Mercredi 23 septembre 2020

Six sectes sont déjà nées de l’interprétation des Ecritures et leurs abbés portent, les jours de cérémonies, des tuniques framboise, safran, pistache ou violettes, qui font dans le gris-brun-vert du paysage japonais un effet admirable.
::: Nicolas Bouvier ; Chronique japonaise

Nous étions déjà mercredi quand j’ai repris la lecture de Bouvier : mardi ne finissait pas, je ne parvenais pas à dormir, l’esprit divaguant ou englué, je ne sais pas. Je m’étais heurté contre le premier chapitre, il y a plusieurs semaines, voire mois, et depuis il m’attendait sur la table de nuit. Combien d’entre vous savent les petits tas de bouquins qui frôlent mon lit ! Mais cette fois-ci, d’une part je l’ai ignoré, ce premier chapitre – peut-être donc n’étais-je pas tout à fait éveillé – et d’autre part j’ai souri devant les élucubrations shintoïstes narrées par l’auteur. Puis me suis endormi, bercé par les dieux.

Nous étions encore mercredi quand j’ai poursuivi la lecture. J’y ai vu alors autre chose que de quoi m’amuser : une nourriture. Une nourriture de l’esprit, la renaissance de souvenirs d’un Japon qui s’échappe, le paragraphe d’une conférence à venir. L’ouvrage, alors, se retrouva constellé de petits papiers jaunes.

L’envie d’annoter ne venait pas que de ce livre, elle venait aussi d’une évidence : il me fallait travailler. Rien n’allait tomber du ciel. Et si la lecture-plaisir me faisait vivre, la lecture-travail me faisait / ferait peut-être revivre, ou avoir une deuxième vie, quelque chose comme ça, puisque la lecture-travail nourrit l’écriture. Il y avait eu cette idée chez Camille de Toledo ; j’étais allé l’écouter d’un pas pressé. Oh, je le savais déjà, tout ça. Je savais que c’était une présence, aussi, tous ces mots qui sortaient de moi.

Alors, à peine rentré, peut-être pleuvait-il encore, j’ai ouvert le fichier daté du trois août. Et j’ai changé le titre. Je suis allé au début du quatrième – et dernier – chapitre. Et j’ai écrit encore.