Je découvre les murs jaunes, un détail pour eux qui découvrent le lieu, et puis on rejoue la scène du dimanche précédent, ce déjeuner improvisé avec les uns, comme ce dîner avec les autres.
Samedi 16 août 2014
Vendredi 15 août 2014
La baie d’Amanohashidate où, après un bain improvisé, on petit-déjeune à 9h22 de nouilles et de tempura. Les courbes vertes de la côte qui nous rappelle l’abrupte arborescence de certains espaces méditerranéens. Kinosaki et son majestueux onsen malheureusement sans bain froid. Et enfin Tottori, où les jeunes femmes femmes ont sorti leur kimono pour ce soir de hanabi. On dit que tout le chic de cet habit vient du nœud, là, dans le dos. Alors on les regarde, on l’on compare, peut-être un peu moqueurs, en tout cas parfois surpris ; et quelques voix font Ooooooh.
Jeudi 14 août 2014
Les voilà partis, et nous aussi, mais par pour la même destination et de manière moins définitive. La voiture louée n’est pas un de ces modèles typiques, parallélépipédiques, mais inclue un GPS, lui, bien typique (c’est à dire dont la version anglaise reste écrite en japonais et qu’on ne peut pas éteindre, etc.) et d’autant plus inutile que pour éviter les bouchons nous sommes partis… ailleurs, oubliant pour quelques heures la destination saisie par le loueur de voiture. Au nord, donc, direction Obama, où le soleil et la plage nous attendaient, puis, après une longue et belle route côtière, Miyazu, cité peut-être rendue un peu triste par cet immense centre commercial, cité bordant pourtant l’un des plus beaux paysages du Japon.
Et là, après ce repas dont on se souviendra, ils dansaient. Et dansèrent encore.
Mercredi 13 août 2014
C’était l’idée de départ, un restaurant de yakitori, proposition amusante et locale d’un repas de départ qui leur plairait, qui changerait. Et puis faute d’une adresse, nous voici ailleurs, ce restaurant coréen où il faut attendre. Attendre. Attendre. Longtemps. Trop. Même pas avec un verre ? Nous repartons, la patience a ses limites mais nous a permis d’acheter trois jolies tasses. Au hasard des rues, c’est sur dans un yakitori que nous entrons. Moment amusant et local qui leur aura plu.
Mardi 12 août 2014
Lundi 11 août 2014
Dimanche 10 août 2014
Samedi 9 août 2014
Vendredi 8 août 2014
Chez Circus, boutique de café, c’est à chaque fois le même plaisir : l’odeur du café. Je n’y suis jamais entré, mais l’odeur envahit avec douceur la vingtaine de mètres alentours. Je me retourne toujours, en attendant au feu que le piéton passe au vert, pour y voir je ne sais quoi, les corps sans tête des clients, visages masqués derrière les petites rideaux. Cette fois-ci, me retournant encore, j’y ai vu un joli hasard. Posée sur la coffee table en bois, une toupie, LA toupie, celle que tu as conservée en France et qui, quelque temps, est restée posée sur les caisses métalliques, attendant son sort et un carton.
Jeudi 7 août 2014
Il fait du stop, il fait nuit, il y a une brume improbable, les phares des voitures donnent un peu d’espoir à Llewyn Davis et les plus belles images du film des frères Coen. C’est une première pour moi, cette séance de cinéma au Japon. V.O. (j’allais dire bien sûr) et sous-titres locaux qui m’attirent l’œil pour décortiquer les caractères japonais, parfois moins obscurs que l’accent de celui qu’il vient d’abandonner, ronflant, dans la voiture.
Mercredi 6 août 2014
Au bord de la piscine, on boit une bière en grignotant cette salade de tofu qui fait un peu office de cacahuètes… A gauche une église d’on ne sait où (en toc ?), blanche sous la lumière parce qu’il fait déjà nuit. A droite un bâtiment imposant (en béton !), gris sous moins de lumière, gris de toute façon. Et donc au bord cette piscine, qui n’aura de piscine que le nom et l’aspect, pas la fonction. Essayez donc d’y nager !
Mardi 5 août 2014
La voix de Duras à la radio, en podcast évidemment (parce qu’avec le décalage horaire vous comprenez… La voix de Duras ! À chaque fois que je l’entends je me demande s’il y en a une autre qui me fait un tel effet. La voix de Duras ce soir en écho au film regardé hier. Privilège ?, se demanderont les curieux quand ils sauront de quel film il s’agit. Qu’importe, car surtout petit bonheur, cette fenêtre sur la femme cinéaste que je connais à peine, Le Camion c’est tout, c’est à ne pas y croire, quand je te le dis tu n’y crois pas. Pourquoi, pourquoi on passe à côté de telles évidences ? Sûrement parce qu’il faut le cinéma, le lieu, être assis, dans le noir, être englobé, et regarder. Un cycle à Kyoto bientôt, parait-il…
Lundi 4 août 2014
Cher toi,
Trois semaines déjà. Petit à petit, ce que je percevais plutôt comme un moment de vacances (la chaleur, les découvertes, le bord de la rivière) ponctué d’obligations (les achats de meubles, l’administration) a pris la forme d’un quotidien réel, ancré, défini, définitif. Une nouvelle fois, ce lundi, je suis resté à la maison. J’omets l’aller-retour pour faire deux courses – le pressing, le dîner, de l’anti-moustique à la boîte si jolie qu’on est presque ravis d’être envahis de ces satanées bestioles qui au matin, agrippées au mur, te regardent comme regardaient les oiseaux chez Hitchock. Ce lundi, donc, me voilà sans prendre mon vélo pour aller dans le centre de la ville. Le temps était incertain – il a d’ailleurs plu vers 14h, une de ces averses japonaises, drues, nettes, éphémères – et je n’avais rien d’important à faire en dehors d’ici – les tuteurs pour les pieds de tomates attendront demain.
Les nouveaux meubles arrivés (et montés) hier donnent à la maison ce côté définitif de se sentir chez soi, bien plus que depuis le premier jour où nous y avons dormi – il y a deux mois maintenant ! C’est peut-être ce qui m’a aidé à travailler ce matin, ce sentiment d’être là, au bon endroit, plus que vendredi puisque trainait encore par terre et sur le bureau un certain foutoir, plus que vendredi alors que j’y avais réellement profité du cadre, du calme, de l’air de la terrasse – mais sans la table basse pour y poser livres et pieds – où cette portion de toit permet de regarder la pluie, quelques éclaboussures au passage. Les nouveaux meubles donnent aussi un peu de couleur à cet ensemble gris, bois, blanc, béton ; ce n’est pas, tu l’imagines, pour me déplaire.
L’aménagement du sous-sol en chambre d’ami est semble-t-il un bon choix, fortement apprécié par ceux qui l’ont testé, par toi aussi un jour j’espère. Il nous reste à trouver de quoi masquer ce qui (conserves, cartons, valises, etc.) y a sa place depuis l’origine. Vendredi, nous avons pour la première fois testé cette pièce pour y regarder un long métrage. Le film était magnifique – je ne sais pas si la mort de quelqu’un peut être montrée d’une manière plus belle – et ce moment avec Ch nous installait, là-aussi, dans l’idée d’être chez nous.
Et toi ? Tu me raconteras Lectoure !
Je t’embrasse,
A.
Dimanche 3 août 2014
C’est une sorte de grand écart, entre l’odeur de peinture de l’atelier d’un artiste contemporain et l’odeur de barbecue d’une sorte de village gastronomique sur les bords de la Kamogawa, entre la quête de la perfection et la quête des plaisirs simples, entre les explications et nos visages ne comprenant pas.
Samedi 2 août 2014
Vendredi 1er août 2014
Chez mes grands-parents, lorsque j’étais enfant, et même peut-être adolescent, je rapportais souvent de mes promenades, c’est à dire lorsque je « descendais dans les bois » sans m’aventurer ailleurs, des bouquets de graminées. C’était dans mon souvenir toujours le même bouquet agrémenté de fleurs de saison, mais c’est peut-être toujours le même souvenir, se terminant dans le petit vase bleu fêlé. Les bouquets que l’on fait ici, en piochant en bordure du champ de longues tiges dont on ignore le nom et l’usage éventuel, me rappelle ces moments, même s’il y manque la fleur de saison. On la remplace par le millepertuis qui pousse devant le pas de la porte, ou par quelques fleurs achetées au supermarché ou chez le fleuriste, triste fleuriste aux fleurs trop raides. C’est alors un autre souvenir qui surgit, cette scène de Six Feet Under où Ruth tente de faire un bouquet, et nous rions ensemble, la triste mine du fleuriste balayée par une imitation.
(Et puis retrouver le cinéma. Peut-on filmer la mort de manière plus belle et poignante ?)
Jeudi 31 juillet 2014
Derrière le comptoir d’accueil, une femme. L’air plutôt strict, sans faire d’effort linguistique, elle pourrait modifier l’opinion que j’avais sur les employés du service de l’immigration – sympathiques. Je lui parle dans un anglais le plus articulé possible, elle répète le dernier mot, j’acquiesce en japonais et puis je vais attendre, le ventre vide et le numéro 518 en main. Quand elle revient, mon numéro s’affiche ; un grand sourire aussi, sur son visage.


Mercredi 30 juillet 2014
Mardi 29 juillet 2014
Surprise, elle me dit en japonais que mes lunettes sont très belles, c’est du moins, par son sourire et son geste de la main – une boucle désignant mes yeux -, ce que je comprends. On s’est pourtant vus depuis mon retour et donc depuis cette nouvelle paire bicolore, je me dis que c’est la coiffure qui change tout, il a suffi d’un peu de gel dans les cheveux pour offrir à cet accessoire – qui n’en est pas un – ce qu’il mérite d’attention. Elle me dit ensuite qu’il faut aller à Shimogamo shrine : c’est le dernier jour. Nous y voilà donc, et je dis que la dernière fois que j’ai fait une procession avec une bougie j’avais 13 ans, c’était à Lourdes et on chantait l’Ave Maria. Mais je ne crois pas que je chantais.
Lundi 28 juillet 2014
Le petit appareil photo ne permet pas tout, et je vous laisse imaginer le coucher de soleil depuis les hauteurs de Kyoto University of Art and Design, cette vue magnifique qui surprend toujours, car lorsqu’on arrive et monte l’immense escalier, on ne pense pas à se retourner. C’était après la conférence de José Lévy sur son travail : couleurs, matières, lumières, miroirs, dorures, oiseaux… une délicatesse qu’on regarderait des heures, un peu comme un coucher de soleil.
Dimanche 27 juillet 2014
Fushimi Inari est ce type d’endroit qu’on aime encore plus sous la pluie. Je dis peut-être ça pour me satisfaire d’y être allé pour la deuxième fois un jour de pluie, mais je crois que la moiteur, la brume – moins importante cette fois, malheureusement – et le scintillement des gouttes sur les tori au milieu de la forêt sombre lui offre un charme indéniable… qui ne fait pas fuir les touristes. On me dit que c’est le lieu le plus visité au Japon à présent ? Je ne sais pas si c’est vrai, mais, comme disait la chanson, la solitude, ici, ça n’existe pas. On conseillera néanmoins au visiteur avisé de se munir d’un parapluie ou d’un vêtement imperméable s’il lui prend l’idée de choisir ce charmant petit chemin qu’il croit être un raccourci.
Mais vous reprendrez bien un peu de gaspacho ?
Samedi 26 juillet 2014
On a beau, ici même, éviter les sujets météorologiques, on notera tout de même que la campagne d’Ohara fut baignée d’un soleil de plomb. Repenser aux flocons tombant sur le Sanzen-in en décembre 2011 ne suffisant pas à se rafraichir, quelques pieds trempés en bas de la cascade qu’on aimait tant retrouver en juillet 2012 ; on y lisait Duras après un bento, accompagnés parfois dans ce moment délicat par quelques ouvriers profitant de leur pause-déjeuner.
Vendredi 25 juillet 2014
Aux puces, il faut y aller tôt. Avant la chaleur, même si à 7h20 elle est déjà là. Avant ton travail. Avant la foule. Avant que quelqu’un d’autre ait acheté ce qu’on cherche, de la vaisselle bien sûr, et puis cet album de photos anciennes. Nous voici témoin d’un autre temps, loin, même si on ignore les dates ; on cherche les airs de famille dans les regards, les postures ; on constate les bouches figées ; on imagine celui-là partir pour la guerre ; on s’étonne de ces tirages de 2004, reproductions médiocres, visages, zooms… souvenirs ?
Jeudi 24 juillet 2014
(…) il ne participait pas aux valeurs de la bourgeoisie, dont il ne pouvait s’indigner, puisqu’elles n’étaient à ses yeux que des scènes de langage, relevant du genre romanesque ; il participait seulement à son art de vivre.
Roland Barthes par Roland Barthes
Et les voici enfin, elle revenant avec ses souvenirs et cette envie de revoir les îles, lui arrivant avec ce regard qui découvre – chanceux, si jeune.
Mercredi 23 juillet 2014
« Le lecteur est donc invité à n’y voir que les choses, gestes paroles, événements qui sont rapportés, sans chercher à leur donner ni plus ni moins de signification que dans sa propre vie, ou sa propre mort. »
Alain Robbe-Grillet, préface à Dans le labyrinthe.
Le livre a été enregistré à la bibliothèque Paul Claudel le 12.10.1966. Du même auteur, il est noté trois ouvrages : Les Gommes, Le Voyeur, La Jalousie. Pour chacun d’eux, il est précisé : roman.
C’aurait alors pu être une journée faite uniquement de mots, puisque entre la terrasse et la bibliothèque, il y a ceux recopiés dans le carnet rouge offert par Fred, ceux de Robbe-Grillet et de Barthes, par exemple lorsque celui-ci désigne les hortensias, entre deux parenthèses, fleur ingrate du Sud-Ouest.
C’aurait pu être une journée sans photographies, afin de voyager léger. Mais le Pentax acheté en juillet 2003 n’a pas encore dit son dernier mot et permit – et permettra – d’imager. Pourtant, de la visite du magnifique bâtiment de l’EFEO, point d’image. Comment, alors, vous faire imaginer ?
Mardi 22 juillet 2014
Il suffisait que les tomates ne soient pas prêtes et que l’on me dise de revenir dans 10 minutes ; j’ai pris le temps d’aller un peu plus loin et de tourner à droite. Je n’avais ni mon appareil photo ni mes téléphones, juste de quoi acheter ces tomates et du pain, si possible. A droite, au bout de la rue, il y avait, imaginez, les montagnes. Vertes. Le ciel était voilé, il l’avait été toute la journée, c’était plutôt mieux pour aller jusqu’à Oike voir l’exposition Apichatpong, belle, belle exposition, lumineuse, parfaite peut-être, dont j’étais revenu à vélo par les petites rues après avoir longé l’imposant château de Nijo, et au supermarché, amusé, j’avais goûté tout ce qu’ils voulaient nous faire goûter – pêche, pieuvre, friture, bœuf – dans un brouhaha de voix appelant à la consommation.
Vertes, donc, les montagnes, vert sombre, plus ou moins sombre en fonction des arbres bien sûr, vertes sous le ciel voilé, et le soleil diffusant sa lumière en face puisque ici aussi il se couche à l’ouest. Face à elles je me suis arrêté et j’ai compris que c’était ça qu’on était venu chercher.
Au retour, tomates, pain, découvertes de ce qui se cache derrière certaines façades du quartier et par bonheur tu es déjà là. Alors sur les bords de la Kamogawa une bière, la lumière qui décline, une grand-mère et sa radio, des vols de hérons.
Lundi 21 juillet 2014
Au-delà des envies il y a le raisonnable et l’impossible, mais nous trouvons aux puces de quoi nous satisfaire – un plat, un vase, des agrumes.
Au-delà de la fascination et de l’imaginaire il y a la réalité des maisons de geishas comme celle visitée ce matin, au-delà des images il y a ce mélange d’autrefois et d’aujourd’hui.
Au-delà des cimes il y avait Kyôto : Arashiyama a toujours ce charme, cette beauté des alentours de la ville, et quand on marche un peu, cette force plongée dans un semblant de brume en fin d’après-midi. Arashiyama a aussi une « great view », c’est écrit, je confirme. En ce jour de la mer – jour férié -, on n’avait pas besoin de l’océan pour fixer l’horizon.
Dimanche 20 juillet 2014
Ce Shozan, on ne savait pas trop ce que cela pouvait être : un temple ? un jardin ? C’est un jardin et quelques bâtisses d’un autre temps voire – puisque déplacées – d’un autre lieu. C’est surtout, sur le chemin, une jardinerie, quelques pots, quelques plantes (érable, star grass), complétées l’après-midi par des comparses (pieds de tomates, basilic) et de quoi faire une expédition en scooter en trouvant dommage que les tapis ne soient pas volants.
Samedi 19 juillet 2014
Nous retournons à ce qu’elle appelle la Forêt Imaginaire, je reviens avec un grand angle mais ce n’est pas forcément facile, bien que forcément plus adapté. Dans les magasins de meubles on erre sans surprise, contrairement au soir tandis qu’on suit les flèches, apercevant au travers des murs arbres et lumières… autre forêt imaginaire ? On reviendra demain, sans ces lumières-là.
Vendredi 18 juillet 2014
Médiathèque de l’Institut franco-japonais du Kansai. Sur une étagère, un essai d’autrefois : Les romans de Robbe-Grillet. Préface de Roland Barthes. J’ouvre, commence à lire, retrouvant ce plaisir savant teinté de la sensation curieusement presque agréable de ne pas tout saisir, retrouvant ce besoin de devoir insister pour se concentrer et comprendre – bien plus que sur les notices Ikéa suivies rigoureusement le matin -, comme si je profitais du texte sans y creuser le sens, ce qui tombait à point nommé puisque Barthes parle dans la préface de l’être-là d’un texte.
Le soir, premier dîner entre amis, première (terrible) erreur entre gauche et droite pour expliquer où nous habitons, premier hanabi faisant sortir les voisins pour regarder au loin (sur les bords du lac Biwa ?) les étoiles multicolores et fugaces des feux d’artifice.
Jeudi 17 juillet 2014
On passe d’anecdotes en souvenirs, elles prennent leurs marques et rêvent de la découverte de fondations claudeliennes, il fait défiler les souvenirs de la construction et dans le couloir la lumière est bleue, contraste saisissant avec la chaleur extérieure.
Un peu plus tard, après une vaine première étape administrative à la mairie du quartier et avant les vaines tentatives d’explication sur les dysfonctionnements d’Internet, une témoin de Jéhovah correctement francophone tentait de comprendre qui était cet Hector Guimard.


Mercredi 16 juillet 2014
Effervescence. Les visages sont éblouis, surpris, passionnés… épongés. Dans la chaleur des rues dont l’orthogonalité – et l’idée de l’horizon – me fait encore une fois aller dans le mauvais sens, le japonais – local ou touriste venu spécialement pour la Gion Matsuri – profite des éventails publicitaires et, inexorablement, caricaturalement, prend des photographies. Les chars sont pris d’assaut, comme un oxymore ou je ne sais quel symbole pacifiste… J’attrape au vol quelques visages qu’on verra peut-être ailleurs avant de m’attaquer à une autre difficulté photographique : montrer l’espace dans la double exiguïté d’une jolie maison et d’un objectif 50mm.
Mardi 15 juillet 2014
La légèreté. Pas celle du temps, puisque il fait loooouuuurd (private Lectoure joke) mais celle des moments, des images. Première sortie à vélo le long de la Kamogawa, légèreté des échassiers, des enfants qui sautillent sur les pierres qui traversent la rivière, de ce faon mangeant de l’herbe sur la berge, des bulles de savon faites par deux jeunes femmes que je regrette de ne pas avoir abordées pour les photographier, des immenses drapeaux que faisaient danser deux garçons… Légèreté des couleurs des jeux pour enfants : j’y crois voir des couleurs délavées par le soleil et le temps, mais l’explication est plutôt dans la symbolique japonaise de ces demi-teintes… ce qui n’est pas si éloigné.
Lundi 14 juillet 2014
Au temple Genko-an, deux fenêtres, l’une ronde, l’autre carrée, représentent pour la première l’accomplissement, la maturité, les lumières (au sens philosophique) et pour la seconde la confusion, l’ignorance, l’immaturité. C’est devant la première et la beauté de son cercle que l’on passerait des heures à méditer… si l’on n’était pas attendus à midi.
Nous voilà ensuite plongés dans deux bulles occidentales à l’opposé l’une de l’autre. D’une part la célébration – que je qualifierais de gourmande – du 14 juillet, d’autre part… Ikéa. Ikéa ? s’étonne le lecteur. Ikéa, confirmé-je, en ajoutant que ce n’était pas une mince expédition… Heureusement, haitatsu ga dekimasu.
Dimanche 13 juillet 2014
Quand elle est arrivée, parée de son yukata, son regard sur moi a eu un temps d’arrêt, très bref, pas de quoi donner un indice clair. Je t’ai glissé qu’elle ressemblait à cette fille vue le matin-même à Ohara ; le hasard aurait tout de même été étonnant. Nous venions de tester avec amusement les nagashi somen, ces nouilles de l’on attrape à la volée tandis qu’elles glissent le long d’un bambou et nous avions goûté d’autres délices, tout aussi frais – il fallait bien ça pour atténuer la moiteur. C’est en repartant, puisque j’avais remplacé mon yukata par mes vêtements du matin, que son sourire confirma mes doutes. – Where you in Ohara this morning – Yes…
Samedi 12 juillet 2014
Kyoto ni sunde imasu.
On en est là, on peut le dire, je peux le dire – j’habite à Kyoto – pas officiellement, pas administrativement, mais géographiquement, visiblement, maritalement, amoureusement, idéalement, merveilleusement. Chaudement.
On en est là, le virage a été pris, reste à créer peut-être autre chose que ce journal, quelque chose en complément, j’imagine deux visions, deux paroles, deux objets. Plus de liberté ou de contraintes ?, je ne le sais pas encore.
Au rayon vin, du « Bon rouge », mais pour fêter ça on a retrouvé notre caviste, son pétillant et un Bordeaux abordable.
Mercredi 2 juillet 2014
Dans quelques boîtes rangées dans la remise restent encore de nombreux souvenirs et autres papiers, coupures, etc., conservés, parfois, sans vraiment savoir pourquoi, même si cette formule n’est qu’une formule (tout faite) et qu’on sait toujours pourquoi on les garde, ne serait que simplement pour le souvenir que ça évoque, la période, les petits riens englobant la petite chose.
Parmi tous les documents conservés, il y a ces quelques chroniques d’Olivier Dahan dans Libération, datant de 2001. Je ne les lisais parfois qu’en diagonale, mais j’y trouvais à l’époque un mélange de subversion (toute relative), de légèreté… et de nostalgie, aussi, je crois – celle de ces années d’insouciance où j’allais clubber chaque samedi soir au Tuxedo. J’avais donc conservé quelques chroniques pour ce qu’elles m’évoquaient plus que pour l’objet lui-même… Toujours est-il que, pour en conserver la trace avant de partir « là-bas », me voilà ce mercredi scannant deux ou trois papiers, lorsque apparut au verso d’une page du 26 mars 2001, un article sur Vincent D. Vincent était donc là au milieu de feuilles mortes et de cartes postales tachées de patafix. J’avais donc croisé son chemin dans ces revues et quotidiens trop survolés, trop vite jetés, rangés ou découpés, comme pour Philippe, Valérie ou toi, sans imaginer – pensez-vous, début 2001 ! -, sans imaginer du tout la suite, cette suite, toi, nous, eux, etc.
(Bon sinon je suis allé chez le coiffeur, mais c’est une autre histoire)
Dimanche 29 juin 2014
Images et mots se croisent et glissent dans un montage délicat transformant cette multitude risquée en une unité gracieuse. Et comme souvent au cinéma mon esprit alors divague, la poésie du récit m’entraîne vers une autre, celle des mots, mais dans le noir comment faire ? Au-delà de que l’on y raconte précisément, reste alors, quelques jours plus tard, un sentiment délicieux, celui d’avoir vu bien autre chose que cette femme qui doit écrire, celui d’avoir vu le cinéma transformer l’affrontement du réel en poésie.
C’est Le Vertige des possibles de Vivianne Perelmuter. C’est la difficulté d’écrire sur un film 4 jours après l’avoir vu.
Samedi 28 juin 2014
Vendredi 27 juin 2014
Lundi 9 juin 2014
Retrouver (le supermarché). Regarder (le ciel). Ne pas parler (de ce qu’il est tombé). Avancer (sur l’affiche, le dossier de presse…). Apprécier (les jours fériés laissant le temps de revenir).
Dimanche 8 juin 2014
Ils ont colorisé Les Oiseaux, mais pas tous les oiseaux. La grande scène avec l’explosion marie avec insolence des façades, vêtements et voitures colorés et des oiseaux… gris, ou peut-être plutôt verdâtres, une teinte un peu passée, mais peut-être est-ce dû au petit écran de l’avion, qui, m’a ensuite permis de faire dans l’amusement animé avec Minuscules et dans le classique godardien avec À bout de souffle, qu’il fallait bien que je voie un jour, d’un œil un peu distrait, les autres yeux sur l’écran de l’ordi, le plateau repas ou le vocabulaire japonais pour apprendre que banane se dit banana.
NB du 28 juin. On me glisse à l’oreillette que Les Oiseaux ont été tournés en couleur.
Samedi 7 juin 2014
On aurait pu aller à Kurama, là-bas dans la montagne, tremper dans un bain chaud avec vue sur les montagnes. Mais il y avait la pluie, la fatigue, l’emploi du temps (ce spectacle de danse, le rolling sushi bar, ce tee-shirt souriant que tu oses, ces si jolies assiettes, ces deux wagashi, les tickets de train pour le lendemain…) et la tentation d’aller à celui de Funaoka, qui s’avère – ô surprise – si près de la maison. Ce pourrait alors faire l’objet d’un autre texte après celui que, très bientôt, tout le monde pourra lire. L’objet d’un autre texte à décrire la silhouette et les tatouages de cet homme. Un moine ?
Jeudi 5 juin 2014
Mercredi 4 juin 2014
Notre maison, qui un jour fera sûrement l’objet d’un hommage digne de ce nom, histoire de partager un peu du rêve dans lequel on vit, est la « room 1 » d’un ensemble de 10 « rooms », en anglais dans le texte. De nos 9 autres voisins, nous avons fait connaissance des numéros 3 et de (sauf erreur) Mme numéro 5, ce qui soudain me fait penser au Prisonnier, et là je pourrais m’embarquer dans mes souvenirs de Portmerion, mais non, nous ne sommes pas des numéros. Bref, aujourd’hui sonna à notre porte le numéro 4, avec qui on échangea nos noms et une visite de nos intérieurs respectifs, chaque maison ayant une configuration différente… la leur ayant la particularité d’être dotée d’une pièce à cérémonie de de thé, d’une chambre d’amis joliment tarabiscotée en mezzanine et d’une jeune femme n’ayant pas dit son nom, lisant sur un canapé blanc devant une table basse magnifique à l’ancienne.
Et sinon ? À part ce trait d’humour qui friserait presque la misogynie ? La chemise froissée et les baskets déchiquetées d’un lycéen en cravate et pantalon écossais. Dichotomie japonaise.
Et sinon ? La machine à laver (sentakuki) est achetée et l’aspirateur (soojiki) aussi.
Et sinon le doux dîner chez Fumiko, des assiettes, les yakitori achetés au Daimaru, le transport de l’aspirateur (aspirascooteur ?), etc. etc etc.
Vendredi 6 juin 2014
Où il est question de communication, de difficultés linguistiques, et de l’idée qu’on s’en sort toujours.
Avec le vendeur d’électroménager, à qui il a fallu que j’explique que la machine à laver faisait un bruit très fort et très inquiétant, similaire à celui qu’on entendait lors de son essai et qui lui a alors fait faire la grimace et quelques acrobaties en-dessous de la bestiole. Trente minutes plus tard, ruban adhésif noir et cutter en main, il reprenait ses acrobaties de ras du sol. Trente minutes de plus, et un tuyau verdâtre transparent, sorte d’extension intestinale, courait sur le plancher.
Avec le serveur du joli petit restaurant avec vue sur la rivière à qui il a fallu que tu expliques qu’on ne yomimasait pas un poil de japonais sur son menu écrit au pinceau. Ton vocabulaire gourmand nous permit de déguster des mets et merveilles sous la contrainte improbable de quatre jeunes histrions hurlant de rire, à supposer que l’expression « hurler de rire » puisse convenir pour une telle quantité de décibels suraigus.
Mais il est aussi question de ce petit café typiquement local au bout de cette rue que j’ai arpenté avec délice en attendant l’ouverture tardive de Muji sur Senbon dori, un délice teinté de tristesse puisque la rue est teintée ici ou là d’abandon, de devantures jaunies, de vieilles dames vendant quelques légumes devant un immeuble qu’on imaginerait plutôt (avec nos brouettes de clichés) dans une banlieue européenne. C’est bien sûr une femme qui tient le café, âge avancé, cheveux blancs, porte bleue métallique, deux clients qui entrent juste derrière moi, un homme au fume-cigarette transparent et une mamie qui prendra un toast. Bien sûr le café est extrêmement chaud, cela laisse le temps, sur une carte postale servant de marque-pages, de griffonner la description du lieu : les autocollants dinosaures sur le frigo, les glands décorés, et autre signes probables que les petits-enfants de la dame ne sont jamais loin.
Mardi 3 juin 2014
Les enfants rentrent de l’école. Ils portent dans des boîtes en plastique transparent une feuille, un insecte de couleur sombre. Je crois aller prendre le bus, mais peu habitué aux horaires précis je ne sais pas que, finalement, je rejoindrai la station de métro Kitaoji à pied. Dans le métro ce sont d’autres enfants, d’autres tenues plus strictes, uniformes (adjectif / nom). L’un lit Tintin au Tibet, un autre souffle sur un moulin à vent sans doute fabriqué le matin, conservé sagement dans le sac toute la journée ; je me demande alors si ceux du même âge, en France, ont ce genre d’occupation dans les transports en commun.
Demain il devrait pleuvoir, porteront-ils ce même bermuda ? Les collégiennes auront-elles ce pull sans manche au « St Agnès » brodé ? Que pensera cette jeune fille quand elle découvrira le sens du mot « PLAYBOY » de lettres rouges cousu sur son sac à dos gris clair ?
Lundi 2 juin 2014
On pourrait parler de cette chaleur tandis que je visite brièvement le quartier – quelle hérésie de partir sans plan et en débardeur sous ce soleil -, du déjeuner avec A et N qui me font découvrir une charmante gargote locale et qui s’interrogent sur les usages dans les onsen, du ciel voilé pour aller à pied jusqu’à la station de métro…
Mais je préfère vous laisser imaginer la lumière bleue, improbable, magique, interminable. C’est beau à pleurer, mais les vins nous rendent plutôt joyeux. Presque en bas de l’immeuble on voit le Lac Biwa. Sur la table un dîner merveilleux préparés par des hôtes surprenants, revisitant presque avec humour le développement durable.
Dimanche 1er juin 2014
Samedi 31 mai 2014
Vendredi 30 mai 2014
Je ne me souviens pas du jour de mes 20 ans – un jour banal à la fac, probablement. Je me souviens très bien de la fête pour mes 30 ans. Je n’oublierai jamais ces 40 ans, qu’il me faut, tristement, résumer en quelques lignes : la maison, le vélo électrique surprise, le dîner « cérémonie de thé » tandis que le jour décline, le champagne au Parc impérial dans la faible lumière. Il faudra vivre à un autre rythme pour voir le jour un peu plus longtemps dans ce pays.
Jeudi 29 mai 2014
Mercredi 28 mai 2014
4h45. Heure japonaise. J’abandonne la recherche du sommeil en espérant que la fatigue m’aidera à me rendormir. Parmi les disques qui pourraient me bercer, je choisis (avec un peu d’hésitation) le Requiem de Fauré. Derrière moi, un visage éclairé qu’il faudrait décrire, qu’il est malheureusement impossible de photographier, cheveux noirs, yeux noirs qui s’ouvrent et se ferment les rares moments où je me retourne.
6h10. Annie Hall. Ce n’est pas la peine de chercher à dormir : ils ont allumé les lumières pour le petit-déjeuner. J’oscille entre la version anglaise du film (mais je ne comprends pas tout) et la version française (mais c’est vraiment horrible ces voix).
8h01. Un SMS pour t’annoncer mon arrivée sur le sol japonais. J’ai pas vu la fin du film, on a un peu d’avance. Je n’imagine pas encore qu’il fait déjà si chaud.
8h46. Taxi collectif. J’avais répété pour savoir dire « j’ai réservé un taxi » au comptoir de l’agence mais c’était inutile, le petit homme en chemise blanche m’attendait avec son panneau. Je passerai peut-être à la télévision japonaise, interviewé, bafouillant mon anglais sans arriver à expliquer comment ni surtout quand j’ai rencontré mes amis japonais. Ému ? À la première petite sonnerie typiquement japonaise dans la navette qui menait au terminal, un grand sourire sur mon visage.
19h01. Un verre sur les bords de la Kamogawa pour fêter cette journée, cette nouvelle vie, les visages revus, les habitudes qui s’installent déjà, peut-être même la langue allemande à travers la paroi du studio, cette chemise d’un genre local et d’un tissu de saison achetée dans une enseigne internationale, les hérons sur la rivière et puis la maison. Fermée. Quoi que : pas complètement. Et déjà accueillante.
Mardi 27 mai 2014
Ça s’appellerait Mai, deuxième tome d’une série de jours et de semaines filant comme une étoile une nuit d’été. Mais ce n’est pas encore l’été et je n’ai pas levé les yeux au ciel. Ils sont plutôt vers l’horizon, celui que l’on va partager.
Il y aurait dans ce Mai un dîner très O.S., les photographies de M, une famille ou une autre, un texte délicat pour des Lucioles, des to do lists qui enflent, les images de ton nouvel espace, une petite musique de trop derrière Walter Benjamin, des jolies retrouvailles avec B.B., l’idée d’un lit temporaire et un avion qui s’envole.
Lundi 28 avril 2014
Quatre semaines. Le temps ? Pas. Pas le temps. Ailleurs oui, mais pas ici, pas pour ça, ce n’est pourtant pas l’envie qui manque. Le temps pour des choses moins lyriques, moins écrites : des cartons, du travail en plus du travail, des interrogations administratives, du japonais.
Ça pourrait alors devenir autre chose, ça s’appellerait Avril, il y aurait des projets qui s’approchent, des gens tristes, des gens heureux, un presse-purée, le hasard d’une date, des sœurs dans le Yunnan, Hanna Schygulla, Marguerite Duras et puis Pascale, Fred, nous et nos Oui. On me demanderait ce que ça change, on me demanderait « Et toi ? qu’est-ce que tu vas faire là-bas ? » Sur le sac en toile serait écrit : « Le futur commence ici« .
Le futur commence ici.
Mardi 1er avril 2014
Il a mis un R à la française dans son No Woman No Cry (no crrraille). Il y met une insistance rare, cherchant, c’est évident, à nous transmettre toute sa joie de chanter en échange d’une petite pièce. Mais je suis déjà très heureux sans lui, oui surtout sans lui, et le seul échange qui fonctionne c’est ce sourire de connivence avec la jeune femme assise en face de moi, lèvres et regard qui sourient par-dessus les lunettes. Et puis ce n’est pas le moment : douleur à l’arcade sourcilière suite à contact violent avec une porte de sortie du RER E. Et puis j’aimerais bien lire, surtout ce beau passage où Eric Faye parle des paysages sonores, du chant des cigales, du bruissement des roseaux à l’embouchure de la rivière Kitakami. Mais là, je n’ai pas vraiment le roseau qui bruisse. C’est ensuite qu’on rira un peu plus, les petits poissons en papier dans le dos.
Lundi 31 mars 2014
Dimanche 30 mars 2014
Samedi 29 mars 2014
Là, je me demande si c’est inédit, là, sur ce fauteuil, oui vous voyez, ce genre de siège de salle de spectacle, les montants métalliques, l’assise de plastique, couleur crème, parfois marron. Je me demande si c’est inédit, d’être ainsi à écouter ce type de musique. L’amitié a cela de beau qu’elle nous fait aller vers ce qu’on n’a jamais visité, rencontré, osé.






















































































































