Je suis fâché avec la géographie. Ça vient de loin, des tout débuts, de ce moment où je ne suis plus parvenu à saisir le lien entre moi et l’espace, entre mon organisation et celle de la ville où nous vivions — celle-là trop grande, moi trop flou, entre nous des frontières mal définies, vite franchies, de sorte qu’assez vite je n’ai plus distingué d’où venaient les rumeurs, de ma tête volontiers fiévreuse ou de la rue, je n’ai plus su quelle direction emprunter, comment retrouver une figure déjà vue, où placer les balises. Je ne suis plus parvenu à saisir le lien à cause d’un horizon trop encombré que j’avais sous les yeux. Trop d’obstacles à contourner, trop d’évidences auxquelles je refusais de me rendre, et la sécheresse un peu dédaigneuse des rues parisiennes; la sournoiserie filandreuse des banlieues désuètes de l’ouest ont achevé de brouiller mon regard.
::: Mathieu Riboulet ; Les Âmes inachevées.