Vendredi 14 juin 2019

J’ai oublié les villages qui entouraient nos vacances les étés 2002 et 2003. En creusant dans les cartes et les traces d’autrefois, sans doute ma mémoire aurait-elle retrouvé les étendues et les clochers mais lorsqu’il nous dit où ses vins naissent, je ne dis rien, je ne sais plus. C’est après avoir goûté une gamme allant d’un âpre villageois à la surprise de la dernière bouteille que je demande, avec le seul nom qu’il me reste, le seul nom et la seule vision au loin des Dentelles de Montmirail. Il dit oui : il vient de ce pays oublié.

Et je parle du mien, pays, cette terre saintongeaise dont le vin n’a pas bercé mes souvenirs de bouche, car des quelques vignes du grand-père il ne reste aucun goût mais des doigts qui collent sous le raisin, les petits ciseaux, les rires, la boue, l’odeur, les voix qui résonnent dans les chais. Le vin c’est un peu de mon enfance et ce n’est rien de ce que je sais, ce ne sont aujourd’hui que des plaisirs, des moues, ou avant-hier un Languedoc aérien, quelque chose loin de la boue, plus près du ciel, la pinte encore accrochée au palais, et donc de S la moue.

Et nous marchons ainsi, chacun vers chez soi, c’est du moins ce qu’on croit, avant qu’on se retrouve là, attablés, dans un entre-nous-deux étonnamment rare, trop rare, sans E déjà vers chez lui. L’incontournable s’impose d’abord : le travail, la réunion du matin, les idées, la quête d’un absolu qui n’existe pas, ma place, la tienne. Et puis l’on s’en détourne, le fromage coule presque voluptueusement sur le pain où l’ail tente sa chance et y parvient : voilà l’écriture, les mots, les lignes, entre les lignes et tout autour.