Écrire, photographier, comme exprimé hier, j’ai comme l’impression que je n’en ai pas le droit, que mon deuil devrait forcément passer par la douleur et des jours blancs sans mots ni images. Mon deuil s’exprime autrement que par la douleur, il creuse quelque part dans le silence alors je me dis qu’il pourrait tout de même laisser la place à des images. Les mots, au moins, ils sont ici… mais que dire d’autres ? Qu’oserais-je dire d’autre ?
Mais pourquoi les deux ne peuvent pas cohabiter ? Pourquoi faudrait-il seulement recouvrir “tout cela” par le travail ? Pourquoi ai-je l’impression que j’ai le droit de bosser (comme un âne, de surcroît) mais pas de créer ? Pourquoi ai-je l’impression que j’ai le droit de rire (parce que c’est une émotion non contrôlée ?), d’aimer (parce que…), mais pas de créer et de montrer ici des images et des phrases qui parleraient d’autre chose que de la mort de mon père, alors qu’évidemment il y a autre chose, il y avait cette fille au téléphone dans le tram par exemple.
Alors ici, au soir du 6 décembre, après avoir (partiellement) exprimé cela à ma sœur, j’écris mon journal du 5 décembre et celui du 6, pour me dégager de cette forme d’injustice qui soudain me met en colère, une colère que j’exprime à moi-même à haute voix dans mon appartement et à U dans des messages vocaux dans lesquels je dois lui sembler un peu fou. Il faut que ça sorte, tout ça.
Alors ici j’écris que je vais reprendre les images, raconter les gens, la fille dans le tram, raconter l’attente et peut-être ta voix. Du moins le veux-je. Le vais-je ?