Trois années de vie japonaise m’avaient tenu éloigné du rendez-vous estival, photographique et amical qu’est le festival de Lectoure. Nous y voilà cette année en petit comité, c’est à dire en duo, Fred et moi, neuf ans après ma/notre première édition. J’ai toujours eu plaisir à m’y rendre, appréciant le regard pointu et donc le sentiment de venir pour autre chose que regarder des images. Quelques travaux exposés là-bas, dont celui de Frédéric Nauczyciel, ont radicalement changé ma façon de regarder la photographie.
Cette année, le festival se tourne un peu vers la rêverie, il regarde comment on peut la déplacer. Là où ma pratique s’ancre dans un inévitable réel, j’aime parfois me plonger dans ces images que je ne fais pas, ou si peu, ou plus, bref, flottements nuageux où l’humain s’égare, imaginaires où l’image n’est qu’une part sensible et légère d’un monde dans lequel l’artiste veut nous emporter. Le festival se tourne aussi vers d’autres formes. Ainsi, venu en spectateur d’un festival photographique, je dois affronter la surprise de me retrouver face à une installation, aussi belle soit elle. L’éclatement vers d’autres modes d’expressions confronte alors mon regard à deux surprises : le medium inattendu et l’objet en lui-même, en l’occurrence cette belle pièce intitulée “Le Refuge” de Stéphane Thidet. Belle… mais ai-je envie ou besoin d’être ainsi déboussolé ? Me tournant alors vers les images, je soupire un peu trop. Rien ne me surprend vraiment, rien ne me point – désolé, je suis en pleine relecture de Barthes. Certes il y a ce beau travail là-bas derrière, et ce nom que j’ai oublié plus tôt, les deux pieds dans le documentaire et le regard sur “nous”, mais j’ai encore à l’esprit les deux cabinets de curiosité de deux autres lieux, poésie aisée en triste concurrence avec le joli, sincère et réel bric-à-brac emmaussien de Fred. Et puis je regarde la petite fille blonde, là-bas, au milieu de ses jouets. Je n’ai pas encore digéré la présence du Refuge, et je me demande ce qu’elle m’apporte, elle, ici, sur cette image, avec ce bruit de pluie qui envahit l’espace. Je me demande parce que je m’y regarde. Je cherche dans ce travail, en prise avec le quotidien du photographe, des réponses à mon propre travail. Peut-être que je ne pratique la photographie que pour ce qu’elle m’apprend sur moi-même, que parce qu’elle m’accompagne, qu’elle me grandit, qu’elle est une quête, une recherche, une prise de conscience, le support visuel d’un chemin intérieur.
Alors on prend une glace.