Le chat étant malade il n’avale nulle bouchée
Mais l’on va au musée Adrien Dubouché.
Samedi 23 novembre 2013
Elle me fait immédiatement penser à la mère de Guillaume Gallienne. Elle a pourtant quelques années de plus ; la couleur des cheveux est aussi plus grise. En entrant dans la boutique, c’est un chien qui nous accueille, il nous renifle, elle nous demande si on…
– Non mais il y a un chat chez…
– Ah ben voilà, un chat…
Elle vend ses fleurs de manière précieuse dans cette boutique à la devanture d’un autre temps, un temps pas aussi lointain que soudain vous l’imaginez, le temps de sa jeunesse peut-être : arrondi métallisé autour de chaque vitrine et de la porte. Elle justifie le prix des roses, elle les attrape comme un objet de porcelaine, elle les caresse presque. Un peu comme sa mère, en manteau d’astrakan, caresse alors le chien. On s’étonne alors du papier d’aluminium pour emballer les fleurs.
(Ne pas oublier la femme qui hésite au marché, les assiettes, la vendeuse à St Yrieix qui rit en anglais, les madeleines, la jeune femme qui ne sait plus l’horaire du musée, le gâteau d’anniversaire, le petit garçon qui met un peu de vie au FRAC)
Vendredi 22 novembre 2013
Dans les rayonnages aux titres multicolores, je cherche quelque chose de nouveau, de différent, d’attirant. L’achat de revues n’est plus mon dada, et me voici face à des noms dont j’ignorais l’existence. C’est sur un fricote au ton moutarde que je pose ma main et mon dévolu pour ce voyage en train, mais également sur Web design parce qu’il faut se tenir à la page.
Jeudi 21 novembre 2013
Encore le Japon. Dans le travail de l’après-midi, dans la présence de S qui parle cuisine, dans le film Trésor vivant, dans le hasard de cette jeune femme qui, dans le bus, lit je ne sais quel livre, mais c’est écrit « TEPCO » au milieu des phrases. Pas dans le film Les Garçons et Guillaume, à table !…
Mercredi 20 novembre 2013
Mardi 19 novembre 2013
Sur le petit carnet gris entamé le 1er novembre, il y a des mots qui n’appartiennent pas au présent, qui ne parlent pas du présent mais de ce séjour dans lequel je creuse, dans lequel je puise quelques gouttes de souvenirs. Je cherche les émotions, les goûts, les odeurs, les sons, les sourires, les phrases, les paysages. Je repense alors aux paroles de Tanguy Viel sur la difficulté d’arrêter le flux des images pour écrire. Me voilà au milieu du pur paysage qu’il évoqua, notion qu’il me faudrait vérifier avant de l’écrire ici, je risque le hors-sujet, le contresens, le silence gêné quand on me demandera « mais c’est quoi exactement ?« .
Et puis sur le courrier que je déplie, au milieu des informations que je connais déjà sur moi, il y a un numéro. Le début d’autre chose encore, d’autre chose qui n’est pas quelque chose d’autre, une continuité.
Lundi 18 novembre 2013
Dimanche 17 novembre 2013
On vient à peine d’entrer dans l’expo sur le surréalisme, la troisième salle peut-être. « Y a des trucs qui ressemblent aux vitrines de François » me dis-tu. De nombreuses fois nous chuchoterons, pour dire notre surprise, notre plaisir, tant pis pour la dernière salle, étrangement lumineuse, curieusement à part. Chez Pierre Huygues aussi, devant Blanche-Neige par exemple, on chuchotera, mais chez Huygues il faudra revenir, on en avait déjà plein les yeux.
Le soir Ozu. Bordeaux s’en est allé. Le Fils unique. Le fils unique part à Tokyo. Qu’en fera-t-il de cette expérience ? Qu’y fera-t-il, là-bas où la banlieue est encore de champs ?


Samedi 16 novembre 2013
C’est l’envers du décor : il se maquille, change de perruque, une fois, deux fois, etc. Le reste n’existe pas ; du moins c’est ainsi que je le vois, le spectacle c’est le non-spectacle. C’est aussi ce que je vois à travers le petit écran de la caméra, pour une fois c’est moi qui filme, je cherche surtout les plans serrés sur le visage qui se transforme, je ne sais pas si c’est ce qu’il cherche mais c’est ce je trouve (le mieux à filmer).
Plus tard un autre travail d’artiste, celui de François, une découverte qui me parle plus, parce que pour la photographie j’ai les codes, le regard, l’habitude que je n’ai pas pour les performances, parce que cela m’évoque Levi-Strauss au PdT et donc les cours d’anthropologie. Grand écart imaginaire avant les flotte-au-vent, le risotto aux aspoulpes et la tarte aux pommes à laquelle on donnera peut-être aussi un nom. La tarte patience ?
Vendredi 15 novembre 2013
Jeudi 14 novembre 2013
Évidemment une demi-journée de respiration permet… une inscription, des achats (une chemise, des livres), un échange de lunettes attendu depuis des mois, des chiffres et des mots dans un carnet, un tour à Beaubourg et un arrêt au beau milieu pour écouter les conversations trop fortes de deux vieux trop sourds qui parlent de leur forfait téléphonique… COMBIEEEEN ? Muppet Show way of life...
Et puis c’est une respiration cinématographique qui éclaire la fin de journée : Les rencontres d’après-minuit, loin du réalisme dans lequel on vit, qu’on lit, qu’on voit au cinéma, que j’expose dans mes photos… Un imaginaire, un autrement, un (truc de) ouf.
Mercredi 13 novembre 2013
Grands formats, clinquants, brillants, encadrés, bien encadrés, trop bien encadrés ?, parfaits, parfois mats, parfaits, beaux, immenses, de tout, de l’illustre, de l’inconnu, du classique, des promesses, d’ici ou d’ailleurs, Paris Photo nous offre une longue promenade dans la photographie. Et puis à quelques reprises on s’arrête. Ce premier portrait qui fait presque face à l’entrée. Cette Japonaise. Ces photomatons. Où ai-je noté les noms ?
Mardi 12 novembre 2013
Nouveau trajet matinal via le tramway, histoire de changer, après tout pourquoi pas, après tout… Bondé durant deux stations, puis allégé. Je me plonge alors dans la lecture, et puis soudain, au bout d’une page, je réalise qu’au dehors, il y a autre chose qu’habituellement : de la lumière, de la vie. Il n’y a pas le sombre des tunnels, la lumière artificielle des stations, l’ambiance éternelle qu’il fasse beau ou mauvais temps, nuit ou jour. Dehors ça respire, et j’ai l’impression moi-même de respirer un peu mieux, de ne pas être encore en sommeil. De ne pas encore être en apnée ?
Lorsqu’on se retrouve, la journée a passé, il fait nuit, il y a des lumières et de la vie, beaucoup de vie, celle de ce quartier qu’on fréquente si peu. On y cherche un bar puisque l’on a du temps avant le film, un lieu qui fait envie. Enfin sur l’écran, c’est également inhabituel, c’est l’Afrique, un film africain. Touki Bouki, le meilleur film africain de tous les temps, a dit JLB. Coloré, fou, africain dans ce que j’imagine être l’Afrique à cause de tout ce que j’en ignore, Touki Bouki m’évoque la folie des JLGodard des années 60 tandis que Joséphine Baker continue sa rengaine… Pariiis Pariiiis Pariiiiis.
Lundi 11 novembre 2013
À travers la vitre, les touches jaunes et oranges ne changent rien à l’affaire d’un paysage triste et froid (donc potentiellement beau ou photogénique, j’hésite), ce froid qui m’a surpris plus tôt. Dans le wagon la chaleur vient d’en bas, ça vous brûle au niveau des chevilles et une pensée émue est adressée aux ingénieurs qui ont pondu ce système ainsi qu’à ceux qui ont curieusement fait des sièges plutôt bas (simple impression ?). À travers la vitre il y a donc une évocation et je me dis qu’il faut que je voie le Voyage d’hiver de Vincent Dieutre ; je pense à Schubert mais je n’en ai pas sous la main, non j’ai Barthes qui parle de sa mère, d’une photo de sa mère enfant, Barthes qui parle de photo ça me point, comme il dit lui même. C’est ensuite que j’écouterai Vivaldi en parlant, moi, de photo ; dehors il commencera à faire nuit et je me perdrai un peu dans la concordance des temps.
Dimanche 10 novembre 2013
Je crois que ne n’avais jamais vu ce genre de fleurs en plastique dans un cimetière. Ni même dans un magasin vendant n’importe quoi, pourvu que ce soit pas cher et fabriqué loin. J’en ai ramassé quelques pots, renversés par le vent et je ne sais pourtant presque plus à quoi ils ressemblaient. J’ai trouvé ça beaucoup plus triste que les céramiques cassées que je prends régulièrement en photo en me demandant si quelqu’un un jour les recollera, si l’employé communal est triste, s’il se demande ce qu’il doit faire.
Et puis j’ai compris que la petite fille ne faisait plus de balançoire.
Samedi 9 novembre 2013
Vendredi 8 novembre 2013
Elle s’appelle Charlotte D, elle dort à côté de moi. J’ouvre la tablette pour mieux écrire et découvre un Paris-Match plié en deux. La couverture ne m’intéresse pas mais j’ouvre par curiosité, j’y surprends de l’art contemporain et Brassens. Moi aussi j’ai dormi, évidemment bercé par le TGV et par la lecture de ce Nue qui m’a fait un peu rire dans la semaine mais qui me lassera ensuite. Je regrette définitivement les premiers Toussaint (les Toussaint d’ouverture, diraient les rois du jeu de mots).
Jeudi 7 novembre 2013
Tu t’assieds, je t’ai attendu pour commander, tu as donc ce blouson, tu me parles de l’autre que tu vas faire réparer et avant que tu finisses ta phrase j’ai ce sentiment — que malheureusement la science explique —, cette impression d’avoir rêvé ou vécu ce moment. J’ai failli te couper la parole pour finir ta phrase : il devait rester le verbe « recoudre » à prononcer.
C’est ensuite un autre goût de déjà vu, un goût qu’on connait mais un lieu qu’on ignorait. Chez Nanashi on a eu notre dose quotidienne de Japon. Mais on a tout de même pris un cheese cake au thé vert en dessert.
Mercredi 6 novembre 2013
Parce qu’ensuite ce sera moi, parce que tu voulais venir, parce que l’Islande nous fait encore rêver, parce que je manque le moins possible ces rendez-vous, parce que la galerie des Filles du Calvaire, parce que la curiosité est un défaut indispensable. Et puis devant cette photo qui en entasse d’autres, une certaine émotion.
Mardi 5 novembre 2013
Lundi 4 novembre 2013
Car là-bas, dans la rue, dans un bar, dans un magasin, dans un train, il advient toujours quelque chose. Ce quelque chose – qui est étymologiquement une aventure – est d’ordre infinitésimal : c’est une incongruité de vêtement, un anachronisme de culture, une liberté de comportement, un illogisme d’itinéraire, etc. Recenser ces événements serait une entreprise sisyphéenne, car ils ne brillent qu’au moment où on les lit, dans l’écriture vive de la rue, et l’Occidental ne pourrait spontanément les dire qu’en les chargeant du sens même de sa distance : il faudrait précisément en faire des haïku, langage qui nous est refusé.
Roland Barthes – L’Empire des signes.
Dimanche 3 novembre 2013
Oups !
Samedi 2 novembre 2013
L’accrochage est strict, trop parfait, en opposition avec les photographies – quoi que. Au Bal c’est encore une fois un vrai parti pris, l’affichage d’un genre – la street photography, encore. On aimerait peut-être, un peu, y respirer, mais devant la rigueur je m’incline… et surtout devant certaines photos de Mark Cohen. Évidemment, mes images préférées sont ces corps cadrés qui oublient les visages, cette bouche, ces mains… Des mains qui pourraient signer, n’est-ce-pas ?
Et puis on croqua des queues d’hippocampes. Allitération culinaire.
Vendredi 1er novembre 2013
Et puis finalement nous sommes sortis après ce férié studieux. Un Château en Italie nous attendait, sans avoir besoin du moindre vol low cost. Mais ce n’était pas vraiment un voyage, tout juste une chronique autobiographique où les arbres s’écroulent dans une symbolique appuyée.
Jeudi 31 octobre 2013
La masse bruissante d’une langue inconnue constitue une protection délicieuse, enveloppe l’étranger (pour peu que le pays ne lui soit pas hostile) d’une pellicule sonore qui arrête à ses oreilles toutes les aliénations de la langue maternelle : l’origine, régionale et sociale, de qui la parle, son degré de culture, d’intelligence, de goût, l’image à travers laquelle il se constitue comme personne et qu’il vous demande de reconnaître. Aussi, à l’étranger, quel repos ! J’y suis protégé contre la bêtise, la vulgarité, la vanité, la mondanité, la nationalité, la normalité. La langue inconnue, dont je saisis pourtant la respiration, l’aération émotive, en un mot la pure signifiance, forme autour de moi, au fur et à mesure que je me déplace, un léger vertige, m’entraîne dans son vide artificiel, qui ne s’accomplit que pour moi : je vis dans l’interstice, débarrassé de tout sens plein.
Roland Barthes. L’Empire des signes.
Mais au retour ce sont des chansons légères.
Mercredi 30 octobre 2013
J’aurais aimé que le travelling arrière s’arrêtât avant. J’aurais aimé rester sur cette image qui dévoile juste un détail du dispositif du film : ce robot qu’on retrouve dans la salle d’à côté. Mais en écrivant, plusieurs jours plus tard, ces quelques mots sur ce journal, c’est tout de même la beauté de ce Marylin qui reste : la voix, les descriptions (que je n’ai pas toutes comprises, fuck l’absence du moindre sous-titre), les répétitions, l’écriture, les superpositions, l’obsession.
(C’était l’expo Parreno, mais j’aurais pu à la place vous parler de mes photos, de mes nouvelles chaussures ou du dîner avec JF&N)
Mardi 29 octobre 2013
L’homme rit. Pas moi. Il m’ennuie. Pire : il m’agace. On part ?
(C’était Histoire de ma mort, d’Albert Serra, devant lequel il aurait sûrement fallu rester. Ou pas.)
Lundi 28 octobre 2013
« Savez-vous pourquoi rien n’avance ? » te demande l’étudiante. Elle ne boit rien, pourtant c’est un bar ; j’ai chuchoté au serveur un nom à bulles. Au Champo on file ensuite : Chris Marker est à l’affiche pour « Lettre de Sibérie« , soixante-deux minutes d’un documentaire qui – évidemment – n’en est pas tout à fait un.
Samedi 26 – dimanche 27 octobre 2013
Vendredi 25 octobre
Les petites, rieuses, sont sur le canapé ; je ne les y attendais pas. Arrivent ensuite une autre génération, qui ne reconnait pas tout, qui ne voit pas tout, mais qui, soudain, reprend en main le cours des choses. Les voici toutes trois devant la webcam, gardant un souvenir de ce canapé peut-être pas assez éclairé.
Jeudi 24 octobre
Mercredi 23 octobre
Il fait (encore) (presque) nuit quand je pars (travailler), (vague) impression d’une nuit inachevée. J’entame un (petit) carnet (gris), pourtant ce n’est pas le début d’un mois, d’un an, d’une période, ce n’est qu’un retour après une parenthèse de quinze jours. Mais la parenthèse va rester entrouverte.
Lundi 21, mardi 22 octobre
Me voici durant deux jours, à l’EHESS, au séminaire organisé par Le Bal : « La persistance des images« . Deux jours merveilleux, entre le sentiment de continuer la route entamée au printemps, après ce virage dont je disais en juillet que c’était le début de quelque chose. Le quelque chose continue de se dessiner, et les références citées durant deux jours (Barthes, Mauss, Foucault…) rejoignent les noms que l’on partage parfois toi et moi (Henrot, Des Pallières, Judd…).
Le thème s’avère être beaucoup plus vaste que ce que j’imaginais, et voici que Tanguy Viel croise un psychanalyste, qu’un critique d’art se met à philosopher, que les images en mouvement de l’Amérique d’hier se confrontent aux photographies enfouies du Sahara occidental. Douze interventions, autant de sujets dans le sujet et des dizaines de pages noircies en espérant ne rien oublier et en supposant pouvoir, ensuite, relire et retenir. Comprendre aussi, peut-être. Ces persistances des images ont une autre particularité, celle de m’ouvrir les yeux et l’esprit sur mes deux projets en cours, cette exposition qui viendra en janvier et ce livre qui peut-être, un jour, aboutira. Ces deux objets offrent aux mots et aux images la possibilité de se croiser et de persister, ils interrogent les souvenirs, le souhait de ne pas (trop) oublier, les visages enfouis, que sais-je encore… Bref. En relisant mes notes j’ai comme une envie de retranscrire ici, dans ce journal qui offre aux images un peu de persistance, quelques phrases, tronquées, incomplètes, mal notées, décontextualisées, comme celle-ci, prononcée au tout début des deux jours : « Ce que nous réclamons de l’art, c’est de fixer ce qui est flottant. » Mais voici que j’abandonne l’idée et qu’il m’en vient une autre, rédiger un long et précis compte-rendu, faire partager ces heures. Mais le temps file, saurez-vous patienter ?
Et le mardi, c’est charcuterie !
Du 10 au 20 octobre : Japon
Mercredi 9 octobre
Mardi 8 octobre
J’ai hâte et en même temps je n’y crois presque pas… Japon, nous revoilà !
Lundi 7 octobre
Et puis rentrer tard. De toute façon tu ne m’attends pas, tu es ailleurs. Mais pas autant que dans votre film.
Dimanche 6 octobre
C’est la sortie de la messe, la petite fille a les souliers vernis dans la fromagerie. Je chantonne encore Till there was you ; je me demande si ce n’était pas ma chanson préférée des Beatles quand j’avais 18 ans, je pense que non, qu’importe. Et puis on croise S et sa petite fille recroquevillée dans son sommeil, on a encore en bouche, non pas un air, mais le goût fin du comté 24 mois ; la petite n’en a que 2.
Samedi 5 octobre
Tes mots et ceux de M. Scènes, actions, sens, impression, passion, dépassion, dépassement. J’aime ce que je lis, ce que j’imagine, ce qu’on pourra entendre, voir. Mais je ne dois pas me laisser emporter, je dois rester concentré, guetter les fautes, les anicroches et autres coquilles circonflexes. Puis, d’une galerie à une autre, de la boutique de Nicolas qu’on ne verra plus (la boutique) au bar au bout du Perche, on Nuit blanchit à peine, juste pour un peu de poésie sans rime.

Vendredi 4 octobre
Alors, enfin, je me relis.
Jeudi 3 octobre
Certaines œuvres de Leopoldo Novoa sont sous verre. On tend la main pour pouvoir les toucher, savoir si c’est du papier, du béton, quoi… Mais on ne touche pas non plus les autres, celles accrochées sans protection, sans crainte. C’est un peu frustrant, l’art, non ?
Mercredi 2 octobre
Ça a 17 ans et c’est hilare dans le métro clairsemé — il faut dire qu’à cette heure… Suis resté tard, puisque tu n’es pas là. Mais quelques tâches m’attendent, une affiche pour la Septième de Beethoven par exemple. D’autres s’imposent, l’écriture d’un billet et les premières bases d’un article sur le Lincrusta. Le Lincruquoi ?
Il est donc tard, comme dopé par quelques médications faites pour contrer, lorsqu’à haute voix — une voix haute mais prise, voilée, presque dramatique dirais-je avec un sourire —, j’entreprends la lecture de quelques pages : un passage splendide, cet amour pour Gilberte, cet amour qui n’ose pas se dire, pas dire son nom et celui, différent, plus fort peut-être, amour admiration, amour fascination, pour le père.
Mardi 1er octobre 2013
12h22 : nous sommes légèrement en retard, parce M lui-même l’a été, et l’on ne voulait pas partir comme ça, trop vite fait. À la MaBA, Giulia nous parle du travail de l’artiste, mais finalement on pourrait transposer les mots à beaucoup d’autres œuvres, d’autres artistes : la place du spectateur, le travail du spectateur même (qui me rappelle la question du travail du consommateur abordée par M.A. Dujarier et d’autres, mais bref…), le spectateur qui, face à la pièce, au tableau, à l’installation, doit questionner, se questionner soi-même, trouver un sens, un lien, une appropriation. Dans la dernière salle, le cintre est devenu oiseau, décolleté, symbole d’un ordre machiste : la sémiologie aussi est un sport de combat.
Ce n’est peut-être pas anodin que mon rhume (appelons ça un rhume) m’ait poussé en fin de journée à la maison plutôt qu’à la projection du film sur Ralf König. Peut-être que mon corps refuse de garder contact avec cette ancienne vie. Mais sûrement que c’est un tort, parce que le travail du dessinateur a toujours été politique, parce qu’on m’a demandé d’écrire sur lui, parce que justement je n’ai pas encore décidé clairement de fermer le site qu’autrefois j’animais.
Lundi 30 septembre 2013
Il faudrait que je révise mon petit Art nouveau illustré, car quand V me demanda de parler, là, sur ce boulevard de la République tellement typique, je bafouillai. Toi tu étais parti au Moulin, et le soir même je me dis qu’il était peut-être temps d’illustrer à nouveau, de mes propres mots, ce style 1900.
Dimanche 29 septembre 2013
JLM l’heureux venu, au musée tous ces nus, pas beaucoup de velu, de beaux cous, des voeux lus, que veux-tu, qu’y voit-on ; déception ?
Dimanche 22 septembre 2013
Après que le poulet du dimanche a présenté une nouvelle tête féminine et que l’Art nouveau a déplié quelques pages, voici que la chevelure blonde de Dorothy Malone flotte dans les airs et caresse les espoirs de Rock Hudson et la joue de Robert Stack dans le Tarnished Angels de Douglas Sirk.
Samedi 28 septembre 2013
Avec « Swandown » on parcourut un bout d’Angleterre à pédalo, chez Gibert on retrouva Marcel Proust d’occasion, la galerie Loevenbruck exp(l)osait Alain Declercq et « Chronique d’un été » nous plongea en 1960. La jeune femme entra, noir et blanc impeccable, tu me demandas ce qu’on voyait. Les Halles, majestueuses.
Vendredi 27 septembre 2013
Pas autant fébrile que je l’imaginais, plutôt calme même, dirais-je, j’ouvre l’enveloppe, parcours les notes, ne sais pas vraiment sur quel nombre ou quelle ligne m’arrêter. En bas c’est… assez conséquent. Consécration ? Qu’on s’écarte, faut que je téléphone ! Quelles conséquences ? Le soir on se retrouve, tous, presque tous, lieu inédit. Quand c’est vous que je retrouve, toi et M, elle dit que je n’ai jamais été aussi souriant. Ah ?
Jeudi 26 septembre 2013
On n’est pas là pour comparer. Mais il y a toujours quelqu’un qui se détache. Au moins une personne. Deux ou trois peut-être. Ne serait-ce parce qu’on a les mêmes (tranche d’âge, milieu artistique, etc.). Avec P, sans rien dire on s’est un peu tourné autour je crois au début. Peut-être qu’elle me contredira. Est-ce que cela elle le lira ? Bref, ce jeudi on a dîné chez P, elle nous avait invités, elle avait soigneusement sélectionnés les autres convives, je n’avais pas trouvé de caviste en repartant du chien qui fume où J avait tenu absolument à prendre une petite assiette de fromages – après l’expo il lui fallait bien ça ? Finalement j’ai peu parlé au dîner, je crois : les bulles du début, l’envie d’écouter. Et puis on ne parle pas la bouche pleine, n’est-ce pas ?
Mardi 24 septembre 2013
Et puis il a suffi d’un compte linkedIn trouvé par le hasard relatif des réseaux sociaux et d’un mail dans lequel je demandais si ça allait mieux depuis le dernier (novembre). À la terrasse d’un café au métro Jussieu on s’est amusé de nos relations communes, de nos emplois communiquant et soudain du Japon. Dans ses yeux, le onsen de Kurama sous la neige. Dans les miens, l’imaginé : Onomitchi sous la lumière d’automne. Du Japon j’avais justement parlé peu avant, pour cette exposition qui verra le jour en 2014. Sur le grand mur j’imagine déjà quelque chose de nouveau, des mots – les miens. Mais les mots les meilleurs en ce 24 septembre furent ceux en provenance du Celsa. Noir sur blanc. Diplômé.
Mercredi 25 septembre 2013
(En dire plus, pourquoi pas, parler de la diction, parler de la voix, parler du montage, du film entier, tout entier, de la poésie, des mots que je manque parce que pfiuttt je pense à autre chose, de l’horreur ressentie en réalisant que pfiuttt j’ai pensé à autre chose, comparer avec le deuxième film, préférer les objets moins scénarisés, malgré le cimetière et Mireille Perrier, Mireille ailleurs peut-être, persévérer et donc écrire ça : « Édith Scob, évidemment »)
Lundi 23 septembre 2013
Sous les conseils du poulet du dimanche, Michael Kohlhass. Avec deux haches.
Samedi 21 septembre 2013
Il faut vraiment supporter ça ? Toi tu quittes la salle tandis qu’ils s’engueulent comme deux crétins buttés ; moi je reste malgré l’insupportable, déçu par ce qu’a fait la réalisatrice de ses images du 6 mai, exaspéré par un peu tout, mais donc surtout déçu par cette plongée dans les foules politisées, pro-Sarkozy ou entassées rue de Solferino. Il ne me restera de La Bataille de Solferino que cette image, cet entassement, cette foule qui, à l’annonce du résultat, devient une vague, une exaltation, une exultation.
Je te retrouve à la terrasse, en compagnie amicale : hasard. Ils me demandent si j’ai aimé et puis on passe à autre chose, ce moment du matin pour le prix des jardins fleuris par exemple, cette ambiance loin de ce café Beaubourg ou même d’une foule rue de Solferino. Et puis on passe ailleurs, notre cantine, ce Bûcheron. Mezzelune.
Vendredi 20 septembre 2013
… Par exemple, est-ce que tu t’es jamais demandé si papa c’était une usine ou un paysage ? Et maman, c’est un paysage ou une usine ?
Cinémathèque. Godard. Numéro Deux.
Parfois, tu m’emmènes au cinéma : tu me prends par la main et tu m’entraînes sur les chemins escarpés du septième art, là où il faut prendre le risque d’aller pour voir un autre horizon, une autre Histoire, celle que je n’ai pas vue dans les encyclopédies, là où tu sais sûrement que ma curiosité et ma faim seront satisfaites malgré le heurt, le tunnel, les limites incroyables de ces espaces qu’ils ont dynamités, les questions. Godard, pour moi – mais je n’étais pas dupe, je me rappelais Film, Socialisme – c’était surtout trois films avec Anna Karina. Vous voyez quoi… Godard c’était fou, drôle, à part, peut-être génial. Avec Numéro deux, Godard c’est devenu des questions, du je-ne-sais-pas, la quête d’un sens, des peut-être et puis tu me demandes si après/grâce à la sémio je peux tirer quelque chose de ça, oui sûrement, mais non, je n’y arrive pas, juste que c’est un film mais que c’est autre chose, un combat, une baffe, une volonté. « Encore film politique alors ?« , dit-elle.
(Et avant il y avait eu un entretien avec Claude-Jean Philippe sorti des tiroirs, un truc improbable là aussi, bref…)
Jeudi 19 septembre 2013
Dans les mains, masquant éventuellement la couverture d’une carte postale, parce que sur la couverture est écrit « Comment manipuler l’opinion en démocratie« , un livre écrit en 1928, Propaganda d’Edward Bernays, neveu de Freud et père fondateur des relations publiques (que l’on écrit dorénavant relations publics mais ça ne change pas grand chose) : une autre plongée dans la comm, pour continuer à aller de l’intuitif à autre chose, à supposer que j’aie jamais cru en mes intuitions. Mais sur le chemin du retour, je reprends Marcel. Swann a un peu abandonné Odette pour retrouver les mondanités, et me voilà entraîné dans quelques pages d’une majesté sans égal, entre beauté des phrases et fines railleries. Autour ils peuvent bien grouiller, papoter ou m’annoncer les stations, le rythme syllabique m’entraîne d’un monocle à l’autre. Je ne referme l’ouvrage que pour faire connaissance avec Marie L ; elle accompagne Cécile puis on s’accompagne tous au Crédac, une fois n’est pas coutume. Nul monocle ne nous attend, juste quelques mondanités sans railleries.
Mercredi 18 septembre 2013
Surnom Saucisse, elle parle de l’entretien du lendemain, suite logique de nos quatre mois en commun où l’on fit connaissance ; je commande une deuxième blanche, l’heure a défilé sans m’alerter, c’est quand tu m’appelleras que le temps signalera sa présence.
Mardi 17 septembre 2013
« C’est moi, c’est moi Lola » : devant moi, dans la petite fenêtre, Romain Duris imite Anouk Aymée. Tu me demandes ce que c’est, je réponds 17 fois Cécile Cassard, tu réponds « Tiens et si on regardait ça ce soir ? », je réponds oui. C’est justement comme une réponse à la page 284 annotée ce matin… une sorte de douceur surabondante et de densité mystérieuse.
Lundi 16 septembre 2013
À la radio, on parle de ce parti dont je n’ai même pas envie de parler. C’est pourtant l’heure du café, une heure où je navigue un peu entre sommeil, réflexions météorologiques, hésitations pour une éventuelle cravate, regards intempestifs sur les différentes sources donnant l’heure. Il me vient alors à l’esprit ce texte survolé au printemps, et lu avec attention récemment.
« En combinant ces mesures, on peut conclure qu’une minorité convaincue de sa domination future et, par suite, disposée à s’exprimer, verra son opinion devenir dominante, si elle est confrontée à une majorité doutant que ses vues prévalent encore dans le futur, et donc moins disposée à les défendre en public. L’opinion de cette minorité devient une opinion qu’on ne peut désormais contredire sans courir le risque de quelque sanction. Elle passe ainsi du statut de simple opinion d’une faction à celui d’opinion publique.«
Élisabeth Noëlle-Neumann – LA SPIRALE DU SILENCE (1989)
Dimanche 15 septembre
Jeune et Jolie, d’Ozon. Lady Oscar, de Demy. Sur écran plus ou moins grand, des femmes plus ou moins jeunes, des histoires avec un h plus ou moins majuscule, un plaisir plus ou moins fort… Fort quand Mme Rampling intervient ; ce n’est presque plus surprenant.
Samedi 14 septembre 2013
Est-ce que certains s’endorment chez le psy ? Moi j’ai terriblement somnolé, embarqué une fois de plus dans le confort d’un siège et de la nuit d’une salle de ciné. Difficile après cela de donner un avis digne de ce nom sur Jimmy P. (psychothérapie d’un indien des plaines), le dernier Desplechins. Mais cette sieste m’a mis en pleine forme pour l’exercice qui a suivi, exercice culinaire qui a fait défilé les surprises gustatives, le tourteau en gelée sous le gaspacho, la salade qui donne des ailes à la photo, le cèpe en beignet, la demi queue de homard, le dos de (quel poisson déjà ?), la cuisse de pigeon, le sorbet au yuzu, la crème brûlée revisitée (sic)… Ton anniversaire tout rond est devenu un moment qu’on n’oublierait jamais. Que n’oublierait peut-être pas non plus cette Japonaise qui s’écria en sortant des toilettes, les mains devant la bouche et les yeux effarés : « Ooooh mensu desu ? Oooooh i’m so sorry« .
Et le sanglier ? Il est où le sanglier, s’insurgea Obélix.




































































