Vendredi 26 juin 2020

Je cultivais ma préférence pour le vague. Seuls m’importaient les paysages à demi réels des contes. Mais la langue qui les décrivait devait être précise : alors l’image mentale pouvait s’épanouir avec une netteté que n’avait pas pour moi la réalité dite “concrète”. Ainsi, en dépit de ma visions floue, j’avais sans le savoir opté aussi pour l’acuité du regard, à travers l’amour des mots justes.
Peut-être est-ce pour cela que j’ai choisi par la suite le métier de traductrice, voué à la recherche des correspondances les plus exactes possible entre une langue et une autre. Et pour cela encore qu’intuitivement, sans rien en connaître, je me suis intéressée très jeunes à un pays où la brume, les phénomènes évanescents, l’ombre et les rêves sont rois, et où pourtant les trains partent et arrivent à l’heure.
::: Corinne Atlan ; Petit éloge des brumes