Mercredi 27 août 2014

Parmi les commerces du quartier, il en est un que l’on a découvert récemment et que l’on n’avait jamais testé : le bain public. Aucun occidental ne résidant dans le coin (ou alors ils se cachent bien), on peut se demander si les regards posés sur nous en entrant ne dégageaient pas un peu de surprise… peut-être le reflet de la nôtre devant la modestie et la petitesse du lieu (et l’absence de bain froid).

Mardi 26 août 2014

J’avais noté – et tenté de me rappeler – récemment les mots pierre, caillou, persuadé qu’ils seraient utiles quand on en viendrait à parler de ce petit chemin que je balaye presque chaque matin et sur lequel glissent inlassablement terre et sable. Mais au moment de cette discussion bien sûr ils étaient oubliés, de même que j’avais omis l’inévitable roulage de R pour prononcer “rocks”.

Lundi 25 août 2014

Nous avons oublié son prénom ; il était un visage habitué avant de quitter ce bar, où nous-mêmes nous n’allons plu. Le voici, comme nous, aux puces ; il porte sous son bras une immense toile et l’on se rappelle évidemment ses dessins, ces visages aux traits particuliers. Nul tissu pour nous, mais fidèles à nos habitudes, de la vaisselle bleue, une plante aux fleurs violacées et un arbre à yuzu.

Le soir, une sorte d’autre ancienne habitude un peu passée : un film. Mais de l’occitan nous n’avons point coutume.

Samedi 23 août 2014

Confirmer – comme si n’en avait pas encore complètement conscience – que la montagne est proche. Découvrir ce temple aux allures d’abandon. Rechercher dans les boutiques ce qui pourrait être une affaire. Dormir presque trop, comme si c’était possible et déraisonnable. Et puis s’attabler, écouter ces conversations où les langues se croisent, écouter cette histoire en rêvassant, ce qui n’aide pas à la comprendre. “Trois ans ?“, disent-ils surpris.

Vendredi 22 août 2014

Finalement, ç’aurait pu s’appeler Non ma fille tu ne devrais pas danser (Même si je n’étais pas aussi catégorique que toi).

Jeudi 21 août 2014

Je n’écris plus. Je ne note plus les petits riens et les jolis plaisirs, que, par conséquent, j’oublie : la date d’arrivée d’une carte postale, le chant des cigales qui a disparu, la pluie qui tombe, les ouvriers perplexes, le jardinier aux gestes improbables, les cris des corneilles, le sommeil dès 21h45, l’anglais hésitant, les premiers gestes du matin – balayer le chemin, arroser les plantes -, les listes de vocabulaire, les visages dans le bus, les phrases trop rapides de la fille du pressing, le jour précis où l’on a mis dans l’eau les graines de lotus. Dis, c’était quand, les grains de lotus ?

Mercredi 20 août 2014

Derrière l’accueil, contente de ses vacances, elle me demande si je compte travailler là aujourd’hui. Ma réponse négative la rassure car la clim est en panne. On parle peu car il y a (toujours) ces histoires de travaux qui m’attendant à midi, mais les quelques mots osés en japonais me confirment que hanasanakereba narimasen.

Mardi 19 août 2014

(…) Adolescent, je me baignai un jour à Malo-les-Bains, dans une mer froide, infestée de méduses (par quelle aberration avoir accepté ce bain ? Nous étions en groupe, ce qui justifie toutes les lâchetés) ; il était si courant d’en sortir couvert de brûlures et cloques que la tenancière des cabines vous tendait flegmatiquement un litre d’eau de javel au sortir du bain. De la même façon, on pourrait concevoir de prendre un plaisir (retors) aux produits endoxaux de la culture de masse, pourvu qu’au sortir d’un bain de cette culture, on vous tendit à chaque fois, comme si ne rien n’était, un peu de discours détergent.

Roland Barthes par Roland Barthes

Sur le petit papier blanc, la date de demain. Pourtant, je n’ai pas terminé le livre : les parenthèses barthiennes que je m’offrais de temps en temps n’ont pas suffi. Me voilà donc, photographiant les dernières pages, certaines déjà lues puisque c’est un livre dont on peut picorer les pensées – dont acte. Mais sur le vélo, me rendant une fois de plus au bureau de l’immigration où cette femme ignore l’idée d’une autre langue que le japonais et d’un sourire immédiat, je réalise que le livre est resté sur la table. Pour avoir le plaisir de refaire le même chemin demain ?

Lundi 18 août 2014

Au Japon, en entrant dans une maison, on se déchausse. Ce geste pourtant simple laisse parfois l’autochtone perplexe, ou plutôt hésitant. C’est le cas chez nous, les espaces à l’arrière, appelons-les la terrasse et la buanderie, étant ouverts mais aménagés. Aujourd’hui encore, l’équipe de l’architecte (avec un grand A) est venue – ignorons les détails techniques et humides sur la raison de leur visite – et… hésita, me regardant pour savoir quoi faire ou m’imitant – ce qui pour le coup, les désarçonna encore plus, ne sachant jamais trop moi-même, par temps sec, où mettre les pieds nus. Et tandis qu’ils devisaient dans la chambre sur le renouvellement des nappes phréatiques provenant des intérieurs coquets des CSP+ , un lot de 16 chaussures attendaient patiemment devant la fenêtre. “Parce qu’ici aussi, on entre par la fenêtre ?“, demanda l’habitué d’Ivry.

Dimanche 17 août 2014

Je découvre les murs jaunes, un détail pour eux qui découvrent le lieu, et puis on rejoue la scène du dimanche précédent, ce déjeuner improvisé avec les uns, comme ce dîner avec les autres.

Samedi 16 août 2014

Comment montrer l’immensité ? Comment montrer le mythe des dunes de Tottori, la magie du vide perturbé par quelques traces, l’horizon comme jamais perdu dans la brume et la pluie ?

Et le soir, soudain, voilà qu’ils parlent italien.

Tottori, dunes de sable

Vendredi 15 août 2014

La baie d’Amanohashidate où, après un bain improvisé, on petit-déjeune à 9h22 de nouilles et de tempura. Les courbes vertes de la côte qui nous rappelle l’abrupte arborescence de certains espaces méditerranéens. Kinosaki et son majestueux onsen malheureusement sans bain froid. Et enfin Tottori, où les jeunes femmes femmes ont sorti leur kimono pour ce soir de hanabi. On dit que tout le chic de cet habit vient du nœud, là, dans le dos. Alors on les regarde, on l’on compare, peut-être un peu moqueurs, en tout cas parfois surpris ; et quelques voix font Ooooooh.



Jeudi 14 août 2014

Les voilà partis, et nous aussi, mais par pour la même destination et de manière moins définitive. La voiture louée n’est pas un de ces modèles typiques, parallélépipédiques, mais inclue un GPS, lui, bien typique (c’est à dire dont la version anglaise reste écrite en japonais et qu’on ne peut pas éteindre, etc.) et d’autant plus inutile que pour éviter les bouchons nous sommes partis… ailleurs, oubliant pour quelques heures la destination saisie par le loueur de voiture. Au nord, donc, direction Obama, où le soleil et la plage nous attendaient, puis, après une longue et belle route côtière, Miyazu, cité peut-être rendue un peu triste par cet immense centre commercial, cité bordant pourtant l’un des plus beaux paysages du Japon.

Et là, après ce repas dont on se souviendra, ils dansaient. Et dansèrent encore.

Mercredi 13 août 2014

C’était l’idée de départ, un restaurant de yakitori, proposition amusante et locale d’un repas de départ qui leur plairait, qui changerait. Et puis faute d’une adresse, nous voici ailleurs, ce restaurant coréen où il faut attendre. Attendre. Attendre. Longtemps. Trop. Même pas avec un verre ? Nous repartons, la patience a ses limites mais nous a permis d’acheter trois jolies tasses. Au hasard des rues, c’est sur dans un yakitori que nous entrons. Moment amusant et local qui leur aura plu.

Lundi 11 août 2014

La rivière était brune, rapide, bruyante, regardée d’un air abattu par les aigrettes n’y voyant plus le moindre poisson à gober.

Dimanche 10 août 2014

La pluie, encore elle, annula l’idée d’une visite de ton quotidien. On la remplaça – la visite -, par un déjeuner, puis, calmée – la pluie -, par ce temple après tout pas si loin où l’on croisa quelques parapluies et l’incomparable mollesse de quelques sucreries.

Samedi 9 août 2014

Alors attention chers auditeurs, à l’approche du cyclone on annonce 100% d’humidité. Dans l’air ? Non, dans les chaussures.

Vendredi 8 août 2014

Chez Circus, boutique de café, c’est à chaque fois le même plaisir : l’odeur du café. Je n’y suis jamais entré, mais l’odeur envahit avec douceur la vingtaine de mètres alentours. Je me retourne toujours, en attendant au feu que le piéton passe au vert, pour y voir je ne sais quoi, les corps sans tête des clients, visages masqués derrière les petites rideaux. Cette fois-ci, me retournant encore, j’y ai vu un joli hasard. Posée sur la coffee table en bois, une toupie, LA toupie, celle que tu as conservée en France et qui, quelque temps, est restée posée sur les caisses métalliques, attendant son sort et un carton.

Jeudi 7 août 2014

Il fait du stop, il fait nuit, il y a une brume improbable, les phares des voitures donnent un peu d’espoir à Llewyn Davis et les plus belles images du film des frères Coen. C’est une première pour moi, cette séance de cinéma au Japon. V.O. (j’allais dire bien sûr) et sous-titres locaux qui m’attirent l’œil pour décortiquer les caractères japonais, parfois moins obscurs que l’accent de celui qu’il vient d’abandonner, ronflant, dans la voiture.

Mercredi 6 août 2014

Au bord de la piscine, on boit une bière en grignotant cette salade de tofu qui fait un peu office de cacahuètes… A gauche une église d’on ne sait où (en toc ?), blanche sous la lumière parce qu’il fait déjà nuit. A droite un bâtiment imposant (en béton !), gris sous moins de lumière, gris de toute façon. Et donc au bord cette piscine, qui n’aura de piscine que le nom et l’aspect, pas la fonction. Essayez donc d’y nager !

Mardi 5 août 2014

La voix de Duras à la radio, en podcast évidemment (parce qu’avec le décalage horaire vous comprenez… La voix de Duras ! À chaque fois que je l’entends je me demande s’il y en a une autre qui me fait un tel effet. La voix de Duras ce soir en écho au film regardé hier. Privilège ?, se demanderont les curieux quand ils sauront de quel film il s’agit. Qu’importe, car surtout petit bonheur, cette fenêtre sur la femme cinéaste que je connais à peine, Le Camion c’est tout, c’est à ne pas y croire, quand je te le dis tu n’y crois pas. Pourquoi, pourquoi on passe à côté de telles évidences ? Sûrement parce qu’il faut le cinéma, le lieu, être assis, dans le noir, être englobé, et regarder. Un cycle à Kyoto bientôt, parait-il…

Lundi 4 août 2014

Cher toi,

Trois semaines déjà. Petit à petit, ce que je percevais plutôt comme un moment de vacances (la chaleur, les découvertes, le bord de la rivière) ponctué d’obligations (les achats de meubles, l’administration) a pris la forme d’un quotidien réel, ancré, défini, définitif. Une nouvelle fois, ce lundi, je suis resté à la maison. J’omets l’aller-retour pour faire deux courses – le pressing, le dîner, de l’anti-moustique à la boîte si jolie qu’on est presque ravis d’être envahis de ces satanées bestioles qui au matin, agrippées au mur, te regardent comme regardaient les oiseaux chez Hitchock. Ce lundi, donc, me voilà sans prendre mon vélo pour aller dans le centre de la ville. Le temps était incertain – il a d’ailleurs plu vers 14h, une de ces averses japonaises, drues, nettes, éphémères – et je n’avais rien d’important à faire en dehors d’ici – les tuteurs pour les pieds de tomates attendront demain.

Les nouveaux meubles arrivés (et montés) hier donnent à la maison ce côté définitif de se sentir chez soi, bien plus que depuis le premier jour où nous y avons dormi – il y a deux mois maintenant ! C’est peut-être ce qui m’a aidé à travailler ce matin, ce sentiment d’être là, au bon endroit, plus que vendredi puisque trainait encore par terre et sur le bureau un certain foutoir, plus que vendredi alors que j’y avais réellement profité du cadre, du calme, de l’air de la terrasse – mais sans la table basse pour y poser livres et pieds – où cette portion de toit permet de regarder la pluie, quelques éclaboussures au passage. Les nouveaux meubles donnent aussi un peu de couleur à cet ensemble gris, bois, blanc, béton ; ce n’est pas, tu l’imagines, pour me déplaire.

L’aménagement du sous-sol en chambre d’ami est semble-t-il un bon choix, fortement apprécié par ceux qui l’ont testé, par toi aussi un jour j’espère. Il nous reste à trouver de quoi masquer ce qui (conserves, cartons, valises, etc.) y a sa place depuis l’origine. Vendredi, nous avons pour la première fois testé cette pièce pour y regarder un long métrage. Le film était magnifique – je ne sais pas si la mort de quelqu’un peut être montrée d’une manière plus belle – et ce moment avec Ch nous installait, là-aussi, dans l’idée d’être chez nous.

Et toi ? Tu me raconteras Lectoure !

Je t’embrasse,

A.

Dimanche 3 août 2014

C’est une sorte de grand écart, entre l’odeur de peinture de l’atelier d’un artiste contemporain et l’odeur de barbecue d’une sorte de village gastronomique sur les bords de la Kamogawa, entre la quête de la perfection et la quête des plaisirs simples, entre les explications et nos visages ne comprenant pas.

Samedi 2 août 2014

Et forcément, on parle de ses tatouages. Plus que de musique. Fascination.

Vendredi 1er août 2014

Chez mes grands-parents, lorsque j’étais enfant, et même peut-être adolescent, je rapportais souvent de mes promenades, c’est à dire lorsque je “descendais dans les bois” sans m’aventurer ailleurs, des bouquets de graminées. C’était dans mon souvenir toujours le même bouquet agrémenté de fleurs de saison, mais c’est peut-être toujours le même souvenir, se terminant dans le petit vase bleu fêlé. Les bouquets que l’on fait ici, en piochant en bordure du champ de longues tiges dont on ignore le nom et l’usage éventuel, me rappelle ces moments, même s’il y manque la fleur de saison. On la remplace par le millepertuis qui pousse devant le pas de la porte, ou par quelques fleurs achetées au supermarché ou chez le fleuriste, triste fleuriste aux fleurs trop raides. C’est alors un autre souvenir qui surgit, cette scène de Six Feet Under où Ruth tente de faire un bouquet, et nous rions ensemble, la triste mine du fleuriste balayée par une imitation.

(Et puis retrouver le cinéma. Peut-on filmer la mort de manière plus belle et poignante ?)

Jeudi 31 juillet 2014

Derrière le comptoir d’accueil, une femme. L’air plutôt strict, sans faire d’effort linguistique, elle pourrait modifier l’opinion que j’avais sur les employés du service de l’immigration – sympathiques. Je lui parle dans un anglais le plus articulé possible, elle répète le dernier mot, j’acquiesce en japonais et puis je vais attendre, le ventre vide et le numéro 518 en main. Quand elle revient, mon numéro s’affiche ; un grand sourire aussi, sur son visage.

Mardi 29 juillet 2014

Surprise, elle me dit en japonais que mes lunettes sont très belles, c’est du moins, par son sourire et son geste de la main – une boucle désignant mes yeux -, ce que je comprends. On s’est pourtant vus depuis mon retour et donc depuis cette nouvelle paire bicolore, je me dis que c’est la coiffure qui change tout, il a suffi d’un peu de gel dans les cheveux pour offrir à cet accessoire – qui n’en est pas un – ce qu’il mérite d’attention. Elle me dit ensuite qu’il faut aller à Shimogamo shrine : c’est le dernier jour. Nous y voilà donc, et je dis que la dernière fois que j’ai fait une procession avec une bougie j’avais 13 ans, c’était à Lourdes et on chantait l’Ave Maria. Mais je ne crois pas que je chantais.

Lundi 28 juillet 2014

Le petit appareil photo ne permet pas tout, et je vous laisse imaginer le coucher de soleil depuis les hauteurs de Kyoto University of Art and Design, cette vue magnifique qui surprend toujours, car lorsqu’on arrive et monte l’immense escalier, on ne pense pas à se retourner. C’était après la conférence de José Lévy sur son travail : couleurs, matières, lumières, miroirs, dorures, oiseaux… une délicatesse qu’on regarderait des heures, un peu comme un coucher de soleil.