Tu étais le premier arrivé, je ne t’avais pas dit que cela se passerait chez moi. C’était évident, pour moi. Dans ce groupe à géométrie variable, tu es alors une nouvelle composante, tu observes, participes, parfois retiens tes mots, écoutes cette langue qui n’est pas la tienne et dans laquelle tu te lanceras plus aisément à la fin du repas. Encore une fois nous parlons de ce qui nous entoure et nous enferme depuis un an, ce machin qui circule et qui nous empêche d’en faire autant. Il nous enferme dans nos têtes, nos maisons, nos points de vue, et les pièges d’en parler encore.
Tu confrontes ta beauté inaccessible, celle-là même qui me fait dire souvent que j’aimerais te photographier, aux regards qui en ignoraient tout. Ils diront, plus tard, que tu es charmant, cet adjectif qui rend les gens bienveillants ou séduisants. On ne saura pas : je ne leur demanderai pas ce qu’ils entendent par là.
Plus tard j’écrirai quelque chose sur les corps séparés par la présence des autres. La sienne, dans le cas présent, la sienne à lui, pour toi présent. Écrire cela ici c’est cristalliser quelque chose qui n’aura pas lieu entre nous, comme cela n’a pas eu lieu avec d’autres qui sont encore là ou qui ont disparu, et c’est laisser suspendu tout ce que je ne dis pas. Écrire cela, c’est avoir l’audace de croire que sans lui ce serait autre chose que cette amitié qui se renforce avec ce rythme à nous. Mais à quoi bon ne plus avoir d’audace ? Écrire cela, c’est jouer avec les mots et déplacer peut-être, un peu, les sentiments. Pour les rendre charmants.