ce que moi, Georges Perec, je suis venu questionner ici,
c’est l’errance, la dispersion, la diaspora.
Ellis Island est pour moi le lieu même de l’exil,
c’est-à-dire
le lieu de l’absence de lieu, le non-lieu, le nulle part.
c’est en ce sens que ces images me concernent, me fascinent, m’impliquent,
comme si la recherche de mon identité
passait par l’appropriation de ce lieu-dépotoir
où des fonctionnaires harassés baptisaient des Américains à la pelle.
ce qui pour moi se trouve ici
ce ne sont en rien des repères, des racines ou des traces,
mais le contraire : quelque chose d’informe, à la limite du dicible,
quelque chose que je peux nommer clôture, ou scission, ou coupure,
et qui est pour moi très intimement et très confusément lié au fait même d’être juif
::: Georges Perec ; Ellis Island
Vous êtes là à la terrasse du Vintage, vous êtes quatre, l’un d’entre vous je ne le connais pas. C’est sans doute le jeune amant de J. Je sors de l’atelier de lecture à voix haute, je suis bien, je flotte un peu, je ressors toujours, je crois, avec une énergie démesurée. Cette fois j’ai lu La Peau Léon : Sophie voulait une chanson amusante. Je l’ai lue trois fois, une fois j’étais assis, j’ai aimé jouer ça, cette femme, qui couic, tue son amant, sauvagerie morpionne.
A peine assis à votre table, puisqu’il restait un siège vide que j’ai investi dans crier gare, mon énergie déborde, me voilà volubile comme parfois je peux l’être. Je suis heureux de vous voir aussi, même si B a toujours cet air de b comme bitch, cet air insatisfait et griffant. Mais tu dis que tu pars. Tu as un amoureux. A Paris. Un appartement maintenant, aussi.