Un mois. Après tous ces mots et toutes ces images, le silence s’est imposé. Comment revenir et poursuivre la construction de ce journal, comme ça, l’air de rien ? Alors je prends mes distances. Je cherche peut-être à regarder autrement le temps qui passe, je cherche peut-être à m’exprimer autrement, mais je ne sais pas si cela est possible. Les images aussi s’offrent en pointillé dans le viseur ; elles sont parties respirer l’air de la campagne, elles ont ignoré la ville retrouvée.
Le Japon est loin. La France est là mais à travers un filtre. Le regard sur mon pays s’exprime en privé, dans quelques messages, dans les conversations, il fournit son lot d’interrogations, d’introspection, d’étonnements, d’agacements, de manques, de joies, de retrouvailles. Images, odeurs, goûts, bruits, coûts, habitudes, attitudes, images en mouvement sur l’écran, visages connus, horizons revus, et puis les gens, les gens qu’on ne connait pas qui parlent tout autour. Revenir est un virage. Bien plus étrange, peut-être plus raide que celui qui s’est produit il y a trois ans en arrivant là-bas. En bas de ma fenêtre, il y a le tumulte de la ville, la circulation, les clients qui sortent du supermarché, les éboueurs mais je regarde au-delà. On me demande si ce n’est pas trop dur. Non, ce n’est pas trop dur, c’est autre chose, c’est une fumée, une autre enveloppe.
Le Japon est loin mais il ne peut pas être absent : Kaori Ito sur scène, ces stands au Grand Palais, des films sur petit ou grand écran (Chris Marker, Mizogushi, Sayonara, Sword art online…), cette amie que l’on verra demain, bien sûr les évocations dans les conversations, bien sûr les échanges brefs avec ceux qui sont là-bas, ce gâteau au yuzu pour mon anniversaire et les enfants asiatiques dans le métro qui m’y raccrochent aussi dans un grand embrassement du continent oriental.
Depuis quelques jours, c’est aussi le franchissement d’une nouvelle année et le franchissement d’une ligne inédite ; autour de moi il y a l’indicible.