Ce livre aussi avait besoin de temps. Et d’un interminable rayon de soleil. Cette langue densifiée — expression que Mathieu Riboulet utilise lui-même quelque part vers la fin —, flétrissait, je crois, les soirs de semaine, à la lumière de la lampe de chevet. Un peu par manque de lumière, car ce livre est nuit et cherche à s’en sortir, et surtout parce que c’est une heure où l’esprit s’endort et où il n’est pas tout à fait là. Peut-être une fois ou deux je lisais à voix haute, un paragraphe ou deux cernés pas des étoiles, un paragraphe ou deux dont la belle puissance tout en alexandrins et en envols lyriques respiraient quelquefois de pichenettes rythmiques.
Ce livre rejoint W de Perec, il faut un élan et puis un dimanche avec des heures. Une heure en l’occurrence pour aller de la page 29 à la 72, la dernière de ces Portes de Thèbes. Évidemment il y a des distractions : le soleil dont il faut se protéger, la soif, la musique du voisin dont il faut s’extraire par des bouchons calés au creux du pavillon, les idées qui passent, la recherche “Thèbes” et la lecture rapide d’une fiche sur Wikipédia.
Lorsque j’écris à A – qu’on pourrait traiter de distraction en se croyant malin et en souriant – j’ai terminé. J’écris qu’il doit lire ça, parce que A s’intéresse au soi en littérature, A aime l’histoire. Ou peut-être qu’il n’aime pas l’histoire mais qu’il en subit les cours. J’ai oublié. J’oublie. Mais il doit lire cela. Il doit lire cela pour lire autre chose. De toute façon il ne lit pas grand chose, dit-il. Des mots chauds aussi, dit-il.