Vendredi 1er septembre 2017

Le bruit de la clé dans la porte. Je me lève, passe la tête dans le couloir, il pousse un cri, un bruit qui glisse entre la surprise, la peur et le soulagement. J’ai oublié de le prévenir que j’étais là, qu’il ne fallait pas qu’il soit surpris ou apeuré en glissant la clé ou en voyant une ombre ou une tête passer. Il s’approche, les mois passés depuis mai l’ont transformé : il rayonne. Les kilos qui le gênaient ont disparu, le bronzage est ensoleillé, le sourire italien, le verbe léger, l’enthousiasme au zénith, la maladie de plus en plus loin. En écrivant ce journal je comprends que je vois alors le garçon éclatant de 2004 que j’ai aimé. C’est lui, comme autrefois. Je suis là, comme autrefois. Je pense à la résilience dont nous parlions au téléphone la semaine dernière. C’est étrange et rassurant de voir les années nous donner une force, une relation particulière tellement franche et légère qu’il me dit un peu plus tard que je fais du bruit quand je mange, que j’ai peut-être pris l’habitude, sans le vouloir, sans m’en rendre compte, au Japon, et il me rappelle le prénom asiatique qui m’avait succédé dans les habitudes de cette table en formica jaune. Car c’est l’heure du goûter, alors il y a un café, de la confiture, comme autrefois. Plus tard je repasse, prendre mes valises. Fabienne est là, comme autrefois.
J’étais (re)venu un peu à reculons, ici ; je m’étais finalement un peu senti chez moi et c’était bien. Hier justement j’en parlais avec J : c’est quoi être chez soi ? se sentir chez soi ? d’où cela vient-il ? J’ai connu ça, je sais, au Japon. La maison, c’était chez moi. Car c’était chez nous.