Mercredi 12 août 2020

Il pose les cafés sur la table, et dit quelque chose qui contient “Messieurs Dames” et que je n’entends pas ; j’ai l’esprit ailleurs. “Moi c’est Monsieur, pas Madame.” précises-tu. Il rectifie, dit “Excusez-moi !“, sourit comme nous sourions, peut-être en jetant un œil sur tes ongles couleur turquoise.

Plus tard, installé à ton bureau, mes yeux se porteront sur ce morceau de papier punaisé – une punaise dorée – où il est écrit :
iel iels
ellui elleux
cellui celleux
J’aime l’idée que la langue française soit secouée par ces constructions dé-genrées ou plutôt réagenrés, oui c’est ça, réagenré, rangement / dérangement / réagencement du genre. Il y a là aussi un acte politique, de transformer les mots. Est-ce que ton corps aussi est politique ? Et surtout est-ce que je te connais parce que c’est politique ?

Cela rejoint cet article du Monde Diplo, lu à la piscine de Lectoure, j’avais mon nouveau maillot de bain violacé et l’eau n’était pas si froide. Mizubayashi Akira y parle de la langue japonaise, coercitive, donnant au tutoiement et au verbe faire des formes hiérarchiques, donnant – mais ce n’est pas le sujet de l’article – à son apprentissage un degré de difficultés auquel toujours je me cogne, même si, avec le temps, je l’apprivoise.

Cela rejoint aussi la conversation d’hier avec B, mon coiffeur. Avec B, nous nous tutoyons depuis ce rendez-vous de janvier. 18 années nous séparent je crois, il m’avait dit “Oh je vous fais la bise” avant que je propose un “tu”. Nous n’avions pas encore parlé de l’intime de son métier. Hier, après le shampooing, nous nous sommes donc souri.