagère le ranger, j’hésite entre les BD et les livres de photos anciennes, pour lesquelles, justement, il manque les sonorités d’autrefois, tels ces jh que l’on souffle.
Au cinéma, 2 automnes 3 hivers, gentillesse trentenaire. Au restaurant je te dis que ça a l’air d’un film fait par un Parisien de 36 ans. Il m’évoque ces amis de fac qui peut-être ne voulaient pas vieillir. Leur nostalgie se terminait aussi par une chanson de Georges Moustaki. Pendant que je rêvais ?
Dimanche 22 décembre 2013
Sur la croix de béton le Christ n’est plus là. Nulle résurrection mais une chute probable, un jour de grand vent peut-être, la rouille ayant fait son boulot. Je t’ai dit à l’aller que c’était dans cette rue que ma grand mère avait habité, tu n’étais jamais venu, tu ne connaissais pas le communal, le bac, mes souvenirs d’enfance quand je venais pêcher ; tu avais peut-être oublié l’histoire brève de la maison d’en bas. Dans les rues la jeunesse est absente, dans ce bistrot du port aussi. Sur le chemin du retour on décortique la tristesse des pavillons couleur crème, le dromadaire vendant du maïs OGM, les soirées striptease du mois de novembre.
Samedi 21 décembre 2013
Et c’est alors que John Wayne devient premier consul au Japon.
(On a trop mangé, j’ai des hallucinations cinématographiques)
Vendredi 20 décembre 2013
Mardi 17 décembre
Enfin, sur grand écran, ces 10 minutes mises en animations, des minutes qu’on attend depuis plus de 4 ans. Elles sont accompagnées de 3 autres courts, jolis, drôles, tristes ou plein de souvenirs, les souvenirs des dessins animés d’autrefois, plus précisément ceux d’Europe de l’est. Rien n’a donc changé ?
Lundi 16 décembre
Devant l’écran calibré, on hésite. J’hésite toujours sur les teintes, les ombres, les contrastes, la lumière. Finalement j’aime quand l’appareil photo décide pour moi ; parfois je l’aide un peu, mais pourquoi choisir ? L’étape est cependant nécessaire, elle évite les désagréments, pas tous. elle n’évite pas l’angoisse au moment de commander les vingt tirages.
Dimanche 15 décembre
Le cinéma japonais, que l’on regarde autant par plaisir que par cette sorte d’obligation qui nous pousse à le connaître un peu mieux que les autres, le cinéma japonais est à l’image de tout* ce qui se passe dans ce pays : surprenant. La fille des sables, film de 1964, ne contredit pas cette généralité un peu hâtive. On en ressort presque avec l’envie de prendre une douche, les mains asséchées, la peau portant cette odeur étrange. La plage, un 15 décembre, peut donc s’avérer étouffante. Et fascinante.
* Exagération vaguement barthienne.
Samedi 14 décembre 2013
Vendredi 13 décembre 2013
Jeudi 12 décembre 2013
Mercredi 11 décembre
Mardi 10 décembre
200%. Un titre de film international, qu’ils disent. 200%, film zinzin, drôle, politique, précis, intelligent, généreux, différent donc indispensable, l’ovni cinématographique du moment. Parce que la banlieue, quand on joue avec ses clichés et quand on fait jouer ses “acteurs”, ça donne ça…
Lundi 9 décembre
C’est à Trouville que j’ai regardé la mer jusqu’au rien.
Marguerite Duras, Écrire
Dimanche 8 décembre
Samedi 7 décembre
Vendredi 6 décembre
On vient de sortir de terre, il sourit, fait coucou de la main. Ce n’est pas lui que je regardais, pas lui que je cherchais à voir, mais le train dans lequel il est et qui nous dépasse, un train blanc marqué d’un DB rouge. Mon RER est moins chic, mais j’ai un nouveau portefeuille, une photo magnifique roulée dans un tube en carton et toute la richesse d’un matin où l’on a pris notre temps.
Le soir, c’est un joli moment, très joli, en noir et blanc, 80 minutes passées chez Garrel. La Jalousie, petite chronique amoureuse sans atermoiements (et surtout sans longueurs), à peine y pleure-t-on ; petite en apparence, immense par Mouglalis qui efface (j’allais dire évidemment) Garrel fils. Immense lorsque, lavant les pieds de son mentor, elle évoque Maïakovski. Soudain, ce nom qu’on connait, mais dont je ne sais rien, devient un poème et je retiens mon souffle.
Jeudi 5 décembre
Mercredi 4 décembre 2013
Cocorosie ? Cocoronon ! Je te dis que j’ai été fasciné puis que j’ai lâché prise, noyé dans les nappes inutiles des musiciennes, perdu face à ces images sans histoire palpable. Tu me racontes alors quel est ce film, ce qu’il représente dans l’histoire du cinéma. Ses couleurs ont fané, l’aura de ces filles aussi.
Mardi 3 décembre 2013
C’est tous les jours à 20h. Sauf le mardi. Alors on fait demi-tour, prend un verre, tu me montres ces dessins de Tom de P., à ne pas les mettre entre toutes les mains, surtout si elles sont graissées par des chips. Je m’essuie donc les doigts et tourne les page avec attention. Sur petit écran on retrouve Guiraudie pour “Ce vieux rêve qui bouge“, étonnant, décalé, beau, le désir sentant le pastis et la mécanique.
Lundi 2 décembre 2013
La photo est posée sur le petit canapé en rotin. On y trouve plutôt, parfois, assis, un administré attendant que son numéro s’affiche sur le petit écran ; il se lèvera alors et se dirigera vers le service des affaires générales pour un passeport, une inscription, quoi d’autre encore. D’une main je tiens le fil de fer, de l’autre la petite cisaille que tu as eu la bonne idée de me prêter malgré la maladresse. Je force sur le fil, schlak, les cisailles s’élancent, frappent l’image. Rayure.
Dimanche 1er décembre 2013
Samedi 30 novembre 2013
Les photographies montrent des enfants. Joueurs, jouant, ils portent ici une carapace faite de ce que j’appelle des peignards, sans être sûr ni de l’orthographe ni de la précision du mot – saintongeais peut-être. La scène montrerait aussi des enfants, peu attentifs aux images, plus attentifs à celles des livres qu’ils viennent emprunter.
Le soir, regard adulte. Tabou d’Oshima.
Vendredi 29 novembre 2013
Dans les photographies japonaises d’octobre que je regarde et regarde encore, il y a cette jeune femme à travers les stores vénitiens. La couleur rouge et cette sorte d’indiscrétion me font penser aux images de Saul Leiter. Il est mort aujourd’hui et je pensais trouver les mots. Peut-être ont-ils été balayés par Wakamatsu et son film sur Mishima dont je n’ai pas retenu le titre, une date, une phrase.
Peut-être ont-ils été effacés dans le RER, par mon fou rire qui se déclencha lorsque le saxophoniste entonna le générique de fin de Benny Hill.
Jeudi 28 novembre 2013
Sur le post-it vert pomme il y a l’heure de son rendez-vous. Il est assis, je suis debout, je sais qu’il est allé le 21/11 à 8h45 chez l’urologue. Très vite j’oublierai son visage, et cette information redeviendra anonyme. En fond sonore ça joue trop vite : le violoniste qui ne suit pas la ligne de basse sortant de son caisson essaye-t-il de grignoter le temps ?
Le soir, le duende s’est installé au théâtre des Déchargeurs, présence espagnole dans cette petite rue parisienne.
Mercredi 27 novembre 2013
La Fémis. 21h peut-être. Mati Diop parle de “cette impossible réalité” d’une femme noire marchant dans la neige. L’image visuelle était belle, le sens l’est-il ? Mille Soleils, film soleil, western contemporain et africain, fiction documentée, documentaire écrit, que sais-je, comment décrire ce film que l’on peut percevoir pleinement après avoir le Touki Bouki auquel il fait (plus qu’) allusion ? Les vaches y meurent encore sous les lames aiguisée.