La fête est finie. Ils ont décroché les tentures rouges et blanches. Quelques fleurs subsistent sur les cerisiers derrière le portail. Je remonte sur mon vélo après ce dernier café, ce dernier coup d’œil sur le jardin et la glycine qui commence à y fleurir, cette dernière discussion avec “la dame du café” à qui j’ai essayé d’expliquer que la pivoine serait mieux en pleine terre et qui m’a remercié lorsque je lui ai demandé si je pouvais la photographier. Portrait serré et vue plus large avec la fleur à côté d’elle, elle rejoint ainsi les autres commerçants de Takagamine dont le visage est ainsi conservé dans un grand éclat ou un demi-sourire gêné : la mamie marchande de légumes, la dame de chez Higuchi san, le vendeur de bonzaï, le pépé à mochis et bien évidemment la boulangère.
Moi aussi je les remercie, ils ont été, au fil des mois, par leur amabilité rassurante, leur accueil qui dépassait les formules toutes faites, leur simplicité, un lien inestimable avec ce pays.
Juste avant, j’étais retourné dans ce petite temple découvert la veille, caché au bout du chemin barré d’une chaîne. Le charme du presque rien s’y imposait et je souhaitais conserver une image du lieu qui m’appelait à revenir : mon quartier avait donc encore de belles surprises, cachées derrière les bagnoles abandonnées par les moines.
L’après-midi, c’est dans un autre temple où je n’étais jamais allé, le Todaiji, immense, que je viens me recueillir un moment. Des êtres dorés, puis des oiseaux dans une autre salle, surplombe notre présence. Je repense à ces trois années, les images défilent, accompagnées par ces êtres flottants guidant mon prochain envol après cette migration. Dehors des cris, autour le bruit des sacs en plastique dans lesquels sont déposées les chaussures et devant moi le frottement régulier du balai sur le tatami.
Enfin, même s’il y a tant d’autres choses à dire, à décrire, à rappeler, à ne pas oublier, comme cette jeunesse éclatante en uniforme scolaire sur le parvis de la gare faisant des selfies à outrance dans un chaud soleil et une joie rafraichissante, enfin le sanctuaire près de la Villa Kujoyama atteint une dernière fois après avoir gravi le petit chemin tant fleuri d’iris shaga. Le chant des grenouilles ici, le bruit de l’eau là-haut et un corbeau qui s’éloigne et croasse. La lumière est si belle à travers les feuillages ; comment ne pas pleurer ?