Mardi 21 novembre 2017

Il est inquiet. Nous nous retrouvons soudain dans cette question abordée hier, devant laquelle j’ai lutté pour trouver les mots, car la peur est un sentiment qui m’est assez lointain, peut-être parce que j’arrive à la dompter et donc, en dehors des moments où elle surgit, il m’est difficile de l’évoquer ; en quelque sorte, elle n’existe pas en projection dans un futur proche ou lointain.
Hier, j’étais face à son enregistreur, il s’était absenté mais bien sûr il n’était pas loin, là, juste derrière la porte de la cuisine, attendant que j’aie fini de parler, attendant le dernier long silence ; il y en avait eu d’autres.
Ce soir, je suis face à lui, tandis qu’il tente d’ouvrir la bouteille, mais que les mains n’agissent pas comme elles devraient, le tire-bouchon tourne sur lui-même, il n’appuie pas, il parle et les mains agissent seules. Alors il pleure. Il vient de me dire qu’avant que j’arrive, il avait pleuré, parce qu’il a peur, parce qu’il doit prendre une décision, peut-être partir, vite, dimanche. Il vient de me demander s’il doit faire confiance au médecin. Il vient de me parler des 10% de risque, du déchirement au propre qui laisse entendre celui figuré d’un retour définitif.
Il y a là quelqu’un qui pleure devant moi, qui pleure perdu dans ce pays qui n’est pas le sien, avec des questions dont les réponses ne sont pas les siennes car il ne sait pas, il ne sait pas ce qu’il doit faire, alors il me demande et je le rassure, longuement il a demandé à sa mère, là-bas, loin, et lorsque j’ai franchi la porte j’ai compris que c’était avec elle qu’il parlait, sa mère qui, encore récemment imprimée sur le mur, me regardait.