Il me parle de cet état militaire et cet état d’esprit qui règne donc, rigide. Il me parle de la ville qui a changé, trop de voitures à présent, de ce quartier à côté de l’autre cimetière où l’on mourait d’intoxication au plomb et où il ne faut pas mettre les pieds pour des histoires de Colombiens mal embouchés. On vient de voir sa mère sortir de sa chambre ; il y a sa soeur aussi, je crois, dans cette maison qui me permet, enfin, de passer de l’autre côté de ces façades colorées et de définir un exemple d’agencement. Et puis il me présente ce garçon qui habite chez lui, un garçon japonais. Quelques mots d’usage évidemment, le plaisir de la langue, plaisir inouï, physique. On doit se revoir l’après-midi, à la biblioteca central de l’Université, mais les recherches sur Internet me rendent le déplacement inutile. Le déplacement est de toute façon concurrencé par l’envie de Patricio de me montrer l’un de ses endroits préférés, ce même endroit dont Leo, m’avait justement parlé, et qu’il fallait à tout prix voir.
Voici donc un taxi à l’auto-radio surchargé de musique FM des années 90 qui, sous un ciel voilé, lumière douce de fin de journée, nous embarque à El Humedal. L’endroit est un refuge pour les oiseaux et la plage est autant un dictionnaire ornithologique qu’un restaurant pour les charognards (los jotes) qui pour dîner, s’offre aujourd’hui du phoque. L’endroit est donc un délice pour une bouffée d’air frais sous le bruits des vagues et les cris des oiseaux, et pour les bouffées de sourires de Patricio, qui mitraille avec entrain (et un bel oeil) les volatiles.