Matin. Boulot, photographie de Muriel K, chercheuse en neurosciences. Elle s’accoude à la rambarde de l’escalier, la lumière est bonne, elle me convient parce qu’elle vient d’un peu partout, cette lumière, j’aime ce coin pour cela. Je ne réalise pas que Murielle avance trop la tête, je fais encore des erreurs de débutants dans les portraits, je ne regarde pas tout, je ne vois pas tout, je veux aller vite même si je sais aller vite ; il faut qu’ensuite la personne prise en photo consente à être telle qu’elle est. Ensuite, on regarde les quelques images, on commente, il s’agit donc d’accepter le visage, à nos âges, les marques du temps sur les photographies que l’on accepte de donner de nous, de montrer de nous.
Midi. Ton message joyeux, ton oral s’est bien déroulé : tu pourras être président de la République, tu ris, euphorique, libéré. J’aime. J’aime comment tu sais t’aimer – et comment on sait à peu près tous s’aimer -, j’aime ce que tu sais faire de toi, et rire de tout cela. Je te l’avais dit, j’avais confiance en toi, tu es brillant, tu saurais dit ce qu’il faut. Je te rappelle. Je ne te dis pas qu’il faudra que tu écoutes la radio, lire ne suffit pas. Ainsi tu saurais qu’on dit “49 3”, pas “49 point 3”. J’ai aimé que tu fasses cette faute, que tu aies su faire le malin avec ce que tu sais, avec ce que tu as ingurgité par toi-même. Quelque part, je me suis toujours senti flatté ou rassuré d’être aimé – parce que ce n’est pas le moment de s’apesentir sur le sens du verbe aimer – par des hommes comme toi.
Soir. Il y a cette idée que Benjamin va venir, tôt tout tard, il viendra. Je ne veux pas qu’il voit cela, l’appartement ainsi, dans un tel état qu’il ne me ressemble même plus, quand même bien le bordel, à petite dose, c’est moi. Alors la nuit venue je range. Je transforme. Je déplace. Il reste la question du bureau, et de l’espace à gauche du bureau. Qu’en faire ?