Nous quittons la France quelques jours alors qu’on n’y parle que d’une chose : l’élection d’un nouveau président de la République. Nous partons pour un autre territoire, un autre pays, une autre Histoire surtout… Nous quittons notre calme géopolitique pour mettre les pieds là où il y avait la guerre il n’y a pas si longtemps. Qu’en reste-t-il comme traces ? Et puis la Syrie est à quelques dizaines de kilomètres, les camps palestiniens sont là… Le monde a les yeux rivés sur cette région, on aimerait tant qu’il détourne enfin le regard.
08.05.12 – 18:40
Voilà, Beyrouth, nous atterrissons, à travers le hublot j’aperçois des immeubles à flanc de collines, nappé de… brume ? pollution ? poussières ? Lorsque l’on sort de l’aéroport la lumière est magnifique, dorée, désertique ? elle me rappelle celle de Louxor ce matin de janvier 2003. Le taxi nous attend, il s’appelle Antoine, il parle un peu français. En route vers l’hôtel.
Sur le parcours je regarde la ville, je la découvre, je l’étudie, avant de partir je savais que c’est elle que je photographierai, ses immeubles, ses murs, sans trop savoir pourquoi. Je vois la ville blessée, abîmée, je ne sais rien de l’histoire des quartiers que je traverse, je ne sais pas grand chose des guerres qui se sont abattues sur la ville, je sais à peine ce que j’ai lu dans la guide touristique acheté à l’aéroport – nous ne sommes pas très prévoyants – je ne sais pas à qui étaient les bombes, qui les balles visaient, je me souviens à peine des images télévisées, je n’avais pas dix ans, il y avait les chrétiens et les musulmans, j’ai oublié.
Dans le taxi j’ouvre la fenêtre, il fait chaud, tu demandes au chauffeur comment ça va le Liban. Il répond, évasif, toujours les problèmes… mais toujours ils s’en sortent. Résignation, fatalité. Sur les façades, les panneaux, les publicités, les enseignes, la vie est multilingue : arabe, anglais, français. Et puis il y a la mer, je ne la vois pas mais je sais qu’elle est là, pas loin, derrière ces quartiers, je la sens, je tends l’oreille et je la devine.
Nous découvrons l’hôtel, la chambre aux tissus rosés à un goût de désuétude et une certaine – légère mais certaine – odeur de tabac froid. On s’amusera ou s’agacera, c’est selon, d’une porte qui s’ouvre toute seule, d’une autre qui se rabat toute seule ou de celle, de guingois, qui ne ferme pas du tout…
08.05.12 – 20:20
On repart, le chauffeur est là, comme prévu, au coin de la rue. Nous traversons Beyrouth pour rejoindre le Beyrouth Art Center. Il fait nuit, autre vision, la ville est plus calme peut-être, les lumières m’attirent, évidemment, la grande mosquée est immense, lumineuse, ostentatoire. En approchant du B.A.C. le quartier est rempli de concessionnaires, les plus grandes marques de voitures sont là.
Au B.A.C, on retrouve JF&N, mais aussi évidemment Nasri, Abraham, qui habitent ici. Exposition de Gerhard Richter et surtout quelques films puisque nous sommes là pour cela.
08.05.12 – 23h50
Nous repartons dans la voiture de Nasri. Beyrouth by night, encore cette mosquée dont cette fois je fixe l’image, au passage tu me montres ce lieu entre elle et nous, cet imposant souvenir de la guerre. Les deux visages se côtoient : la reconstruction et les souvenirs. Dans les rues, quelques murs de pierres millénaires, murs factices, montés ici pour rappeler au passant l’histoire du pays.
Au restaurant, assortiment de mezze, un régal, c’est sublime. Les discussions vont bon train, le pays, l’art, les films, les plats, le bonheur, le plaisir de se retrouver… En voyant mon appareil, on m’alerte et on insiste sur ce que j’avais lu dans le guide : attention aux photos, attention à ce que je capte, attention aux militaires. L’un de nous confirme, il a eu quelques soucis à cause de cela. Les conseils ne sont pas tombés dans l’oreille d’un sourd : je serai vigilant.
Il est près de 2 h lorsque nous rentrons à l’hôtel, tout près. Nous sommes ailleurs et heureux d’y être.