Dimanche 10 décembre 2017

On dit bien sûr, bien souvent, trop rapidement peut-être, que les maisons au Japon ne durent pas. Dans les villes, elles subissent les cataclysmes de la nature ou de l’homme. Dans le temps, elles souffrent des matériaux dans lesquels on les bâtit. Et puis il y a la maison. La nôtre. C’est encore chez nous, c’est indéfiniment chez nous, c’est indestructible. C’est elle qui nous réunit, c’est probablement elle qui nous réunira toujours.
Avant que l’on se retrouve, j’ai regardé les images, en particulier celles qui n’avaient pas été imprimées, succession de photographies carrées qui se sont conjuguées lors des derniers jours pour former une phrase au douloureux point final. Je me suis rappelé ces instants et les toutes dernières minutes, ce vide de verre et de béton qui me transperçait. C’est comme si je n’avais pas seulement été dans la maison durant presque trois années : c’était aussi l’inverse, c’est elle qui était en moi. Je rejoins peut-être alors ici la complexité, ou la particularité de la langue japonaise, où les vocabulaires du foyer et de l’humain se mélangent.
Et donc ce dimanche nous nous retrouvons pour construire, sur un mur, un regard sur elle, cette room#1, une maison que l’architecte a nommé “pièce”, une maison dixième de maison. Je crois qu’on n’a jamais creusé ce sujet avec elle – elle étant qui ? la maison ou l’architecte ? -, ce trouble sur les mots et puis ce nom anglais écrit en anglais pour un lieu bel et bien japonais, bel et bien ancré dans le quartier et les notions locales d’espace(s). Je crois qu’il y a encore beaucoup à écrire sur ce lieu / ce nous, solide et quitté.