Il y a des clameurs, la foule qui dit non, mais je n’y suis pas. J’imagine les drapeaux, les slogans, les cris, la peur, le refus net et catégorique, je suis bien sûr avec les manifestant·e·s, mais je n’y suis pas, dans le cortège. Je lis l’analyse de Télérama, mais je n’y suis pas, dans le cortège, peut-être justement en raison de l’analyse de Télérama, l’impression que nos clameurs ne feront d’exalter – se butter – les autres, ce qui se disent exclus et qui l’expriment, à leur triste manière, par un vote qui exclut – xénophobe. Je baisse un peu les bras. Je ne ferme pour autant pas les yeux. Je dois aller ici pour acheter des gants, là pour du scotch, là-bas pour autre chose, demain c’est fermé, comme certains esprits. Dans 8 jours j’expose, cela durera quelques heures seulement. Je n’en parle pas, pas trop. J’expose un intime né d’un autre nom, une exploration sous un autre nom, prénom Z. J’expose sans doute ce qui, sous un régime comme celui qui nous pend au nez comme de la morve, serait interdit.
Plus tard, E dit que ça ne changera rien parce que c’est l’Europe qui décide de tout. Je lui réponds calmement que ça reste un parti aux idées xénophobes. Il ne dit rien. Je ne sais pas quoi faire de son silence.
Plus tard encore, bar, il est encore là, nous savions que nous allions nous retrouver. Je suis sorti, une fois n’est pas coutume. J’avais besoin de la foule. J’avais besoin de noyer ma solitude dans une autre forme de solitude et dans deux gin tonics.