Dimanche 7 septembre 2025

Je ne sais peut-être plus dire. Je n’ai peut-être plus envie de dire. C’est confus. Pourtant hier il y a eu la plage, l’horizon freiné par le Cap Ferret, là-bas, en face de nous. J’ai écrit un petit texte qui complétait les deux phrases sur ta passion. Je parlais de là-bas, au-delà du Ferret ; certains disent comme ça, Le Ferret, moi non, jamais sauf en mettant des accents circonflexes sur le mot, moquerie.

Je ne voulais pas que tu lises cela. Je ne voulais pas retomber dans le piège d’être lu en le voulant — parce que le texte est beau — et sans le vouloir — parce qu’il ne dit pas vraiment la vérité, parce qu’il s’accroche à un petit caillou ou à un grand continent lointain, le texte. Lorgnette et petit bout ?

J’aurais pu rebondir et parler du silence, c’est formidable, le silence, moi j’ai celui qui hante avec douceur mon appartement. C’est si calme, chez toi, les gens me disent. C’est un silence que j’ai fini par aimer. C’est encore plus beau quand il est rompu par les cris des oiseaux migrateurs.

Je peux dire, ce soir, au lieu de raconter nos pas ralentis et le goût du pain frais, ce que m’a raconté ma tante, la fin d’après-midi venue. Elle avait lu les 40 premières pages de mon manuscrit. J’ai vite noté des phrases, au crayon à papier, sur mon carnet posé là, bienvenu, sur ma table. Les mots de rien, la vie, c’était autrefois, mon grand-père que je n’ai pas connu, son visage, le suicide de Victorine, la mort presque partout, l’odeur de la mort aussi m’avait-elle dit la dernière fois.

::: Alain Guiraudie ; Viens, je t’emmène