On lui demande : tu penses à quoi tout le temps ? Il dit : à rien. À l’intérieur de la tente les autres chantent encore les lauriers sont coupés. Dans la ville des gens rechargent les bagages dans les coffres des autos, la colère des chefs de famille se reporte contre les bagages, les femmes, les enfants, les chats, les chiens, dans toutes les classes sociales les chefs hurlent au moment des bagages, quelquefois tombent de hurler et en ont des crises cardiaques tandis que les femmes, un petit sourire de peur sur les lèvres, s’excusent d’exister, d’avoir commis les enfants, la pluie, le vent, tout cet été de malheur. Il a plu hier toute la journée. Alors des gens sont sortis dans le vent et la pluie, à la fin ils se sont décidés. Ils se sont recouverts de tout ce qu’ils ont trouvé, d’imperméables, de couvertures, de sacs à provision, de bâches et on a vu marcher des hordes de migrants, tête basse, contre le vent et la pluie dans une impressionnante égalité d’allure et de forme
::: Marguerite Duras ; L’été 80