Il est triste. Je n’avais pas compris qu’il tenait à ce que je l’accompagnasse. Il m’avait semblé, au bout de ses trois mois de présence ici, que l’aider à rencontrer un médecin anglophone avait suffi. Il me demande alors si, lorsque j’étais au Japon, j’allais seul chez le médecin. Je réponds oui, il est surpris, et je précise que le docteur était francophone en oubliant ces grands moments de solitude chez le dentiste où je ne pouvais parler ni la bouche pleine ni ma langue natale.
On parle donc des difficultés liées à ces langues d’un territoire qui n’est pas le nôtre mais je décèlerai seulement plus tard dans ce qu’il vient de dire – comme si ma perspicacité disparaissait avec l’âge – qu’il se sent un peu perdu dans ce pays qui n’est pas le sien. Je suis sûrement une interface, un liant, malgré nos conversations en anglais, et grâce à nos rires lorsque je cherche à parler chinois et lui français. De fil en aiguille, nous voilà alors à regarder les caractères chinois utilisés à Taïwan et je découvre ô joie leur gémellité avec les kanjis japonais, ce qui m’offre un petit moment de satisfaction, comme si cette île inconnue soudain s’ouvrait à moi.