Immobile derrière la porte entrouverte, à l’écoute de son pas résonnant encore parmi les étages, je me suis revu dans mon cabinet de travail, penché sur la feuille de papier format A4, brucelles à la main.
Yves Ravey, Trois jours chez ma tante
Je m’arrête sur le quai du RER et sur ce mot, brucelles, ignoré. Google me propose alors en images ces pinces que j’utilisais, enfant puis adolescent, pour attraper les timbres qui complétaient une collection s’étalant dans un nombre démesuré de classeurs. Certains s’offraient ainsi des voyages vers des Myanmar inconnus, d’autres rêvaient de raretés et de valeurs pour quelques centimètres carrés introuvables. Moi, qui ne cherchais pas forcément autre chose que le fait de m’occuper, je regardais les dessins de certaines pièces avec plaisir, je caressais du regard des teintes framboise ou outremer, et, le temps de l’informatique venue, à la fin du collège (déjà !), je découvrais la diversité des polices de caractères pour imprimer des onglets pour mieux visualiser les années. Le plaisir de cette activité venait-il donc pour moi d’un évident plaisir graphique ?
C’est ainsi que, 30 plus tard, au détour d’un roman qu’on oubliera vite, loin des bols d’eau tiède pour décoller les timbres, oui voilà que je comprends que je n’avais pas conscience de tout cela, et que j’ignorais alors que ce pût être une piste pour des métiers inconnus.