Tu me dis que tu as aimé ce que j’ai écrit. C’est en anglais que tu me le dis. Tu me dis que tu as aimé ce que j’ai écrit suite à ce que l’on s’était dit. C’est comme une spirale : les mots sur les mots à propos des mots et ainsi de suite. C’est joli les spirales, ça commence petitement, et puis ça virevolte, la tête tourne, et l’on se dit que ça pourrait ne jamais finir. C’est comme une danse, ça pourrait ne jamais finir. Une danse. Voici justement O, O qui m’avait demandé d’écrire. Faire l’amour. C’est quoi faire l’amour ? Ça dit quoi ? Ça veut dire quoi ? Alors j’avais écrit quelque chose ; j’y disais “Je prends ta main.” Les mots existent ailleurs, ils ont été lus, m’a-t-il dit. Ils avaient terminé le spectacle, m’a-t-il dit et j’ai sûrement répondu par une onomatopée. Voici que ce soir, vidéo, 9 minutes et un souffle de poussières, autre forme d’amour, il lui prend la main. La dame est très âgée, elle n’est pas vraiment là.
Car depuis peu je te sais lecteur. Comment puis-je alors dire ? C’est toujours ainsi que j’écris, en sachant qu’il y a quelqu’un, à l’autre bout, ou bien qu’il peut y avoir quelqu’un. C’est un jeu, un frisson parfois, une contrainte sans doute. Oulipesque ? Presque. Que choisir ici dans tout ce que j’ai envie de crier, puisque être lu partout, n’est-ce pas un peu crier ? Ecrire, c’est hurler sans bruit, dit Duras. J’en reçois / perçois à présent un autre sens que celui de la douleur : l’étendue. Que choisir de nous que tu sais déjà et que j’aime retranscrire ? Et que dire de nous qu’on ne s’est pas encore dit, qu’on ne se dira peut-être pas, et que je pourrais exprimer ici et pas ailleurs, que je voudrais dire maintenant, dans l’instant i de ce qui est, dans l’instant i porté par ta présence, même quand tu n’es pas là, au moment où tu n’es pas là. Ainsi je risque d’écrire que tu me manques. N’es-tu pas vraiment là ?