Vendredi 30
Soudain je déteste un peu Paris. Le trop beau temps à Paris, au bout de quelques jours, ça pue. Aujourd’hui, ça pue l’échappement et je ne sais quels gaz, tandis qu’un léger mal de tête piquant, mesquin et typique insiste. Entre Négatif+ et la rue Beaubourg où ma coiffeuse m’attend à 19h30, je prends le temps de marcher mais ça pue, j’ai chaud, j’ai soif, je n’ai pas de monnaie, je pense au Japon qu’on voit sur mon livre de photos enfin récupéré, parce que là-bas j’aurais déjà glissé 120 yens dans un distributeur posé en plein soleil pour acheter un rafraîchissement, mais de toute façon je n’ai pas de monnaie.
Et puis j’ai un peu d’avance, donc un peu de temps pour de la monnaie, une bouteille à 80 centimes et une boîte de gâteaux salés à 1 euro sur les marches d’un escalier. « J’ai le temps de fumer une cigarette ? » me demande S, parce que vous comprenez ma coiffeuse elle a un prénom et ainsi on a le temps de feuilleter ensemble le livre de photos. Ce n’est qu’après la coupe et pendant le shampooing qu’elle m’annonce son prochain départ. Pour où ? On ne sait pas, on se reverra avant, les cheveux ça pousse n’est-ce-pas. « Je ne donne pas mon numéro à tout le monde », me glisse-t-elle à l’oreille le temps d’une dernière retouche. Tranquillement et plus léger je peux retrouver la maison et le livre évoqué hier que, sans vergogne ni pensée pour les problèmes de sécheresse, je commence égoïstement dans un bain chaud.
« Le fantastique des romantiques nous parait très puéril. Leurs personnages ne sont pas assez humains (…). Le diable n’est pas terrifiant sur la lande de Siboro, au milieu des sorcières, mais il peut l’être en apparaissant dans un petit cabaret de la zone, dont le patron, par exemple, fait des réparations de bicyclettes. »
Pierre Mac Orlan, « Le Fantastique » in Le Fantastique Social, op. cit., p. 63