Nuit hachée par mes réveils : je voulais entendre l’aube. Mais, une fois la lumière, qui entre sans désordre par les fenêtres ouvertes et la porte donnant sur le sable, mon corps reste aimanté au lit. Par les ouvertures, j’aperçois et j’écoute. A côté de moi tu ne bouges pas.
10h passées. Deux hommes refont un parasol. Je prends mes habitudes sous le mien. Retour du petit-déjeuner. C’était un moment un peu difficile : la superposition des conversations m’empêche de suivre. Après les souvenirs de brousse (les nuages de moustiques, les crocodiles, les baobabs, les éléphants) un point la géopolitique s’immisça via la question les activités : du snorkling on passe à la raréfaction des poissons, aux méthodes de pêche (dynamite…), et nous voilà, j’ai oublié comment précisément, avec la Chine qui est partout, des marchés de Zambie aux rues d’Angola, puis l’influence américaine, le prix du pétrole à Djibouti, la Syrie, Donald Trump, Nuke. Boum. Je te regarde dans ces moments d’échanges qui se déplacent dans toute l’Afrique sub-saharienne, je t’écoute, épaules solides, regard brillant, tu as une assurance fascinante, qui ne provient pas uniquement des mille et une anecdotes que tu peux raconter.
11h45. Nous voici de retour de la plage. J’ai appris à nager avec un masque sans trop savoir si cela servira car ici la mer n’offre rien ; les flamants roses l’ont bien compris, ils n’y en pas un, pas un parmi tous ceux que j’avais imaginé en t’écoutant me parler des paysages. Au loin Sébastien, et donc nous blaguons, bien sûr, de notre pseudo-excitation à le voir là-bas dans un short bleu.
Nager, donc. Ta main prend la mienne. Tu me rassures. Il faut trouver le rythme de la respiration, se laisser flotter, ouvrir les yeux.
Cette difficulté de respirer, c’est cela, c’est comme nous deux, comme la difficulté de m’exprimer quand tu me parles des autres, Z ou E. Il faut trouver le rythme, la manière et puis, à l’autre bout du corps, trouver comment battre des pieds des jambes encombré par des palmes. De quoi suis-je encombré, dans cet amour-amitié ?
Il y a le ciel, le soleil et la mer, comme cette chanson qui sûrement parlait d’amour et dont les autres paroles ne me reviennent pas en mémoire.
J’écris à Jean-Luc un mot que je n’enverrai pas. Je lui parle des images que je fais : lesquelles conserver ? Celle qui marquera l’absence, c’est-à-dire les absences ? Je note le peu de végétation au milieu des dunes, quelque chose sans images, sans but, sans message. Il y a le rien, cette quête du rien, comment la photographie peut-elle cesser de montrer quelque chose ? Ici, parmi les absences, je cherche la présence, je me demande où sera la conjonction.
Je commence à lire L’écriture ou la vie. Il y a cet insupportable grand écart entre le fait d’être ici et l’horreur des camps. Exprimer cette évidence me semble presque indécent, idiot. La nuit dernière, pleine lune, ciel voilé, à peine distinguait on les étoiles.