Je m’arrête, je souffle. Elle dit “Bravo !” J’ai appliqué, à la lettre ou quelque chose comme ça, ses instructions. Elles correspondaient, il faut le dire, avec ma façon de vouloir lire le texte et un peu plus que le lire pour dépasser le respect des points et des virgules, le faire vivre un peu, le déplacer un peu vers moi : une voix plate comme pourrait l’être celle du narrateur, puis parfois accélérer en une fin de phrase quand apparait un semblant subtile de style indirect libre.
Je crois que j’ai ici, au milieu et avec les autres, le plaisir du bon élève, peut-être comme autrefois, écolier qui a pour récompense les félicitations. J’essaye de creuser en moi pour savoir si c’est un “peut-être” que je dois écrire dans la phrase qui précède ; je n’ai pas toujours eu du plaisir à être bon élève, on reçoit reçoit des coups, des coups d’œil en coin ou des airs agacés.
Je n’ai plus, comme autrefois, la peur de parler devant les autres ; une pointe de trac seulement, ainsi je tremble un peu : la main droite. C’est une exaltation je crois, je suis là pour être, sans doute, et pour exprimer. Un autre que moi – le seul homme à part moi – est là aussi pour être, un peu plus bruyamment. Il se pourrait qu’il me procure des airs agacés.
J’essaye de creuser ce que veut dire, au fond, ce que je viens d’écrire, pour me rappeler comment c’était, autrefois. Et puis d’où vient le plaisir, au-delà de celui que provoque le fait de lire à voix haute, parce c’est un truc qui sort de soi, un machin inexplicable, comme un chant mais sans fausse note, c’est puissant. Mais au-delà ? Pourquoi suis-je ici ?