Chez mes grands-parents, lorsque j’étais enfant, et même peut-être adolescent, je rapportais souvent de mes promenades, c’est à dire lorsque je “descendais dans les bois” sans m’aventurer ailleurs, des bouquets de graminées. C’était dans mon souvenir toujours le même bouquet agrémenté de fleurs de saison, mais c’est peut-être toujours le même souvenir, se terminant dans le petit vase bleu fêlé. Les bouquets que l’on fait ici, en piochant en bordure du champ de longues tiges dont on ignore le nom et l’usage éventuel, me rappelle ces moments, même s’il y manque la fleur de saison. On la remplace par le millepertuis qui pousse devant le pas de la porte, ou par quelques fleurs achetées au supermarché ou chez le fleuriste, triste fleuriste aux fleurs trop raides. C’est alors un autre souvenir qui surgit, cette scène de Six Feet Under où Ruth tente de faire un bouquet, et nous rions ensemble, la triste mine du fleuriste balayée par une imitation.
(Et puis retrouver le cinéma. Peut-on filmer la mort de manière plus belle et poignante ?)