“On redémarre. Attention.” Ces paroles, prononcées par le chauffeur de bus, me rappellent que je devais, il y a quelques jours, décrire ici comment un autre chauffeur, dans le bus 北8, nous prévenait de faire bien attention en descendant en raison de la neige. Car le chauffeur de bus s’exprime, ici, en complément de la voix de synthèse (parfois anglaise, aux arrêts stratégiques) pour annoncer les stations, prévenir que l’on tourne. Prévenant, attentionné, aidant les handicapés en fauteuil à monter et à se caler au bon endroit, le chauffeur de bus local est là, bien là, même si quelques exceptions n’attendent pas que mamie se soit assise pour redémarrer… lentement. Sa voix, parfois, m’empêche de me concentrer sur ma lecture, et je me plais alors plutôt à regarder à travers la vitre, pour découvrir ce soir, ô surprise, sur un trajet pris des dizaines de fois, un vidéo-club (aux néons multicolores bien visibles à cette heure-ci) répondant au nom de “Vidéo America” et une boulangerie (française, bien entendue) appelée “L’Étranger”, référence littéraire pour le moins étonnante.
J’aurais pu m’arrêter là, et passer au jour suivant, mais il ne faudrait pas oublier, au café Bibliotic, la photogénie de ce jeune couple, baigné par une lumière provenant surtout de deux petits abat-jour dont le pluriel entraîne évidemment un moment d’hésitation. Derrière eux un mur orange, autour un éclairage joliment diffus et pour ainsi dire parfait, puisque que le garçon est entièrement vêtu de noir, porte d’imposantes lunettes de vue de la même couleur et une chevelure à la frange tout aussi corbeau. Parfait parce que son visage s’éclaire au milieu de cette masse sombre dès qu’il relève la tête, beau comme un Caravage.