Relire encore. Penser à ce que m’ont dit D, E et les autres. Corriger. Préciser. Dé-flouter. Re-poétiser. S’agacer. Et puis il y a le texte du premier jour : le 23 mars 2019. Il ne dit pas ce qu’il faut dire : il ne dit par que notre histoire est née parce que le musée des Douanes était fermé en raison des manifestations des Gilets jaunes. Certains se rencontrent sur une musique. Nous nous sommes rencontrés sur des slogans que nous n’entendions pas. D’autres passages édulcorent, adoucissent, nous perdent, oublient, taisent : il y a, en dehors, ce que nous seuls saurons, nous seuls ou d’autres, E peut-être. Parfois il se souvient mieux que moi.
Et puisqu’on en parle, je pars le retrouver, E. Il m’attend là-bas, au bout de la rue, en le voyant je danse un peu, il sourit. Nous marchons, sans silence. Nous taisons-nous parfois ? Non, je ne crois pas : même nos désaccords ne cousent pas nos bouches. Nous marchons : les quais de Garonne, puis les petites rues, les antiquaires et les coups de cœur qu’ils renferment, nous vendent ou nous donnent envie d’acheter. Six verres magnifiques, soufflés à la bouche dit la vendeuse, délicats, troublants et je tombe dans leur piège. Une table ensuite, elle me dit Viens, mais j’hésite. J’ai le compas dans l’œil, alors je dis : “2 par 80 ?” L’antiquaire mesure, est épaté, nous blaguons, connivence. De retour chez moi je mesurerai, bercé par la douce musique du désir mobilier et la petite clochette qui alerte sur le prix, le matériau, les dimensions. Il y a dans le désir pour les objets, que je partage avec E, quelque chose d’incomparable. Il y a cette beauté qu’ils vous offrent, cette temporalité qu’ils désignent, cette ambiance que cette table brusquement, fait imaginer. Mais parfois on hésite, on ne sait pas si on ne va pas s’en lasser, on ne sait pas si c’est juste parce qu’on en a marre de pas trouver le bon, on se dit qu’il est un peu trop froid. Analogie ?