Je passe ma convalescence à Ostende. Une aide-soignante qui ne parle pas français (peut-être ne parle-t-elle que néerlandais), vient tous les jours, ui me couche le soir et m’assiste pour mon lever. J’ai le sentiment qu’ils n’y a pas de discontinuité dans ma vie, que cela fait des mois maintenant que je suis immobilisé ici dans un fauteuil roulant et que les journées se succèdent, identiques, devant la fenêtre de mon appartement.
::: Jean-Philippe Toussaint ; La Disparition du paysage
Se revoir. Toi, après mardi. C’est peut-être ce moment, cet après-midi avec toi, qui scelle quelque chose entre nous dans notre relation, je me dis que tu es sans doute le fils que j’aurais aimé avoir, c’est comme une amitié mais nos années la détourne un peu, non ? Je te raconte le musée, c’était beau, le musée de l’imprimerie et de la communication graphique, le personnel était chaleureux et j’avais navigué entre Gutenberg et les souvenirs informatiques de mon enfance et puis Excoffon, bien sûr. “Vous aimez Excoffon ?” m’avait dit l’agent en charge de la ‘accueil et de la boutique. “Je vais vous donner quelque chose alors.” Et il m’avait donné quelque chose : le dépliant de l’expo de 2012. Je te raconte la pause déjeuner au bord de l’eau – j’aime Lyon aussi pour la présence du Rhône et de la Saône -, le sandwich emballé dans une quantité absurde de plastique, le groupe d’hommes dont celui un peu perché qui s’extasiait pour un énorme silure, un requin, il disait, un requin, le mot chat aussi, il allait et venait sur quelques mètres du quai et perdu dans une incohérence assez coriace. Et je te raconte P, bien sûr, peut-être déjà loin.
Se revoir, bis. Vous deux, la dernière fois c’était l’été, c’était aussi pour un congrès que je passais pas là. Les conversations glissent, comme toujours, jusqu’à cette question :
– Tu es déjà allé à Londres ?
– Oui, avec toi, en 2008.