Samedi 6 avril 2019

Car “nous” ne désigne pas une addition de sujets (“Je” plus “je” plus “je”…) mais un sujet collectif, dilaté autour de moi qui parle : moi du non-moi, en partie indéfini, potentiellement illimité, moi et tout ce à quoi je peux ou veux bien me relier.
::: Marielle Macé ; Nos cabanes.

Sentir le corps refuser. Sentir le corps appuyer, poussé par l’attraction, insister, dire non, tendre vers l’horizontal. Peut-être aussi parce qu’il voit la pluie légère, le froid probable. Il s’agit alors d’écouter son corps comme on écoute un enfant sans mots, un animal, une plante devenue chétive, juger, et soi-même insister un peu, doucement, proposer, franchir la porte en pensant faire le bien.
Dès les premiers mots de la conférence, mon corps lourd, arrivé là à un rythme de sénateur et assis quelques minutes plus tôt avec soulagement, s’allège : par l’esprit il s’élève. Marielle Macé, de ses mots, de sa voix, de sa poésie-politique, m’enchante d’homonymies légères en profondeurs sensibles. Elle n’est pas la seule sur scène, mais je n’ai quasiment d’yeux, d’oreilles, et de notes que pour elle. C’est alors là que l’on s’interroge sur l’être-soi et l’être-là, le plaisir, les aptitudes, le manque, l’envie, l’assignation, les contorsions plus ou moins fortes qu’il faut faire pour mettre en œuvre ce que l’on (i.e. le monde, celui du travail en particulier) nous demande.
Ainsi je me nourris dans ce bonheur d’être là.
Dans les rayons du festival, je traîne ensuite un peu, et me laisse prendre au piège des couvertures couleur orange de chez Verdier, le Macé bien sûr et je réalise combien on ne peut qu’aimer les mots quand on porte deux syllabes se prêtant à mille jeux, le Wauters bien sûr en prévision de demain et puisque il était là plus tôt, tout près, beau comme sa langue, un Mazabrard enfin. Un Mazabrard ? Enfin !