La petite fille porte un tutu. Souriante, elle joue après avoir rendu à sa grande sœur le verre en carton duquel elle aspirait probablement un soda via une paille en plastique qui terminera dans un océan ou un autre qu’elle ne verra peut-être jamais. L’heure du dîner est en effet passée, il est tard, j’ai été retenu au bureau par le plaisir d’avoir été témoin du sens que l’on peut donner à mon travail. Peut-être ai-je aussi été retenu par le besoin d’inscrire ce vendredi après-midi dans un autre rythme et dans une autre direction.
La petite fille, qui ignore tout de mes journées, de mes doutes et de tout le reste puisque l’on protège les enfants du monde des adultes et du désastre écologique de sa paille et du Happy Meal, parfois me regarde. Ainsi sait-elle que moi-même je la regarde. Elle descend du siège, tend la main vers la petite poussette en plastique dans laquelle un poupon est envahi par un hochet, un petit livre de coloriage offert chez Mac Truc et plusieurs petits jouets de marque Playmobil dont ce qui ressemble à un coffre remontant de mes souvenirs – je crois qu’il appartenait au saloon. Parmi eux, un enfant blond vénitien. Il s’appelle Matéo. Il a six ans. Elle l’aime : il est trop beau.