Le présent n’existe pas. Le film a commencé il y a une vingtaine de minutes et le sous-titre affiche cette phrase : Le présent n’existe pas.
Nostalgie de la lumière est un film que, depuis longtemps, je devais regarder. Depuis sa sortie peut-être. Dix ans. Je ne suis pourtant pas tout à fait attentif depuis le début du film, car il y a quelques échanges avec D, notamment. J’ai beau dire ou écrire que le cinéma est une compagnie, il y en a d’autres. Même si elles n’offrent que rarement la poésie de ce sous-titre et de sa version en langue espagnole, elles offrent d’autres souffles, une attention.
Revoici, dans ce film, par ce film, le Chili, ce pays de là-bas. Revoici le désert, celui d’Atacama, au nord, cette étendue sèche dont je n’ai arpenté que ce que la ville d’Arica nous en offre : sa poussière, sa sécheresse. Je disais l’autre jour à ma sœur que je n’avais rien fait des images, qu’elles pourraient rejoindre le livre. Mais je ne sais pas.
Or, justement, là derrière moi il y a cette image, cette façade derrière un mur ocre, photographiée là-bas. Je l’ai récupérée en fin après-midi, après que nous avions bu un vin chaud et mangé une gaufre avec P ; elle est posée par terre, recouverte d’un poids pour réduire la courbe du papier. Elle sera bientôt, peut-être demain, accrochée au mur, en remplacement d’un de ces corps japonais qui, depuis 2011, me suivent.
Tu m’avais justement dit quelque chose sur tous ces gens accrochés aux murs tandis que tu étais chez moi. Peut-être avais-tu dit que c’était impoli, qu’ils te tournent le dos, je ne sais plus, ou c’était agaçant, je ne sais plus j’avais ri, et pourtant il y avait une part de sérieux dans cette remarque. C’est assez vertigineux de réaliser que cela va faire 10 ans que ces gens me suivent.
Je vais donc remplacer des collégiennes marchant rapidement par un trottoir. Je vais remplacer des mouvements par l’immobile, leurs rires par un mur, des respirations par une rigueur, passer du temps court au temps long, du furtif à l’infini, comme si le présent d’alors s’étendait jusqu’ici. Même s’il n’existe pas.