Scène 1. Matin. Marché aux puces.
Je m’accroupis, regarde des tasses, juste comme ça… Le vendeur se lève, me dit que c’est époque Meiji et que ce sont des vues du Mont Fuji. Et il s’approche, prend une tasse, me redit que c’est Fuji san, et pointe du doigt non pas une, mais deux montagnes… Heu… C’est le Mont Fuji, ça ?, je lui demande en souriant. Il tourne la tasse dans tous les sens à la recherche du symbole japonais… et je m’éloigne en riant de l’homme gêné, lui qui avait l’air vraiment sincère et qui n’avait donc jamais dû regarder son lot de près.
Scène 2. Après-midi. Caisse du Fresco.
Elle prend mes trois kilos de sucre posés dans mon panier, en pose deux derrière, et par le mot hitori au milieu d’une phrase en japonais prononcée trop vite, je devine qu’il y a restriction. Cela me semble improbable, alors je lui demande de répéter, puis lui demande pourquoi mais la réponse est incompréhensible et je crois bien qu’elle répète la même chose, encore trop vite. Je dis que je ne comprends pas, en regardant la femme derrière moi, la quarantaine, visage fermé, elle s’en fout, elle veut juste payer ses articles. Alors, comme souvent dans les moments de communication impossible (cf. la scène non racontée, il y a une dizaine de jours, d’un problème d’abonnement à la salle de sport), j’hésite entre en rire ou en pleurer, mais en tout cas, là, à ce moment précis, je déteste tout, tout le monde, ce pays, la personne en face et moi-même. Je retrouve alors un réflexe de franchouillard agacé en lui disant de manière sèche que j’irai donc en acheter dans un autre magasin, hésite à lui demander si c’est la guerre, répète sa phrase d’excuse en la finissant par quelques vagues borborygmes, et paye, malgré tout, parce qu’il y a peut-être une raison.
Scène 3. Soir. Restaurant.
Nous sommes tous les quatre au comptoir. Le cuisinier et sa femme s’affairent, se croisent. K leur dit que c’est comme une danse. Je traduis à peu près. Elle rit. Comme nous rirons souvent, au cours de ce dîner merveilleux, chaleureux, délicieux.