Je suis sur le canapé dont je n’ai jamais décrit les motifs art déco du tissu des assises, je lis à voix haute, c’est fort et c’est aussi un moyen d’épouser les mots parce que je sens que, faute de concentration, je n’ai pas entièrement pris la mesure de cet ouvrage. Je ne veux pas arrêter de lire, il me reste les deux derniers chapitres mais l’heure avance ; on m’attend. La fin du livre d’Anne Maurel, ce livre qui parle de son grand-père et donc qui me touche, m’intéresse, m’influencerait peut-être, la fin atteint même l’Amérique du Sud, coïncidence qui me trouble.
C’est encore un de ces samedis qui s’allongerait facilement sur le papier tant il est gorgé de livres, de souvenirs, d’émotions, de visages.
Ainsi, cette jeune femme, devant la table “Annie Ernaux” de la librairie, à laquelle je me mets à parler parce que H m’y a invité sans savoir qu’Ernaux c’était pour moi tout un monde, un monde dont je ne connais peut-être que la moitié des livres – c’est déjà pas mal, direz-vous – mais un monde qui m’a tellement influencé, notamment dans la présence des images dans La Honte ou L’Usage de la photo. “Ça a dû vous faire quelque chose le Nobel”, me demande la jeune femme. Oui. Je m’étends un peu, pas trop, je dis que c’était un peu un cadeau qu’on m’avait fait.