Dimanche 24 mars 2019

Il restait blotti à côté du téléphone, le téléphone était rouge, le vestibule était gris, sa main grise aussi, c’était maintenant et le maintenant était mort.
::: Wolfgang Hermann ; Adieu sans fin

Il écrit son prénom : la cédille est sous le s. Je disais hier, à P, mon regret de ne pas avoir étudié les langues, la linguistique. Je l’avais dit aussi à E, un jour ; nous avions ce point commun en plus des autres. Ainsi j’aurais su, pour cette cédille sous le s. J’aurais pourtant dû savoir, si j’avais prêté attention, lors du séjour à Istanbul en mai 2013, aux lettres qui ornaient les murs, aux panneaux indicateurs, aux indications pour les touristes qui voulaient prendre le bateau vers l’Asie.
La cédille est sous le s. Comme un crochet.

La journée est ainsi, comme un bateau vers l’Asie, sous un ciel sans nuages, avec ce qu’il faut de douceur, de nouveauté, d’intensité, de présences. Les bonheurs se succèdent, celui d’un bonjour à 500 km d’ici, celui d’un visage suivant le bonjour, celui d’un peut-être, celui d’un film me nourrissant encore, celui d’échanges parsemés, celui du soleil rehaussé de sauce soja, celui d’une langue malgré l’infinie tristesse du récit, celui d’une promenade rive droite avec les grenouilles qui s’égosillent sous le soleil parce que c’est la saison des amours et qu’on a tous, comme elles, envie d’être aimé au milieu des nénuphars, celui d’un regard sur les malheureux tournants de l’Histoire qui m’ont fait naître, celui d’être là sur ce canapé à t’écouter inventer, celui de chansons qui nous poussent vers le sommeil, celui de se faire rire avec cette histoire de nénuphars.