– Dîner avec Julien L.
– Film : Les Chants de Mandrin
Catégorie : Journal
Mercredi 15 août 2012
Férié. Respiration. Hésitations sur ce journal et celui du Japon.
Un peu plus tard, vers 16h50, c’est encore le Japon. Ce n’est pas que le Japon, c’est aussi Beyrouth, ces deux endroits où nous sommes allés cette année, étrange coïncidence, revoir la Corniche et le Tokyo club abandonné , revoir les buildings surréalistes de la Yamonote line…Sans oublier d’autres références, cinématographiques… Bref. Le film d’Eric Baudelaire c’est l’histoire d’une femme qui n’a pas toujours eu une identité, pas toujours un nom… une histoire improbable, splendide, romanesque. Mais le film d’Eric Baudelaire est caché dans une petite salle au fin fond de la Triennale, une petite salle qui subit le bruit de la vidéo d’à-côté, quel gâchis.
Ensuite on s’aère, assez longuement n’est-ce-pas, du Palais (de Tokyo, tiens donc…) à la Filmothèque. Pour y voir quoi ? Je vous le donne en mille. Un Kurosawa de 1957 : Le Château de l’araignée. Vous avez dit coïncidence ?
(Et dans la file d’attente, derrière nous, ce Mathieu et son joli pantalon bleu qui parle avec mamie… Elle s’appelait comment mamie ?)
Mardi 14 août 2012
Romy Schneider pleure assise sur l’homme en sang. Par-dessus ce qu’elle n’arrive pas à dire on n’entend que les cris qu’une réalisatrice pousse. Un homme la regarde, la photographie. Elle lui parle. La scène est fascinante, les hurlements de la réalisatrice sont incroyables de cruauté, l’homme est beau, l’actrice pleure et elle l’aimera. Ils se désireront, mais c’est le désir des autres que Zulawski nous montrera crument, le désir sans amour sûrement, l’appellerait-on libertinage ? perversion ? Qu’en pense la jeune femme droguée qui vient de vomir et que l’on… bref… Le leur, leur désir, il sera décortiqué, tendu, contourné, creusé, frôlé, tandis qu’autour Dutronc fait le guignol (et du bon café, dit-elle). Ca frise un peu le mélo peut-être, sûrement, mais tant pis si ça cogne, si ça chiale, si ça souffre : ça existe. Est-ce que ça existe encore, ce cinéma-là ?
Et puis dans le métro des bourgeois punk (des bourgeunks ?) qui boivent du rosé pétillant (du Muscador, élu produit de l’année 2009, c’est écrit sur l’étiquette). La femme à foulard les regarde du coin de l’œil. Ca se donne des airs rebelles mais c’est mardi gras au Bon Marché après un passage chez Lidl pour acheter à boire : grotesque.
Et puis avant, à la librairie, l’achat des entretiens entre Marguerite Duras et François Mitterrand. “Est-ce qu’on peut parler ici de peur ?“, dit-il dans cette première page que je lit et qui confirme mon envie d’acheter le petit livre. (Ne pas oublier de parler du titre du deuxième entretien).
Lundi 13 août 2012
Dimanche 12 août 2012
Alors on a choisi un (petit) film de dimanche après-midi, Lady Vegas. On aurait pu le qualifier de film de dimanche soir, mais on n’a pas la télé et on a presque oublié à quoi pouvaient ressembler les dimanches soirs, un film sur l’écran, quel que soit le film, pourvu qu’on ait la permission, qu’il ne finisse pas trop tard, parce que demain y a école. Après le film on irait se coucher, et pour peu qu’on soit un peu froussard et imaginatif, on regarderait sous le lit…
Samedi 11 août 2012
C’est une odeur d’autrefois sur laquelle je me penche : la morue, à l’ail et au persil, simplement. Bien sûr on dira que ce n’est pas la morue d’autrefois, moi-même je le dirai, il y a l’odeur, là, le nez dans la poêle, mais sinon ? Ce même jour je constate que c’est le retour des goûts et des odeurs d’antan, mais ma mémoire a glissé, je ne sais plus. Je me souviens juste de m’être souvenu.
On passe ensuite sur l’acrobatie (store sur vélib’) et l’on arrive au soir, David W, un dîner sur la terrasse, c’est si rare. Avec lui ? C’est inédit.
Vendredi 10 août 2012
Lundi 6 août 2012
J’ai sorti un carnet rose, rose foncé, fuchsia, bonbon, avec les éclairages, directs ou indirects, naturels ou surnaturels, on ne sait jamais vraiment. Aiguiser son crayon, sortir sa panoplie, retrouver le mot de passe et puis surtout l’envie, l’envie. Devant quelques moments, une lune à peine masquée un 28 juillet, un profil amical au milieu des bois et et des araignées le 29, un dégradé de blanc le 31, ce dégradé surtout, les phrases sont arrivées de suite devant lui, pendant qu’ils parlaient, comme ça, un claquement de doigts après les claquement de bouche, de mots (ceux d’un autre) et de pages (et quelles pages !). Les mots rimaient avec évidence ; je les ai oubliés. C’était le 31, et puis voici août. Me revoilà.
Dimanche 5 août 2012
Tu pars, je reste, on inverse les rôles. Place d’Italie tu descends, je continue, direction la MEP. Les expositions actuelles me laissent froid, ça photoshopise, ça portraitise, bof bof… Reste Charlotte Rampling, une ambiance, sa voix merveilleuse en arrière plan délicat, quelque chose de simple, sa beauté captée par les autres dont 4 photos fabuleuses de Paolo Reversi, une belle galerie d’autoportraits d’artistes sélectionnés dans la collection du lieu et puis son univers en images, qu’on aurait voir autrement qu’en diaporama sur 4 écrans. On aurait aimé les regarder plus longuement, s’arrêter, on rêverait d’avoir les mêmes souvenirs pour avoir au fond des yeux d’aussi belles images rien que pour soi ; la petite fille nue sur le canapé à fleurs, la Chine, la joie d’un photomaton avec quelque acteur jovial…
Samedi 4 août 2012
J’aurais pu faire un paysage flou, légèrement flou, pour rendre hommage à Gerhard Richter. Vous vous seriez frotté les yeux, vous auriez sûrement compris que non, c’était normal, voulu. J’aurais pu montrer d’autres choses pour lui rendre hommage, lui l’artiste aux formes multiples, même celles qu’on n’a pas vues dans cette rétrospective qui n’en est pas donc pas vraiment une : il y a une espèce d’oxymore dans une rétrospective incomplète.
Parce que souvenez-vous, Beyrouth, les photographies peintres, des centaines de photographies peut-être. Absentes.
J’aurais pu montrer autre chose, de la couleur bien sûr, de la couleur mais où ? Ah oui, en bas, tout en bas, petites taches sur le parvis…
Plus tard Rohmer et les couleurs de Mondrian cette fois, pour ses attachantes Nuits de la pleine Lune, mais je ne sais absolument plus ce que je voulais dire sur ce film… Je ne vais tout de même pas parler de la choucroute de la radieuse Pascale Ogier, des costards bavards de Fabrice Lucchini, ou du regard triste du beau Tcheky Karyo.
Vendredi 3 août 2012
J’attends, sur un banc, regarde les passants, certains courent, je m’en amuse, pour rien. Un message, elle est derrière la colonne, je m’en approche, ne la vois pas, on tourne autour, on s’en amuse.
Un jeu de mots (Narbonne vacances… on fait ce qu’on peut), des rues presque vides, une place malgré tout, un futur nouveau site, et puis les autres arrivent, on grignote, on raconte, on dîne, on l’interroge, on boit, ça fume (trop, non ?), ça cause, un désaccord ?, on voyage encore, un thé ? et voilà, déjà, mais si, 1h30 le dernier métro je vous dis.
Jeudi 2 août 2012
Americano, de Mathieu Demy. J’aurais envie de faire un jeu de mots avec le titre de ce film, du style “Ah mais ricanons”, mais même si ce film ne m’a pas emballé (bon OK OK j’avoue, j’ai vraiment pas trouvé ça bien), ne nous en moquons pas… juste parce qu’il donne envie de traverser la frontière américano-mexicaine au volant d’une Ford mustang rouge.
Je vous ai déjà parlé de la première voiture dans laquelle je me suis assis, à Chicago ? Non ? Eh bien c’était une Ford mustang. Noire. J’avais manqué de défaillir, parce que j’ai pas l’air comme ça, mais une Ford mustang quoi… Bref, je venais de franchir l’Atlantique, et cheveux aux vents j’essayais de compter le nombre de voies aux autoroutes et de mesurer la longueur des limousines qu’on croisait… La suite du séjour a été un peu moins fun, mais c’est une autre histoire…
PS. La journaliste de Elle qui a dit que c’était aussi vertigineux que Vertigo pourrait-elle vraiment regarder le film ?
Mercredi 1er août 2012
Derrière ses lunettes de soleil et sous cette chevelure sévèrement coupée, j’hésite à reconnaître Ph. jusqu’à ce qu’il soulève les verres teintés.
– Tu n’es pas au Japon ?
– Ben non tu n’as pas vu Ch ?
– Ah vous êtes là tous les deux ? Vous allez voir quoi ?
Après les questions suivent les réponses, surtout le titre du film, Poussières dans le vent, avec un nom pareil c’est forcément asiatique. Oui : taïwanais. Joli film sur ces jeunes de la campagne qui prennent le train et travaillent à la ville, contrairement au père qui trime à la mine, au grand-père – très joli personnage pas si secondaire – qui plante ses pommes de terre. Parfois, on ne sait pas trop quand ni à quel rythme, les jeunes reviennent, fêter les morts ou pleurer cette jeune fille qu’ils auraient tant aimée.
Kyôto : du 10 au 24 juillet
Mardi 24 juillet
On n’a pas osé réveiller Fumiko mais elle nous a entendus ; la voici sur le pas de sa porte alors que vos valises grognent sur l’asphalte de la petite rue. Elles nous appelle, on se retourne, court l’embrasser. Voilà. Ça y est. Nous sommes partis. Kyoto se réveille. Vide, presque vide. Deux hommes attendent devant l’entrée du métro Imadegawa, le rideau de fer est baissé, il est si tôt. Heureusement un taxi passe, un taxi orange dont les portes ne s’ouvrent pas automatiquement, c’est si rare. La gare est au bout de l’avenue, là, tout droit, c’est rapide évidemment. La lumière est belle, inoubliable, à croire que l’absence y est pour quelque chose.
1380 yens.
Voie 30.
Au revoir.
Lundi 23 juillet
Un dernier coup d’œil. Une petite surprise sur le pas d’une porte.
Et ensuite…
Direction Arashiyama. Nous sommes invités chez un ami de Fumiko. Nous n’en savons pas plus… Elle nous rejoint en train et saute dans un taxi blanc… Chauffeur, suivez cette voiture !
Le reste est longuement décrit dans mon carnet, il y a même quelques petits dessins qui représentent la salle de bain et trois pièces de vaisselle mais je ne laisserai ici que quelques rêveries. Parce que le moment est incroyable, entre tradition et modernité (tiens, ça me rappelle quelque chose ça…), entre sentiment luxueux et ambiance amicale.
Et donc le déjeuner… allez, je vous parle un peu du déjeuner. Au début il faut se présenter, à la fin on me demande mes impressions , et entre les deux je regarde comment font les autres (parce que nous sommes dix à table, des collaborateurs de notre hôte, une femme en kimono, une chanteuse lyrique….) oui donc comment font les autres pour manger, se tenir… On a l’honneur de manger des kaiseki, spécialités locales constituées de petites portions de plats. Les mélanges de saveurs et de textures sont étonnants, le tout servi dans une vaisselle de rêve. Fumiko traduit un peu, mais quitte à être baigné dans cette ambiance, après tout… pourquoi pas être carrément linguistiquement perdu.
Enfin… toutes les belles choses ont une fin, et nous voici repartis. Pour notre dernier jour nous allons chez Inoda – imaginez-vous qu’on n’y était pas encore allés et nous retrouvons ensuite Shiji à la gare pour un soda-cinéma (le festival, etc.). Il faut ensuite rapporter le scooter…
C’est en haut de l’hôtel Okura que nous regardons la lumière baisser, remplacée par celles de la ville… Deux verres de vin qui me montent à la tête, dans la coupelle les gâteaux apéritif sont en forme de coeur, a-t-on vraiment besoin de ce détail romantique pour apprécier ce moment ? Notre séjour se termine, mais nulle tristesse, juste le bonheur des moments vécus et du moment présent.
Nous allons dîner dans notre rolling sushi préféré de Sanjo, autour de nous la mixité sociale est vraiment étonnante… Puis les quais de la Kanogawa où nous marchons jusqu’à ETW. Peu de monde au bar, mais un couple que je cherche à prendre en photo – à voler leur image, dis-tu -… mais pourquoi ? Sur le moment je me suis dit qu’il fallait que je me rappelle leur visage, que je les décrive, parce qu’elle on aurait dit que… que quoi déjà ? et parce que lui avait un air de… de qui ? de quoi ? Un air de rien peut-être bien. Juste parce que c’est la fin.
Dimanche 22 juillet
Une dernière fois nous allons à Ohara, mais cette fois c’est d’en haut que l’on va regarder le village. On grimpe, tu connais le chemin, je te suis. Là haut Ohara est ponctuée de polygones violacés au milieu du vert. Nous pique-niquons, sur ce promontoire, de ce que nous avons acheté à la coop. Parfois on entend le souffle d’une voiture qui passe, mais ce sont surtout les grimpeurs qui rompent à leur rythme le calme du lieu. C’est amusant, ils doivent se demander par quel moyen on est arrivés là, après avoir machinalement lâché un Konnichiwa manquant de souffle.
Quelques chants d’oiseaux évidemment, une punaise aux couleurs étonnantes, à peine un nuage par ci par là, et face à nous cet arbre mort. Je parle de l’abattre, tu parles de le laisser : il rappelle la vanité des choses. Je poursuis la lecture de La Vie tranquille (laissé, depuis, chez Mireille) dont je note quatre petites phrases :
Je ne pense pas à m’ennuyer. L’ennui est loin, vague. Je sais déjà qu’il arrivera. Mais avant, il faut qu’on lui creuse sa place.
D’après mes notes sur le carnet rose, il y a aussi d’autres mots à transmettre, page 126, page 148. La jeune femme est alors à l’océan, seule. Elle n’avait jamais vu la mer. Sur des dizaines de pages elle pense, face aux vagues, à ces/ses morts, à ce qui lui semble être l’amour, un monologue splendide traversé çà et là par quelques échanges avec les vacanciers qui vont bientôt partir.
« Je ne pense pas à m’ennuyer », c’est exactement ça, ici face au vide ou ailleurs… Au retour de Ohara un arrêt à cette même petite boutique d’antiquités que l’autre fois. Je regarde cette même photographie, deux femmes en longue robe blanche, joueuse de golf souriantes des années 20 peut-être.
Après un peu de repos et le réveil des coups de soleil sous une pluie de Mozart, nous allons dîner chez Ono, restaurant dont la carte nous avait alléché il y a quelques jours. On comprend mal et l’on commande alors trop, mais évidemment on en sourit.
Et devinez où ça se finit…
Samedi 21
Qui sont-ils ? Sur les photos d’autrefois les visages défilent, figés, raides, stricts, posés, sévères. Figés ici dans le temps, ils ont vu les guerres et d’autres années que les nôtres. Photos de groupes, portraits, costumes-cravates, habits traditionnels, ils sont des témoins gris ou sépia, tristes ou souriants, que je laisse ici, hésitant pourtant à acheter ces si beaux albums – dont j’ignore le prix – et à acquérir ces moment qui ne m’appartiennent pas. Car ce matin nous sommes aux puces, naviguant d’une envie à l’autre, une petite poupée en bois ou de la vaisselle, des papiers colorés ou des objets en laque. Je cherche plutôt quelque objet des années 50, ces japonaiseries américanisées aux couleurs vives ou acidulées mais je ne trouve rien qui en vaille la peine.
Lorsque la pluie se met à tomber on se dit que ça va faire du bien, rafraîchir – il fait si chaud – et que l’on a bien fait de ne pas acheter ces albums, ces papiers… Mais la pluie insiste et s’abat finalement lourdement sur le temple. Nous patientons sous un abri de fortune, mais au bout d’une vingtaine nous nous avouons vaincus et décidons de braver la situation.
C’est donc sérieusement humides, mais protégés d’une couche supplémentaire et plus ou moins imperméable, que nous grimpons sur le scooter. Au sushi tournant de Funaoka je me déchausse pour sécher, dans le bar j’ai les pieds qui baignent encore un peu, et finalement au onsen, une fois plongé dans l’eau, ce n’est plus un problème.
Au onsen le temps s’écoule lentement et on y reste presque une heure sans s’en rendre compte. Je savonne mes lunettes pour éviter la buée le plus longtemps possible, afin de regarder les autres…
Un vieil homme au tatouage sur le bras gauche, tatouage léger, lignes et fleurs, pas de couleur. Il se lave longuement dans un coin, il frotte, encore et encore, de sa serviette jaune, son dos surtout, ce dos qu’il me tourne.
Un très vieil homme, très vieux oui, très sec, il n’a plus que la peau sur les os comme on dit, plutôt grand, sa peau forme des plis là où autrefois du muscle ou de la graisse faisait leur office. Qui le caresse aujourd’hui ? Le corps n’est pas usé, pas marqué, pas abîmé : juste vieux, très vieux oui. La peau est très blanche, transparente, veines apparentes, aucun poil ne la recouvre et le pubis n’est plus qu’un creux, une ombre, une forme. Ses mouvements sont lents, son regard un peu ailleurs. Il pourrait être sur l’album photo du matin, il a dû voir les guerres et tant d’autres années que les nôtres.
Évidemment d’autres plus jeunes, dans la cour extérieure où je reste car il y fait moins chaud et l’ambiance est presque feutrée – à l’intérieur les sons résonnent. La statue au-dessus du petit bassin a un visage sur lequel on lirait presque la surprise. J’observe, à travers les vitres je vois dans les vestiaires le ballet de ceux qui s’habillent et se déshabillent, je vois ceux qui vont et viennent dans ce petit couloir qui mène au bain, comme ce garçon bientôt adolescent, trop jeune apparemment pour être conscient du sens de cette horizontalité naturelle.
Plus tard, 17h45, la Villa K. De la terrasse on regarde une fois de plus l’horizon, les collines sombres derrière la ville qui prépare le soir, les cimes au premier plan. Nous venons voir une répétition de Ken. Dans la salle les gestes sont courts, d’abord hésitants, petit à petit plus fluides, c’est toujours intéressant de vois les choses se construire…Intéressant mais tôt ou tard il faut bien partir, s’arrêter à la boulangerie, chez DONQ, un de ses nombreux endroits où l’hommage aux spécialités culinaires françaises est toujours un peu approximatif, approximatif dans les mots ou évidemment adapté dans les goûts, les cuissons, les ingrédients…
Les casques posés, Fumiko est là, ce n’était pas prévu, ce n’était pas très clair, qu’importe, cela se transforme en moment délicieux : une boîte qui reste dans le frigo, un saut chez Lawson et on improvise quelque chose entre edamame, foie gras, salade de tomates et bière ; les conversations naviguent entre son travail et ce film qu’elle nous a montré hier, les femmes dont elle adore lire les biographies (Françoise Sagan, Louise de Vilmorin…), ou ses projets de maison qui font pétiller son regard… Pétillant, c’est cela, pétillant.
Vendredi 20
Le premier réveil est à 6h : bruyante, dense, une averse comme celles qui, en France, nous étonnent et nous collent à la vitre pour voir le spectacle tandis qu’on dit bêtement « C’est la mousson ». Au deuxième réveil, le vrai, le bon, celui de 9h15, la pluie s’est calmée, mais derrière le petit mur le ciel est bas et sombre. Durant le petit-déjeuner la pluie s’abat à nouveau. Le café est un peu trop léger, accompagné de ce pain de mie si épais et de melon au goût discret mais rafraîchissant. Je monte à l’étage pour m’assurer qu’aucune vitre n’est ouverte, de toute façon ce serait trop tard. Je découvre les pièces du haut, lumineuses, paisibles, fenêtre ronde au sud, balcon à l’ouest.
Tout cela se calmera… Nous décidons de rester la journée à Kyôto, à faire quelques boutiques. Tout commence par un café au Ogawa café – rien à voir avec Yoko Ogawa. Ici (ou ailleurs), le café c’est tout une affaire : on chauffe les tasses, on transvase, on mesure, on veille (et pas qu’au grain) et on vérifie la température de l’eau. Mais je jette un oeil plus long à mon petit écran connecté à Internet qu’aux faits et gestes de la jeune femme en chemisier blanc.
Suivent les boutiques, les vitrines, les étals, les dépatô (= department stores)…
De ce magasin d’encens chiquissime on ressort étonnés et amusés par les noms des bâtonnets (agua de beber…).
Des magasins de vêtement ou de sacs, Zara ou autres, on ressort sans rien malgré les tentations (tissus, matières, motifs, mélanges, coupes, détails, empiècements, couleurs, lignes…).
D’ici ou là on repart avec quelques d’utile tout de même : un parapluie (il pleut), cet éventail (il fait chaud), des brosses (ça gratte), des cadeaux pour Lili (ben oui !).
Et j’en passe : Nishiki, Muji, etc.
Les pauses bien sûr, pour déjeuner (le regard du serveur parce que vous ne vous comprenez pas), pour un café (chez Zen encore). Chez Zen, confortablement installés dans un grand fauteuil vert, la buée sur la vitre. On regarde ce couple de de personnes âgées, elle porte des chaussures trop grandes (c’est tellement plus pratique) ; plus tard ils prendront un taxi, lentement.
Toute cette journée, calme malgré le tumulte de la ville, calme parce que c’est le rythme qu’on lui a imposé, baigne dans une certaine humidité. La pluie, par averses ; le siège du scooter, je vous passe les détails ; l’air, toujours ; les montagnes au loin, desquelles se dégagent de poétiques volutes. Et la rivière, la Kamogawa qui charrie, presque violente, les conséquences des orages. On la connait habituellement si douce et reposante.
Pour le dîner nous retrouvons « les filles ». Arata et Masako nous entrainent dans un restaurant de yakitori. Le lieu est très bruyant mais elles recouvrent le brouhaha de leurs rires (brouhahahahahaha) et de leur enthousiasme. Revoir les photos de cette soirée, plus tard, me déclenchera au minimum d’immenses sourires. On découvre ou redécouvre quelques éléments indispensables de la gastronomie japonaise : les edamame évidemment, les brochettes de cartilages de poulet, les frites de… de quoi déjà ? de bugou ??
Après le dîner et une séance vidéo-photo qui déclenche l’hilarité, on cherche un petit bar. Kyôto en regorge, mais au hasard nous voici à l’Elephant Factory… qui s’avère être un café. Mais un café café, vous voyez ? Y a que du café quoi… Et de la bière, pour moi. 500 mL, c’était marqué sur la carte mais ça m’avait échappé… Buuurp… Voilà. Fini. Dans la rue où l’on se quitte, un garçon sévèrement éméché aborde une des filles : « I love you » lui dit-il. Yes girls, we love you too.
Jeudi 19 juillet
Vous vous rappelez Uji ? Vous auriez pu en recevoir une carte postale l’an passée. C’était vraiment bien Uji, une évasion hors de Kyôto, un joli moment dans le temple et le long de la rivière, mais comme il faisait chaud sur le barrage !
Ce jeudi, on y retourne. Un repérage de la route avant de partir et… ah non, pardon, avant de partir je peux parler du matin, du petit-déjeuner que l’on fait traîner, tranquilles. Je feuillette Traces et fragments de l’esthétique japonaise, de Murielle Hladik, et je saisis dans quelques phrases quelques évidences japonaises que je n’avais pas forcément vues, sur la fragilité, l’éphémère des matériaux de construction… Et puis l’on va au magasin de thé pour quelques questions, tu t’interroges, ça ira vite. Mais au Japon, non, ça ne va pas forcément vite. Je pense au verbe tergiverser, je me demande comme ça peut se dire en japonais… j’ai le temps de penser, de regarder les gens qui passent, qui s’arrête : monsieur conduit, madame descend, rentre vite dans le magasin, monsieur se gare un peu mieux ou un peu plus loin (le stationnement sur la rue, spécialité locale…) et un peu plus tard madame ressort. Je n’ai rien sur moi, alors je t’attends, finalement c’est aussi bien, si j’avais eu de l’argent sur moi, je serais allé à côté, jeter mon dévolu sur ces beaux cahiers au papier qui glisse tant, ou plus simplement sur un radis dessiné sur une carte écrue. Mais comme on me voit attendre et attendre encore on vient me voir, on m’offre un thé glacé (« very sweet », me dit-elle, et effectivement c’est very sweet, délicieuse harmonie entre le sucre et les arômes), on me propose d’entrer à l’intérieur du magasin, oh bien sûr j’accepte, ça ne se refuse pas (et puis un peu de fraîcheur…). Enfin te voilà, c’était un peu long alors la dame est un peu gênée (I didn’t knoooow..) mais à présent tu sais tout…
Uji donc. Y aller en scooter ce n’est pas si évident, ça a l’air tout droit vers le sud, mais non, ce n’est pas si simple. Mais on y arrive, bien entendu, après une route, avouons-le, assez désagréable. Beaucoup de circulation, de camions… On n’a pas ce genre d’habitude à Kyôto, lorsqu’on s’échappe pour respirer au nord ou à l’est. Quelques courses au « K » et l’on cherche un endroit pour pique-niquer. On rejoint donc simplement ce petit endroit où l’on s’était posé l’an passé. Oui mais voilà, c’est un peu sale (la batterie de voiture n’est pas un élément de décor très agréable à regarder), le lieu encaissé où l’on a choisi de s’asseoir manque sincèrement de charme et de confort, l’eau qui coule n’est pas fraîche, nos bentos ne sont pas vraiment bons… et toute cette énumération de petites anicroches dans nos si belles vacances finit en fou rire…
Alors on ne reste pas longtemps, on enfourche le scooter et hop, on prend ce petit chemin vers le nord. On espère voir des champs de thé, c’est la région… On roule, on roule dans ces montagnes où les arbres s’élancent encore. Parfois un croisement : on hésite. Parfois deux plans qui se côtoient : on s’interroge face à deux nord. « Vous êtes ici » blanc sur fond rouge… oui mais c’est où, ici ? Tu penses aux ambiances des dessin animés de Miyazaki, tu me dis que ce ne serait pas étonnant que des monstres gluants viennent ici la nuit. Et pour cause, certains endroits ont l’air abandonnés (et je ne parle pas des déchets qui ornent la forêt – pas très japonais tout ça), comme cette sorte de hameau industriel, dont les seules traces de vie sont des voitures neuves garées et des bruits de tôle. Mais soudain au fond d’un hangar, une silhouette, mains sur les hanches…
Au bout d’un moment, un peu plus de vie, un village où certains jardinent, un groupe d’enfants saluant le chauffeur de bus devant ce que l’on suppose être un observatoire. On a beaucoup roulé, on commence à sentir les effets du scooter sur le dos, le fessier… On roule encore un peu, à peine, et comme d’après notre plan il y a tout près le daigoji, on demande le chemin. C’est là que commence le petit jeu dont je vous épargnerai tous les détails… mais après avoir interrogé 2 personnes, fait 6 kilomètres pour rien puisque cul-de-sac countryclubesque au bout, fait demi-tour, décortiqué les kanjis sur les panneaux, redemandé à une dame en voiture complètement larguée puis un monsieur âgé et une mémé pliée en deux qui nous confirment que non non non impossible avec la baïku de prendre cette route, à pieds uniquement… et bien après tout ça, on repart vers Uji. On nous indique la direction et on se retrouve… devant un péage… et finalement sous un tunnel avec des camions qui vous doublent et ffffffffffff appels d’air et tout et tout… 4,2 km là-dessous, rien que ça… pfiouu…
Heureusement on est au Japon, il y a toujours un petit lieu agréable et original pour vous accueillir. Cette fois, à peine sortis du tunnel, nous nous arrêtons devant un petit café au bord d’une « nationale » mais est-il ouvert ? Et comment dit-on « ouvert » d’ailleurs ? Mais oui, le monsieur hoche la tête, nous voilà dans un vrai de vrai petit café, torréfaction et tutti-quanti, avec sacs de café from Colombia, etc. Et puis on reprend le chemin, un arrêt courses dans un supermarché où le jingle tourne en boucle…
On termine cette journée tranquillement, du goût français en bouche arrosé d’un vin blanc et quelques lignes piochées ici ou là dans le livre « Le Japon d’André Malraux » de Michel Temman : la spiritualité, l’américanisation, la mort, les jardins et les pierres… Malraux est allé au Japon en 1931, 58 et 74, et son regard est (probablement) une référence sur laquelle se clôt cette amusante journée.
Mercredi 18 juillet
Il est à peine 8h, la chaleur est déjà présente, une musique au loin. De l’autre côté du quadrillage du portail de bois ils passent, les étudiants. Les talons claquent et les semelles se traînent. Chapeaux et ombrelles sont déjà utiles mais pour les garçons on se limite souvent à cette chevelure noire, parfois assez longue, recherchée, rarement décolorée, celui-porte une casquette de football américain… Le soir, certains s’arrêtent à la boutique d’en face, une auto-école peut-être, on n’a pas demandé. Au téléphone Fumiko te parle de la Gion Matsuri, ravie, elle nous décrira plus tard les chars immenses, quelques photos sur le petit appareil. Et puis l’on part. « N’oublie pas ton éventail ! ».
Et puis on part à Nara, cinquante minutes de trajet, les rizières à travers les vitres… On passe sur la chaleur de la journée, écrasante, mais elle nous a poussé à l’ombre, dans les endroits arborés de l’ancienne capitale du Japon où les daims sont indénombrables. Mais avant les arbres, un rendez-vous et LA rencontre rapide mais souriante avec ton idole (enfin moi aussi j’adore ses films), N.K.
Du shabu-shabu pour déjeuner… une variante de la fondue chinoise, qui s’appelle ainsi car quand on trempe la viande dans l’eau bouillante, ça fait « chabou chabou ». Comme si notre fondue savoyarde s’appelait bloup-bloup quoi…
La longue promenade qui suit est un joli moment, calme, même si je pousse un cri au milieu d’un temple pour cause de piqûre d’insecte… Une pause en haut, et le bruit des cigales, ces incroyables vagues de crissements sur lesquelles on ferme les yeux. A l’autre bout de la ville les touristes admirent l’immense bouddha ; ils ne savent pas ce qu’ils loupent.
Retour dans la ville… Dans le bar, le serveur tente un peu de français : « Café glacé ? ». J’acquiesce, je suis près à tout pour me rafraîchir, mais définitivement je n’aime pas ça. En fond sonore de la musique brésilienne, avec en particulier une version accélérée de Mas que nada (obaaa obaaa obaaa). Une boutique pour touristes et une galerie marchande avant de reprendre le train, je m’achète trois feutres japonais… souvenir de quelques essais en calligraphie.
Le soir on se casse le nez sur deux restaurants, on finit dans un boui-boui à ramen. Infâme. La journée se termine dans le calme de chez ETW cinq cartes postales et un american cheese-cake…
Mardi 17 août
Nous avons pris rendez-vous quelques jours plus tôt ; j’aurais dû vous parler du rendez-vous, il fallait mon numéro de carte d’identité ou de passeport, n’importe quoi, un numéro quoi. On a triché. C’est pas mon genre, encore moins celui des Japonais, mais le tien irait très bien. Bref. Le rendez-vous c’était pour voir la villa impériale de Shugakuin, un bout de campagne aménagé pour héberger un empereur dans les années 1650. Un petit bout de campagne, vous imaginez bien… Non, franchement, c’est immense. Et sous un soleil de plomb comme celui d’aujourd’hui, c’est vraiment immense. Mais très beau. Vraiment très beau. Un peu chichiteux dis-tu, mais l’horizon me plait, les étangs, les arbres, les nuages rares qui flottent, cette libellule rouge vif m’enchantent… Bon, le guide était japonais, et pour l’audio-guide voyez-vous je peux pas faire des photo et tenir l’audio-guide, mais on a fait « oooooooooh » comme les autres visiteurs pour montrer que c’était passionnant. Bref…
On part ensuite se rafraîchir à Ohara. pikku-nikku sous les arbres près d’une cascade avec bain de pieds fort bienvenu. Pause lecture, je continue La Vie tranquille de Duras dont le titre est parfaitement adapté à ces moments que l’on vit là. Quelques hommes viennent se poser ici durant leur pause déjeuner, un photographe aussi ; il en prend, du temps, pour la prendre en photo cette pauvre cascade, sort son pied et sa patience, et je me demande si la photo de Jean-Jacques – ah ben oui je l’ai surnommé Jean-Jacques – vaudra le coup, parce que les photos de cascade, moi…
(« Surveille Jean-Jacques, j’ai en vie de pisser ». Rire.)
« Sanzen-in ? » Me demande deux hommes. Tu es un peu derrière moi, on sort d’un autre temple, je sais que c’est en bas le Sanzen-in mais j’ai un doute. Comment dit-on « attendez un instant » ?
Dans le bar où l’on se pose avant de repartir, la femme a les cheveux violets. Peut-être sentaient-ils l’aurore, comme l’écrit Duras p. 34.
Et le soir ? Pas de soir. Lecture, du calme, pas de bar…
Lundi 16 juillet
Parc impérial. Tu vas enregistrer ; je crois naïvement que ce sont les premières cigales que tu cherches, celles qu’on entendait hier aux premiers rayons du soleil. De mon côté je cherche l’ombre, quelques souvenirs à photographier comme cette vieille date qui remet son chapeau au moment où je me retourne, car tous ces cyclistes sous la chaleur ne m’intéressent pas vraiment… Et puis autour d’un arbre ils sont là, des photographes, équipés de zooms gigantesques que je regarde dans les magazines spécialisés en me demande à quoi ça peut bien servir (à aller plus haut, dirait Tina Arena). Je m’approche, la zone est circonscrite, un petit panneau avec photographie m’indique qu’il y a des chouettes. Je regarde dans la direction des objectifs, je ne vois rien (bon je suis un peu nigaud, j’ai gardé mes lunettes de soleil). Une femme s’approche : « Can you watch? ». Non, je watch rien du tout… Alors elle prend une feuille, un crayon et dessine les branchages. Un point rouge désigne l’emplacement du volatile. Je regarde je devine bien un truc (non mais vraiment, le coup des lunettes de soleil, quel niais alors je fais…) mais finalement c’est sur l’écran d’un appareil que je vois la bête. Trop sympas ces Japonais ! Je prends finalement moi-même une ou photos, voyez le résultat, elle pas belle hein ? (Allez-y, moquez-vous…)
Faute de trouver un café à proximité (sauf un vieillot sentant une sacrée odeur de tabac froid duquel nous ressortons de suite), nous allons chez Zen. Aaaah zen… lieu paisible, gâteaux délicieux, gros fauteuils confortables et c’était donc qui en fond sonore ? Trompé par la chaleur qu’il fait déjà, je ne prends pas un café mais commande machinalement ce yuzu cider qui m’intrigue (le yuzu étant un agrume local au goût un peu proche de la mandarine, mais qu’attendez-vous pour goûter ??). Par bonheur il est accompagné de morceaux d’arc-en-ciel, ces petites choses cristallines entre le bonbon et la pâte de fruit que l’on avait goutées l’en dernier : le paradis mes amis, le pa-ra-dis !
Nous retrouvons ensuite Yukiko à la gare et nous allons déjeuner dans un restaurant de soba. On y sert aussi des tempura… mmmm… avec le cuistot au milieu c’est encore une fois le spectacle.
(Intermède musical virtuel avec la petite ritournelle qui tourne en boucle dans le grand magasin, zut je ne l’ai pas enregistrée…)
Direction ensuite Ippodo (LE salon de thé) pour un thé, un thé spécial matsuri ! La matsuri, donc la fête, c’est LE truc du moment, tout le monde parle de ça, tout le monde nous demande si on y va, tout le monde vient à Kyoto pour ça, et ce lundi justement ils installent les chaises sur Marutamachi Dori en prévision du défilé. Des centaines de chaises, un truc incroyable, pour que les spectateurs puissent voir passer les chars. Bref, donc le thé spécial matsuri est accompagné de deux gâteaux (encore !!) : un mochi long (mmmmm) et une sorte de jelly (mmmmmm). Mais ne traînons pas trop, on nous attend…
On retourne garer le scooter chez Fumiko et l’on repart à pied, sous un soleil de plomb, pour rejoindre une « dépendance » de l’Université. Vers 16h45, à peine arrivés, on nous propose… un verre d’alcool (du shochu noyé dans la glace). C’est soirée spécialement organisée pour toi, avec projection et… tadadaaaam… Dîner ! (Oui je ne pense qu’à manger) Et quel dîner ! Quel festin ! Je passe un moment merveilleux, le professeur étant un personnage drôle et évidemment passionnant, et j’en profite pour lui raconter l’anecdote du sushi au nato (hu hu hu) et pour apprendre ce qu’est la cuisine macrobiotique (ho ho ho). Bon quand le professeur me demande de clore la soirée avec un mot de la fin je l’aime un peu moins, mais je trouve tout de même trois banalités à bafouiller. Mais trois banalités sincères : j’ai vraiment vraiment passé un moment formidable et un vrai moment japonais je crois
Fin de la soirée chez ETW pour un verre improvisé avec Ken.
(Note : parler un jour de cet étonnant gâteau en jelly offert par Yukiko)
Dimanche 15 juillet
Dans ce petit marché que trouvera-t-on, si ce n’est la foule et la déception de ne rien trouver, ah si, tout de même, mais quoi donc, quelques coupelles ? Je regarde les visages et les attitudes, au sol les prévoyants ont mis des bâches car le sol est encore humide des très fortes précipitations de la nuit. On tourne un peu, la femme à qui l’on achète un très joli petit sac nous prend en photos avec un grand sourire, mais vous imaginez bien qu’on ne s’embarrasse pas à lui expliquer que c’est un cadeau, de toute façon qu’est-ce que ça fait, de tout façon qu’est-ce que ça change.
On tourne encore un peu et puis l’on repart. Dans un tout petit café comme on en trouve tant au Japon, une vieille femme s’affaire pour deux cafés tandis que deux policiers discutent à une table. De l’anti-moustique fume près de la porte. Son pull est fuschia, sa chevelure d’un noir infini, j’imagine la photo que je pourrais faire d’elle, derrière son comptoir. Un portrait fixe, de face, forcément elle sourirait : je me surprends moi-même, c’est si rare que j’aie ce type d’envie. Je me dis qu’elle fera l’objet d’une description précise dans mon journal ou dans un album de photo, une description pleine de passion pour les petites dames qui tiennent des café ; te souviens de celle de l’an passé, dans ce bar si sombre, presque sur Shirakawa, ou à Tokyo, avec le petit sapin de Noël sur le comptoir.
Et puis on part. Sur la photo d’hier, l’œil rivé sur une carte, tu en parlais déjà je crois. Direction le nord de Kyoto, suivre les panneaux indiquant Kibune. Les pluies de la nuit ont en fait été plutôt torrentielles. Il y a quelques coulées de boue, la chaussée est très humide et toi d’une extrême prudence : ça bouchonne, je dirais même plus, ça bouchonne sévère. Mais à scooter on se faufile sans soucis : le Japonais au volant est très prudent, et le policier à casquette très prévoyant, plastification du couvre-chef obligatoire !
Dans Kibune (qui est, en résumé, une enfilade de restaurants le long d’une rivière, les terrasses étant au-dessus de la rivière), soudain, à travers le pare-brise arrière de la voiture que l’on suit, une coiffure se distingue, élégante, précieuse. A droite je devine une autre femme, une attitude similaire dans ce taxi au nom de Cedric (Revoir la BD où Florent Chavouet liste tous les noms de taxis). Tu dépasses la voiture noire par la gauche, je tourne la tête. Le visage est blanc de poudre, les lèvres d’un rouge éclatant qui souligne également les paupières, le visage sombre, elle fixe l’écran de son téléphone portable. Les promeneurs qui bordent la route la regardent, commentaires et moues de circonstance.
Nous continuons, la route est sinueuse, belle, perdue aux milieux de ces arbres interminables ; les automobiles sont simplement inexistantes, la voie est à nous, rien qu’à nous, sentiment délicieux et opportunité pour me passer le guidon pour que tu puisses filmer un peu.
Il est donc presque 14h quand nous nous arrêtons dans un petit restaurant au cadre idéal et à la carte parfaite pour notre appétit. Le couple qui tient le lieu a des visages fascinants : le monsieur en cuisine a le rire édenté, la petite dame qui fait le service me fait penser à Ginou, un bandeau écossais, assorti à son tablier rouge, coupe ses cheveux noirs. On se rappellera tout même à quel point on ne capte pas ce qu’elle dit (on comprendra après qu’elle ne fait que répéter ce qu’on a commandé).
Une heure plus tard nous repartons, le hasard nous a stoppés justement à l’embranchement de la route pour Kurama, que l’on n’aurait peut-être pas vu sans cela. Bref… Sur le chemin, une halte : d’un côté de la route le village, de l’autre les champs et le temple, merveilleux moment sans savoir où l’on est exactement. Et puis Kurama, pas de photo à Kurama, mais le bain public en extérieur, avec vue sur les montagnes. La première fois que je suis allé dans un onsen c’était ici, comment oublier ça ? Il y avait alors trois belges parlant très fort, cette fois il y a des coureurs, épuisés… ah tiens, des papas avec enfants aussi. C’est dimanche…
Est-ce ce jour-là que nous nous sommes arrêtés chez ce petit antiquaire ? Qu’importe… Le soir, autre bain de foule que celui du matin : un bain de foule pour la Fête nationale (Gion matsuri) mais cette fois c’est très organisé (à la japonaise dirait certains…) : on marche dans la rue en respectant les côtés, on TRAVEEEERSE PAAAS si les policiers ne veulent pas ! Bon allez, ça suffit… au lit ! (Mais sans glace au thé vert).
Samedi 14 juillet
Fumiko nous donne rendez-vous à Kamigamo, un temple dans le nord de Kyoto. Elle y va pour une inauguration d’expo par des étudiants en art plastique… où évidemment je m’étonne (encore longtemps je m’en étonnerai) des hommes en costumes traditionnels au milieu de la foule…
Une fois l’inauguration terminée (ne me demandez pas ce qu’ils ont raconté), une carte de visite donnée par un Japonais riant de son geste en réalisant que de toute façon on ne comprend pas les kanji, nous allons voir le temple de plus près… Et comme c’est le jour des mariages, on a droit là encore à un VRAI bain de vie japonaise et à quelques moments cocasses, surtout quand la mariée est poursuivie par une maquilleuse, une rajusteuse de plis et une éventeuse à éventail… Il faut dire qu’il fait une chaleur terrible ce matin !
Petite promenade dans tout le temple : le petit ruisseau, le petit chemin qui monte avec la vue sur la ville et les bancs sponsorisés, les gens qui prient, la dame qui met de l’eau dans ses bouteilles et d’autres mariages… décidément nous avons beaucoup de chance car l’endroit est très agréable et j’aime vraiment énormément ces moments de vies…
Autre scène cocasse, imaginez donc qu’il y avait là (en raison de l’inauguration because Institut franco-japonais, etc.) un Français qui donnait un petit cours improvisé de… danse bretonne (ou auvergnate, enfin bref, vous voyez le tableau). Et au milieu des apprentis danseurs, un de ces personnages dont les Japonais raffolent…
La chaleur étant un peu éprouvante, nous décidons de passer l’après-midi à faire les boutiques. D’abord une pause dans une boutique de fleurs, puis dans un nos deux rolling sushi bar préférés. Il est malheureusement trop tard lorsque tu me dis que le sushi que je viens de mettre dans ma bouche est au nato (du haricot fermenté, c’est absolument infâme)… et me voici parti dans un concours de grimaces se terminant en fou rire.
Un stop rapide au 100 yens shop où tout coûte 105 yens, puis un arrêt dans à Yodobashi camera où les clés USB en forme de sushi coûte la bagatelle de plusieurs dizaines d’euros… Nous finissons par faire les boutiques de vêtements à Terramachi (après un café chez Japonica) et comme ce sont les soldes, hop hop hop un petit pantalon tout léger léger parfait pour ici.
Nous retournons en fin d’après-midi à Kamigamo pour voir du théâtre traditionnel. Bon, je vous raconterai une autre fois l’histoire de shibiri, mais sachez qu’il s’est mis à tomber des cordes. Au moment de partir, ô joie, l’une de mes chaussures était malheureusement… pleine d’eau. Sans nato, mais pleine d’eau Je vous laisse imaginer la gêne terrible de la femme chargée d’abriter les chaussures, la pauvre, elle s’est excusée vingt fois tandis que j’enfilais ma chaussure comme si de rien n’était, en disant en souriant que c’était OK. C’est là qu’on a eu envie de manger des nouilles, direction donc le petit resto de ramen (et la boutique de livres / musique / dvd d’en face, Albator et Akira, etc.) de Sanjô…
Et pour finir ce bar dont j’ai encore oublié le nom, vous savez, celui avec les céramiques… Ah mais non, vous ne savez pas. Bref, il y a eu Nat King Cole en fond sonore et le serveur était en short sous son tablier ce qui n’a décidément aucun intérêt raconté comme cela.
Vendredi 13 juillet
L’air est déjà moite lorsque l’on s’installe sur la terrasse pour le petit-déjeuner, mais de la matinée on ne dira pas grand chose : cet arrêt chez Zen (nous y reviendrons bien assez tôt) et ce coucou (qu’on qualifiera de durasso-optique) à la Villa…
A 13 heures, on ne rigole plus, attention, déjeuner avec Ph. J. Ah mais en fait si si on peut rigoler, il est très amusant.
Nous allons ensuite dans un coin conseillé par Bakou : Daitoku-ji, qui s’avère être un temple constitué plusieurs temples secondaires : nous visiterons le Koto-in et le Daisen-in qui est le temple principal. L’ensemble a donc l’aspect d’un village ancestral aux rues pavées, et je tombe sous le charme de ce petit havre de paix, où seulement quelques couples de touristes regardent les plans pour trouver la sortie lorsque la pluie commence à se faire sentir. (Notons que chaque temple secondaire ou jardin zen est malheureusement payant…)
Nous décidons ensuite d’aller au bain public, le funaoka onsen. Pas de photo bien sûr, mais je dois bien avoir une image de l’entrée dans mes clichés de l’an dernier, puisque c’est le onsen où nous sommes allés le plus souvent. Quelques centaines de yens pour l’entrée, la petite serviette, la savonnette… Se laver d’abord, se plonger ensuite… Eau (très) chaude ou eau (très) froide ? L’endroit que je préfère est extérieur, ce petit bain d’eau chaude et cette petite cascade qui trouble à peine la nage des carpes multicolores dans leur petit bassin. Aujourd’hui ils sont trois à discuter, le père et ses deux fils peut-être. Une autre génération les rejoint, très vieux monsieur extérieur à ce trio. À chaque fois je pense à Bania, ce film magnifique de David Teboul. Ici j’essaye de retenir ce que je vois, les attitudes, les silhouettes, le décor, ce que j’entends, le bruit des portes qu’on pousse, des bassines qu’on pose, des robinets qu’on ouvre, les voix, ce que je ressens, la chaleur, la fraîcheur, la torpeur, la pluie là, dehors, je me demande à quoi pourrait ressembler les photographies, la buée floutant ceux qui se lavent, positions improbables des corps accroupis et des bras qui frottent…
Pour le dîner nous retrouvons Ken et Madoka : dîner thaï juste à côté de notre maisonnette. On n’oubliera surtout pas ces poissons avalant et recrachant un gros caillou, sorte de football sous-marin… Après la traversée à pieds de l’inteeeeerminable Parc impérial, retour chez ETW pour un dernier verre avec notre couple d’amis. Le Parc impérial est vraiment un lieu fabuleux la nuit : très peu éclairé, on y croise à la rigueur quelques joggeurs. La prochaine fois (ben oui, il y aura bien une prochaine fois…) j’apporterai un pied d’appareil photo…
Jeudi 12 juillet
La nuit a été légèrement perturbée par les pluies torrentielles, mais ayant globalement dormi de 20h30 à 11h30 (je vous avais bien dit que j’étais épuisé), on va dire que… ça va.
Nous partons pour Ohara par une météo incertaine, puisque ici c’est la saison des pluies. La route est superbe, nous l’avions également faite cet hiver, un peu de neige tombait alors ou se maintenait sur quelques cimes ; nous avions alors visité la partie plutôt touristique, avec en particulier ce moment magique et enneigé au Temple. Cette fois, je découvrirai la partie plus habitée. A peine arrivés, le regard se pose sur la brume qui s’élève des montagnes. On pourrait passer des heures à regarder ce flux incessant qui semble donner corps à la création des nuages. Mais bon, cessons d’admirer le paysage : il fait faim ! Tout d’abord une halte inévitable à la COOP pour acheter quelques légumes et puis voici le déjeuner : bentos, et pour dessert un mochi trempant dans un jus très sucré. La dame en cuisine te reconnait ; j’en profite pour cherche le mot vacances (kyûkachû).
Dans le village, les activités sont principalement agricoles. Que fait cette femme derrière la vitre ? Que font-ils donc dans ce hangar avec le chizo rouge ? Mais les rues sont quasiment désertes, les petits chemins escarpés encore plus… peut-être à cause de la pluie qui s’annonce ? Effectivement, la voici… Une pause dans un café où l’on s’étonne des tuyaux de gaz, mais il faut bien s’y résoudre : on va finir mouillés, et pour confirmer nos prévisions une minuscule grenouille verte traverse la route. Notre promenade continue entrecoupée d’averses de plus en plus fortes… et le retour en scooter est le meilleur moyen de vérifier si les vêtements sont adaptés.
(Sur le chemin du retour, un magasin de gadgets bien tentants, mais je n’achète rien)
Après une courte pause (hop hop hop surtout ne pas s’endormir !), nous allons retrouver Bakou. Nous faisons connaissance avec sa maison et le Castella, ce gâteau… qu’il n’aime pas trop
Pour finir, un tour chez ETW, qui sera un peu notre QG, à cause de l’accès wifi, du personnel que tu connais un peu, et de l’american cheese-cake…
Mercredi 11 juillet
Il est encore tôt au Japon. Enfin, nous voici. L’attente des bagages, la douane, toujours la douane qui veut ouvrir la valise et moi qui me trompe en disant que tu as la clef de cette valise qui n’en a pas. Évidemment le douanier ne comprend pas pourquoi c’est TOI qui a la clef de MA valise… Comment dit-on « Bienvenue au Japon » ?
Du train les mêmes paysages, je n’ai pas oublié les première images vues dans ce pays, la ville qui ne s’arrête presque pas, qui n’offre qu’une ou deux respirations vertes comme une rizière, Osaka bien sûr, imposante, les silhouettes des maisons, et enfin Kyôto eki, cette gare à l’architecture improbable, qui nous accueille aujourd’hui avec une petite musique locale : la fête nationale approche… Taxi aux cheveux et gants blancs, direction Karasuma Imadegawa. Chez Fumiko les retrouvailles sont relatives, nous nous sommes vus il y a environ un mois à Paris. Un peu de repos, à peine, si peu, et nous prenons le métro : notre scooter nous attend.
Allez, hop, en route !
Une halte en bas d’Eisan, j’ignorais cet endroit, et je me dis que le séjour commence merveilleusement bien, le lieu est paisible, à peine quelques passants et gouttes de pluie, mais des hortensias, tant d’hortensias, ils sont heureux de cette saison des pluies… Un restaurant délicat nous accueille pour déjeuner au bord de la rivière ; de l’autre côté des fragiles cloisons de paille, des visages. Nous allons ensuite à la Villa K pour retrouver les filles, le sommeil me gagne terriblement, la lutte est sans pitié pour reste éveillé. La solution est donc d’aller marcher. Au « petit temple », comme on l’appelle, le petit vœu accroché cet hiver est toujours là. Mais on ne s’arrête pas là, on marche un peu plus, encore un peu plus, on grimpe, c’est beau, on est ailleurs, je le savais mais j’en ai la preuve devant les yeux, on grimpe encore, j’aime ces statuettes posées ici ou là, ces touches de couleur de matière plastique et autres signes de modernité au milieu des rites… une cascade et une autre, mais finalement, évidemment, on redescend, redescend, et ô surprise nous voilà de l’autre côté, au Nanzen-ji. Les jardiniers, les arches du viaduc, la petite rue, les enfants qui sortent de l’école… et le chemin qui monte, monte…
Allez, on rentre ? Il y a une bouteille de vin d’Arbois qui nous attend pour nous achever en douceur.
Beyrouth : 8 -11 mai 2012
Nous quittons la France quelques jours alors qu’on n’y parle que d’une chose : l’élection d’un nouveau président de la République. Nous partons pour un autre territoire, un autre pays, une autre Histoire surtout… Nous quittons notre calme géopolitique pour mettre les pieds là où il y avait la guerre il n’y a pas si longtemps. Qu’en reste-t-il comme traces ? Et puis la Syrie est à quelques dizaines de kilomètres, les camps palestiniens sont là… Le monde a les yeux rivés sur cette région, on aimerait tant qu’il détourne enfin le regard.
08.05.12 – 18:40
Voilà, Beyrouth, nous atterrissons, à travers le hublot j’aperçois des immeubles à flanc de collines, nappé de… brume ? pollution ? poussières ? Lorsque l’on sort de l’aéroport la lumière est magnifique, dorée, désertique ? elle me rappelle celle de Louxor ce matin de janvier 2003. Le taxi nous attend, il s’appelle Antoine, il parle un peu français. En route vers l’hôtel.
Sur le parcours je regarde la ville, je la découvre, je l’étudie, avant de partir je savais que c’est elle que je photographierai, ses immeubles, ses murs, sans trop savoir pourquoi. Je vois la ville blessée, abîmée, je ne sais rien de l’histoire des quartiers que je traverse, je ne sais pas grand chose des guerres qui se sont abattues sur la ville, je sais à peine ce que j’ai lu dans la guide touristique acheté à l’aéroport – nous ne sommes pas très prévoyants – je ne sais pas à qui étaient les bombes, qui les balles visaient, je me souviens à peine des images télévisées, je n’avais pas dix ans, il y avait les chrétiens et les musulmans, j’ai oublié.
Dans le taxi j’ouvre la fenêtre, il fait chaud, tu demandes au chauffeur comment ça va le Liban. Il répond, évasif, toujours les problèmes… mais toujours ils s’en sortent. Résignation, fatalité. Sur les façades, les panneaux, les publicités, les enseignes, la vie est multilingue : arabe, anglais, français. Et puis il y a la mer, je ne la vois pas mais je sais qu’elle est là, pas loin, derrière ces quartiers, je la sens, je tends l’oreille et je la devine.
Nous découvrons l’hôtel, la chambre aux tissus rosés à un goût de désuétude et une certaine – légère mais certaine – odeur de tabac froid. On s’amusera ou s’agacera, c’est selon, d’une porte qui s’ouvre toute seule, d’une autre qui se rabat toute seule ou de celle, de guingois, qui ne ferme pas du tout…
08.05.12 – 20:20
On repart, le chauffeur est là, comme prévu, au coin de la rue. Nous traversons Beyrouth pour rejoindre le Beyrouth Art Center. Il fait nuit, autre vision, la ville est plus calme peut-être, les lumières m’attirent, évidemment, la grande mosquée est immense, lumineuse, ostentatoire. En approchant du B.A.C. le quartier est rempli de concessionnaires, les plus grandes marques de voitures sont là.
Au B.A.C, on retrouve JF&N, mais aussi évidemment Nasri, Abraham, qui habitent ici. Exposition de Gerhard Richter et surtout quelques films puisque nous sommes là pour cela.
08.05.12 – 23h50
Nous repartons dans la voiture de Nasri. Beyrouth by night, encore cette mosquée dont cette fois je fixe l’image, au passage tu me montres ce lieu entre elle et nous, cet imposant souvenir de la guerre. Les deux visages se côtoient : la reconstruction et les souvenirs. Dans les rues, quelques murs de pierres millénaires, murs factices, montés ici pour rappeler au passant l’histoire du pays.
Au restaurant, assortiment de mezze, un régal, c’est sublime. Les discussions vont bon train, le pays, l’art, les films, les plats, le bonheur, le plaisir de se retrouver… En voyant mon appareil, on m’alerte et on insiste sur ce que j’avais lu dans le guide : attention aux photos, attention à ce que je capte, attention aux militaires. L’un de nous confirme, il a eu quelques soucis à cause de cela. Les conseils ne sont pas tombés dans l’oreille d’un sourd : je serai vigilant.
Il est près de 2 h lorsque nous rentrons à l’hôtel, tout près. Nous sommes ailleurs et heureux d’y être.
La suite en images
Lundi 19 décembre 2011
Un café chez J dont je fais la connaissance, rejoints par D qui part demain puis Y. Je croise ensuite rapidement Ph, que je ne connais pas non plus, mais j’ai aperçu un échantillon de ses superbes photos accrochées dans le couloir.
Arashiyama, suite. Y gravir un chemin, des marches, l’horizon n’est parfois que des lignées de troncs, pour arriver à l’étonnant mélange visuel entre un temple et une cascade, mais trouver presque normale la présence de seaux en plastique.
On déjeune ensuite de la version japonaise du plateau-repas… Joli lieu, service parfait, multiplicité des saveurs, mais on retiendra surtout le tofu chaud à plonger dans le bouillon : un délice.
Une pause chez le loueur de de scooter pour deux jauges à revoir (celle de l’huile et celle de mon casque) puis le bonheur singulier de trouver des olives au milieu de tous les produits exotiques, au propre comme au figuré, qui remplissent les rayons du supermarché. Un café et un muffin à la fraise comme si déjeuner n’avait pas suffi, une lignée de personnes solitaires plongées qui dans un téléphone, qui dans un livre, qui dans ses pensées… Des hauts-parleurs s’extraient quelques improbables musiques de circonstance, ici aussi c’est Noël, qui serait, d’après ce que l’on me racontera plus tard, plutôt l’équivalent de notre Saint Valentin.
Après le dîner nous rejoignons le petit groupe pour un verre chez Japonica. Les serveurs et les habitudes locales insistent pour noyer le shu dans de la glace ou de l’eau gazeuse et l’on s’incline, après tout donnez-moi de la coutume, je suis là pour ça.
Dimanche 18 décembre 2011
Au réveil, le vrai réveil après ceux qui se sont succédé durant la nuit, il reste le sourire de l’hôtesse et le lever du soleil, lumière orangée que j’aperçois là-bas, à travers l’un des rares hublot restés ouverts. Je repense aux couleurs du ciel dans ces rares moments, dans ce train pour Bari ou dans ce car pour Abu Simbel. La femme devant moi dort encore, elle voyage seule, enfin je veux dire que son mari n’est pas à côté d’elle. “Tu ne vas pas me faire ça” avait-elle dit, mais si, il est resté sur ma rangée, n’a pas voulu changé de place, tandis qu’elle, elle préférait ; c’était mieux pour ses jambes.
Dans le magazine de la compagnie la poésie culinaire de René Redzepi et celle vue au CAPC de Wolfgang Laib, et puis voilà, sur le petit écran s’affiche la mer, celle que l’on survole. La piste d’atterrissage approche, légèrement blanche, sûrement un peu de givre.
Couloirs, contrôle, escaliers, tapis roulant, toujours une légère angoisse, surtout quand le temps passe sans que déboule le bagage, douane, je choisis une femme quinquagénaire plutôt que le genre jeune mec de la dernière fois, au moins elle ne me demande pas en insistant si j’ai du cannabis sur moi. Non, je transporte une autre drogue madame : du vin, du foie gras, du saucisson et du pâté basque.
Et puis ça y est, toi, un café, toi, un train, toi, un taxi, une femme dans une voiture verte couleur boîte d’aspirine, retour, habitudes, seules les températures ont changé – beaucoup – et le paysage – un peu, un peu plus rouge, un peu plus dégarni.
Assez vite on repart à l’aventure, cette fois-ci en scooter, pour découvrir bien d’autres choses, bien plus libres, librement, fraîchement, joyeusement. Direction Arashiyama. Un arrêt pour un remise de prix de base-ball, les familles rient, les enfants sont fiers mais ont du mal à tout tenir et la poignée de main est fébrile.
Un temple, les couleurs des feuilles évidemment, de près, une petite boutique avec un verre de thé chaud pour l’accueil et l’on se sent (presque) obligés d’acheter ces (jolies) cartes, la nuit tombe vite et les lumières sont là, joli moment imprévu, magique, par petites touches de lumières ou de manière plus imposante avec la forêt de bambous illuminée, nous ne sommes pas, la foule s’agglutine, rêveries d’un promeneur non solitaire.
C’est au bar Onze que l’on se réchauffe, puis restaurant que l’on rêve encore, juste devant nous les plats se préparent, les coloris et les goûts se succèdent, un sashimi de thon comme on n’en mangera jamais ailleurs, une huître lardée frite, un demi-kumquat aux œufs de saumon, du poisson grillé recouvert d’un mélange d’algue et d’anguille, etc. Autour de nous tout le monde mange exactement la même chose, quasiment en même temps, les sourires en disent longs, d’un côté comme de l’autre sur le plaisir partagé. Mais le sommeil gagne… rentrons.
Samedi 17 décembre 2011
Oublions la foule et le stationnement debout en lisant Susan Sontag, qui m’extrait quelques sourires dans son “Sur la photographie” :
L’utilisation d’un appareil photo apaise l’angoisse que ressentent ces bourreaux de travail quand ils sont en vacances et qu’ils sont censés s’amuser. Ils ont quelque chose à faire, une sorte de travail d’agrément : ils peuvent faire des photos.
Et continuer sa vie ici… http://www.arnaud-rodriguez.net/voyages/japon-hiver
Vendredi 16 décembre 2011
Pour une fois je ne pars pas en congés à des heures qui frisent le lendemain ou n’existent presque plus : je dois passer par la dernière étape avant décollage, à savoir le bureau de change avant 18h30 où un bug informatique aurait pu me donner 712000 yens au lieu de 72000, mais ne rêvons pas inutilement, et réalisons que ce n’est pas vraiment la dernière étape puisque il reste une valise à faire.
Jeudi 15 décembre 2011
Trois notes qui sortent des hauts-parleurs et machinalement je frappe dans mes mains en cadence tandis que Sheila entame les paroles… il faut évidemment que je fasse le guignol alors que j’accompagne C à la crèche, elle va récupérer le petit et moi je dois y faire quelques photos puisque c’est la magie de Noël. Avec deux bouchées chocolatées bien sûr…
Et puis le temps d’un RER me revoici chez “Vivre le Japon”. Il se souvient de moi, de ma venue au mauvais moment, au déménagement. Cette fois-ci tout est en ordre, tout fonctionne, et je repars avec le sourire du crémier et mon Railpass qui m’emportera de Kyoto à Tokyo (et inversement)… Sur le mur de jolies photos, je ne demande pas comment on fait pour exposer, j’attends un peu, mais en fait vous pouvez me dire pourquoi je n’ai pas demandé ?
Mercredi 14 décembre 2011
Mais qu’est-ce qu’un horizon dans un lieu conçu pour briser tout espoir ?
Voilà, déjà, je le relis, pour mieux le comprendre et mieux en retenir l’essence. Essence, écorce, forcément… Dans Le Monde, justement, j’essaye de comprendre ce qu’un archéologue en retire, mais heu… qu’est-ce-qu’il dit ?
Et puis c’est l’heure de l’apéro, on frappe à la fenêtre et on oublie les écorces avec un petit blanc bien frais et quelques rillettes…
Mardi 13 décembre 2011
À mon retour du Mali, j’avais cru comprendre que l’homme n’est rien ni personne. Et j’aurais pu aussi bien dire qu’il était tout.
Et la femme de ce roman, ne fut-elle personne ? Exista-t-elle ? Et l’homme, le narrateur, qui est-il ? Lui ou un autre ? Un peu lui, certes, malade du sida, ce sida qu’il l’a déjà emporté quand le livre parait, ce livre où la mort frappe dès la première ligne, mais pourtant livre de vie (l’ivre de vie, dirait Cixous), une vie (tumul)tueuse, etc. Le Paradis, titre posthume, est refermé. Comment ai-je pu penser un seul instant que ça ne ressemblait pas à du Guibert ?
Lundi 12 décembre 2011
On aurait pu se réjouir et parler pour une fois ici de manchons de canard. Mais voilà qu’ils avaient la peau dur et la chair ferme. On allégea donc le dîner par quelques conversations souriantes et Chopin, toujours Chopin, il faut bien cela avant de se pencher sur les phrases qui accompagneront les images, une petite musique, en attendant celle des mots.
Dimanche 11 décembre 2011
“C’est à Rome, c’est ça ?”
Oui c’est à Rome, c’est même le titre de l’exposition que vous êtes en train de visiter… Oui, je suis de retour devant les photos de W. Klein à la MEP, je m’en imprègne, je les ausculte, je les décrypte un peu plus, m’arrêtant sur les textes qui les accompagnent. Un autre regard aussi sur la photographie albanaise, sur ces visages hors du commun, sur ces gris et cette vieille femme devant sa porte, un parapluie en guise de canne. Sur la carte achetée, je découvre, je vois enfin autour de son cou un boa en fourrure, noir sur les vêtements sombres, et je me demande encore quelles pensées se cachent derrière ce visage perdu.
Le hasard d’un restaurant au nom ensoleillé de Salento plus tard, nous voici au Bal, Le Bal, autre lieu de photographies, l’exposition en cours se nomme “Topographies de la guerre”, et que voilà de beaux travaux encore ici, surtout ceux de Jananne Al-Ani, Walid Raad ou Till Roeskens. Ce dernier, en quatre films de quelques minutes chacun, expose la notion de territoire au camp d’Aïda à Bethléem. Fort.
Les courants d’air d’un café de la place Clichy plus tard, nous voici à l’église. J’ai entraîné JLM chez Bizet, l’orchestre remplit le lieu de culte d’une foule, chanteurs et spectateurs, repartant en chantonnant que le toréador doit prendre garde.
Quelques cacahuètes enrobées de chocolat plus tard, nous ne sommes toujours pas seuls, mais c’est un écran qui nous fait face pour le film Shame. La nouvelle coqueluche du cinéma plus ou moins d’auteur se dévoile (et à vapeur), mais on aurait préféré voir moins, ressentir plus, et ne pas subir la version la plus chiante de New York, New York jamais entendue ou les cris sous la pluie.
Samedi 10 décembre 2011
Il faisait beau, nous étions là, on rendait hommage à Jorge Semprun, Bernard Pivot lisait quelques passages et le hasard me ramenait donc, après Écorces, sur les terrains douloureux des camps de concentration. Je relirai le livre un peu plus tard, très bientôt sûrement, mais d’abord en offrir un exemplaire à JLM et finir Le Paradis de Guibert. En attendant on m’a présenté comme étant celui qui… et l’on a visité le lieu où…
Je découvrais alors Blois, charmante, escarpée, vivante, c’était Noël, ça achetait et patinait… Les bords de Loire me rappelait un sandwich au rôti de veau orloff et la chambre d’hôtel désuète de Beaugency ; ces souvenirs plutôt agréables (comme quoi…) ne remplissaient cependant pas les rêves dans le wagon du retour.
Vendredi 9 décembre 2011
N° 11 du boulevard, c’était bien ça, le repère c’est la station service, mais je n’avais pas le code. Une fois entré et présenté je pose par terre les 2 formats 40×60 et les 4 plus petits, je regarde le résultat, satisfait, très satisfait. Ceux qui m’accueillent ont aimé ce qu’ils on vu l’autre jour, K me demande si cette fois aussi j’écrirai un texte et sur la table basse il y a de quoi faire saliver les yeux. Je fais donc la très jolie connaissance de Sh, ses paroles et des anecdotes teintées d’ailleurs sont douces ; sur la photo le petit garçon, assis en tailleur évidemment, a l’air bien concentré sur son nouveau cahier. S puis L arrivent, on se presse un peu et malheureusement mon dîner se finit avant le leur puisque un train m’attend… et JLM aussi, dans ce hall d’Austerlitz où les inconnus ont les traits autant tirés que leur valise ; il est bien tard quand enfin on part.
Jeudi 8 décembre 2011
Cette journée aurait pu être constellée d’échecs, voire être elle-même un échec total, car sur la liste des choses à faire, en raison d’inadvertance et circonstances, j’ai bien failli de rien rayer. Mais le hasard d’un salon de coiffure encore ouvert, le courage d’un aller-retour supplémentaire at home, ou la perfection d’une librairie possédant l’objet du désir sauvèrent cette jour(tt)née.
Alors me voici accoudé au bar, la femme au fond mange du raisin et j’ouvre le petit sac. Colette K m’a dit qu’elle l’avait lu deux fois de suite. Je commence :
J’ai posé trois petits bouts d’écorce sur une feuille de papier. J’ai regardé.
En vingt-quatre heures, dans mon cas, le livre aura été lu, absorbé. Dans Écorces, Georges Didi-Huberman — auteur dont je regardais justement régulièrement les tranches sur l’étagère —, mêle et entremêle deux analyses, sur le camp d’Auschwitz-Birkenau et sur les photographies du lieu. Dès le début de la lecture, l’adjectif “extraordinaire” s’impose, mais au fur et à mesure s’en interposent d’autres : précis, émouvant, intelligent, bref… indispensable.
Mercredi 7 décembre 2011
Évidemment dans le métro du retour il y a de quoi écrire ici, cette femme trop maquillée endormie sur les sièges bleus, et cet(te) androgyne, moue et regard droit sous les cheveux longs. Je repense à ce qu’elle m’a dit, mon éclat de rire face à cet air détaché en m’annonçant l’incroyable, puis mon impassibilité face à la deuxième nouvelle, encore plus incroyable, je repense à cette journée, à la liste écrite en orange qui m’attend à la maison, cette liste de ce qu’il faut faire demain, je suis sûr qu’au milieu j’oublierai quelque chose, que la liste ne suffira pas et pourtant j’ai éliminé un élément, j’ai biffé sur mon avenir proche ce dossier d’inscription à envoyer, c’est tellement vain, je ne pourrai pas préparer l’impossible en une semaine, surtout avec les jours qui viennent, rappelons-nous la fable, rien ne sert de courir, alors un jour je partirai à point, sur un plateau d’argent je leur donnerai ce qu’ils veulent, tous les recoins de ma vie estudiantine, professionnelle, bénévole voire personnelle… Bref, en attendant les compétences et les acquis, pensons d’abord aux vacances et aux confettis : contrepet approximatif.
Mardi 6 décembre 2011
À l’aller je me plonge dans un nouvel ouvrage, un Guibert, tiens le revoici, Le Paradis, un Guibert surprenant qui ressemble à un livre écrit par quelqu’un d’autre en fait… mais je ne sais pas vraiment pourquoi j’ai cette impression…
Jayne éventrée, l’andouille, l’ex-championne de natation, sur la barrière de corail au large des Salines, je me retrouvai seul au bout du monde, avec une voiture de location que je ne savais pas conduire, les mains vides mais les poches bourrées de liasses de billets de cent dollars, un grand chapeau de paille sur la tête, dans ce pays de sauvages dont j’ignorais la langue, ayant longtemps attendu sur cette plage qu’un rouleau me rapporte le corps de Jayne pour constater que sa ch…
Mais stop, cette première phrase fait une page, passons à la suite, aux fugaces révisions avant d’arriver à Nogent et ce “soko de tomette kudasai” qui me revient.
Au retour… dialogue improbable, une virgule d’accent asiatique pour la fille, une difficulté à articuler pour le garçon…
– Elle : J’ai pas très bien compris c’est qui l’autre là.
– Lui : Qui ?
– L’autre
– Quel autre ?
– Ben l’aaauuutre làààà.
– Machin * ?
– Non l’autre.
– Bidule ?
– Oui, j’sais pas, c’est qui ?
– J’sais pas…
(Bon en fait après la fille a dit qu’il avait bu trop de bière, lui il a commencé à s’effondrer sur elle en l’embrassant dans le cou tandis qu’elle tapotait sur son nifône et puis voilà, ensuite j’ai cuisiné du lapin pourtant il était tard, dîner à vingt-trois heures c’est de la folie mais c’était excellent d’ailleurs en même temps j’ai commencé à faire ma compil 2011 ben oui.)
* Les prénoms ont été changés.
Lundi 5 décembre 2011
“Ah au fait je vous ai pas proposé un chouinegomme“. J’avais acheté Le Monde, pour me tenir un peu au courant de l’aura de Mme Clinton et pour découvrir qu’on étouffe à Pékin, et évidemment le vendeur, vous savez le vendeur, enfin non vous ne savez peut-être pas, mais il est un peu bizarre. Très gentil. Mais bizarre. Du genre qu’il m’aurait fait louper mon rer avec son histoire de chouinegomme… bref, vers 22 h, ça sent encore le foie de volailles dans le salon, mais le lit m’accueille déjà. D’une tâche à l’autre, les pieds sous la couette mais les mains sur le clavier, le film reste dans sa boîte et je m’endors sous les airs de Bach. JS, pas CPE, écorché hier d’ailleurs le pauvre mais bref…
Dimanche 4 décembre 2011
“Oh elles sont belles tes chaussures !” La petite fille sourit ; un sourire satisfait. “Elle attendait ça“, me dit le propriétaire de la boutique d’à-côté où mon choix avait failli se porter sur des chaussures plus colorées que celles que je suis en train d’essayer, tandis que le père de la petite (probablement le frère de l’autre, il y a un air) est descendu chercher une autre pointure d’une autre couleur : le 42 ça n’allait pas. Elles seront donc chocolat, c’est de saison — vous n’avez pas acheté des truffes ? — finalement c’est aussi bien que la version noir profond qui me faisait de l’œil en vitrine depuis des mois.
“Et celles-ci ?” Ma pointure avait été achetée par un japonais, alors on se met à en parler du Japon, du style des Japonais, les tissus, les coupes…
Il m’avait proposé de les garder aux pieds, malgré la pluie. C’est donc avec un certain plaisir que me voilà donc assis à une table du bar-restaurant du Lucernaire, parce que les chaussures neuves, vous voyez… À ma droite deux femmes remontent le temps et les anecdotes, elles en sont en 1981 et j’attends CK qui sera en retard. Et puis cette femme entre, lunettes ovales, coiffure datée, manteau cintré, on est soudain quelque part à la fin des années 50, peut-être un peu après, même son visage est d’autrefois. Elle aussi vient écouter Marie-Christine Barrault nous plonger dans l’Europe des lumières, quand Frederic II et Voltaire usaient de bons mots, entre deux airs, flûte et violoncelle. Plus tard elle fera la grimace : le vin, c’était pas ça.