Samedi 20 mars 2021

Je ne sais pas pourquoi j’ai choisi, pour aller déjeuner chez S, les gâteaux les moins attirants. Enfin, si je sais pourquoi. J’avais envie d’être surpris par le détournement d’un cheese-cake, gâteau que j’adore pour sa simplicité et son efficacité, alors revisité par le pâtissier S, dont on notera la similitude alphabétique avec celui qui m’attendait. Le cheese-cake était en mode “soufflé” disait l’étiquette ; nous ne le fûmes pas. Pschitt a fait le soufflé. Ou bof.
Il s’agira donc, au prochain rendez-vous, de rattraper l’échec gustatif qui a clos le repas. Mais encore au prochain rendez-vous parlerons-nous délicieusement de livres et de films, encore y aura-t-il ces lieux que S habite ou avec lesquels il a rendez-vous, encore dirai-je que tout ce qui m’attend m’attend encore : ces livres non osés, ces images non montrées, ces yeux non regardés. Peut-être aurai-je eu d’autres audaces que les courbes et les ombres qui défilèrent en petites vignettes carrées après le café et qui attendent leur double, leur contrepoint, leur part manquante : des mots. Les mots raconteraient les silences. Cette idée est en moi. Elle est apparue dans la conversation après qu’on a parlé du livre de Patrick Autréaux, qui, à l’endroit où il se place, me plait, mais qui, à l’endroit où il reste, me déçoit : dans ce qui ressemble à l’amour mais qui n’est qu’une succession de brûlures qui n’ont que le goût de l’incomplet, de l’inaccompli et de l’attente, l’auteur se retient de dire là où ça explose. Veut-il ainsi garder pour lui ce qui ne se partage pas ? Ou veut-il encore croire qu’il a eu droit à quelque chose, rien qu’à lui, là, au creux de lui ?