Vendredi 18 août 2017

Être ici, dans ce quartier, me confronte au passé. Je revois les visages. Il y a aussi tout ce qui, ici, au 383, n’a pas changé. Cette poussière peut-être.

Et puis il y a se qui me connecte à l’avenir, comme cette soirée chilienne, ailleurs, la Butte aux Cailles, tablée joyeuse, bruyante, roulant les rr, les yeux qui brillent et la chemisette aux petits perroquets. On se donne rendez-vous là-bas, on s’étonne de me voir partir si longtemps au nord, on me dit qu’il ne faut pas manquer ce lac de sel au sud de la Bolivie, on me propose d’exposer, je m’envole, on m’embarque.

Jeudi 17 août 2017

Il y a ce moment à marcher. Le sable du Luxembourg. Ces paroles. J’écoute. Parfois, un peu, je ne dis rien. Tu m’as demandé, un peu plus tôt, Et la photo ? Ma réponse a été aussi évasive que ma pratique. Il n’y pas vraiment d’images. Voyez ci-dessous. Il y en a quelques autres, mais je les garde, elles sont à moi. L’intime photographique a rarement eu sa place ici. Les gens du Louvre ils sont là, bien sûr, lundi, ils sont là et ils marchent, ils passent, ils sont à tout le monde. Je me dis aussi que je les montre peut-être parce que, eux, je pourrais les oublier. Je me demande ce que j’ai raconté en montrant ces quatre photos, lundi. Et puis j’oublie de te dire que la confiture est bonne. Ici, encore, je dis tu.

Le langage est une question qui me taraude, je pense à ma façon de dire, ici, je pense à ce qu’on exprime par quelques mots, quelques images. Je pense au langage photographique, j’y pense, je sais qu’il faudrait que j’aie un minimum de propos construit et je lis à ce sujet, il y a Barthes par exemple qui est revenu dans la pile des livres, il y a aussi cette Leçon de photographie de Stephen Shore. Je pense à tout ce que je n’écris pas, depuis toutes ces années agglutinées dans la colonne de droite ou ces années disparues, cette part manquante que sont les images, les blancs, les points de suspension. Je pense à ce que je suis en train d’écrire, de livrer, je pense que je cherche à dé-taire, et que ce néologisme sonne comme “déterre”. Faut-il creuser pour gagner en profondeur ? J’y pense encore plus après ce que tu m’as donné, donné à regarder, pure émotion. Ton langage le plus beau, je crois, est fait d’images en mouvements et des mots des autres. Alors sur l’écran il y a mon visage. Et Duras. Je me suis toujours dit que c’était indépassable, Duras, c’est l’adjectif qui me vient souvent, indépassable, sans trop savoir expliquer pourquoi, à cause de la fulgurance au milieu du presque rien, sûrement. Aujourd’hui encore, là, dans cette douleur et cette impuissance qui se confrontent, elle frappe. Et ça se termine en hiver, sous les rires d’autrefois.
Et je n’ai pas les mots.

Mercredi 16 août 2017

C’est l’aube. Les portes de Pékin sont encore prises dans la brume, comme si la ville entière sortait du bain. Le secret des tombes était une forme de la politesse chinoise ; le brouillard en est peut-être une autre. Cette buée entre les gens qui les empêche de se toucher, de se dévisager, cette façon de se dissimuler la face pour la sauver, cette ville au fond de la mer, cette lumière poudreuse à mi-chemin entre l’eau et la soie, c’est encore la politesse, mais c’est déjà la peinture.

Chris Marker, Dimanche à Pékin.

Il lui dit Revenez bientôt. Elle soupire. Elle dit Je ne vous aime pas. Quatre fois. Je n’vous aime pas je n’vous aime pas. Je n’vous aime pas je n’vous aime pas. Le désir reste ouvert sur cette porte qui se referme. Il est plus d’heure du matin, et je reste là, devant ces quelques secondes. Je les filme. Je les rediffuse. Ils se mettent en boucle. Ils s’acharnent.

Mardi 15 août 2017

Il était de taille médiocre, effacé, mais il retenait l’attention par son silence fiévreux, son enjouement sombre, ses manières tour à tour arrogantes et obliques – torves, on l’a dit.

Pierre Michon, Les Onze

Elle s’arrête. Se retourne. Regarde mon pantalon. Sourit. J’y réponds. Elle avance, bafouille, gênée, m’interroge. Oui c’est symétrique, lui dis-je. On parle un peu, c’est bref mais léger. Je vois que ça ne vous a pas dérangé, me dit-elle. Alors le lecteur comprend qu’enfin j’ai osé.

Dimanche 13 août 2017

Elle et moi venons de renseigner une sexagénaire perdue face aux couleurs des lignes et à sa destination trop loin pour apparaître. Sa poitrine déborde de manière vertigineuse de son décolleté multicolore puisque malgré tout c’est l’été. “Vous prenez des trompe-l’œil en photos ? “, me demande-t-elle. Sa question tombe comme ça. Poum. Sans savoir d’où elle vient, sinon de sa propre fascination pour les décors à la craie dont recouvrent les esplanades des hommes en quête d’un peu de monnaie et de regards ébahis. Je réponds que non. Non. Elle ne comprend pas que le RER A soit coupé. Elle trouve qu’il y a encore beaucoup de Parisiens. Je lui parle donc de la clientèle de Décathlon, hier, des touristes étrangers, demandant Is this french ? et ravis d’acquérir à bas prix de l’équipement sportif de qualité et bouleversant totalement mon regard (effleuré) sur cette marque. Sentier ; elle descend.

Samedi 12 août 2017

Au détour d’un regard pourtant fixé sur le plan du métro, Th, qui va, filant. Je m’interpose et l’interpelle, ses yeux s’ouvrent en grand. Il me demande si, je lui précise que… Il questionne Japon ?, je le félicite Film !  
Et le laisse filer.

Vendredi 11 août 2017

Prenez soin de vous. Le livre de Sophie Calle, rose, brille sur les rayonnages de la librairie. Son titre fait écho, avec ce soupçon de vouvoiement étincelant et délicat pour une histoire d’amour qui se termine, aux derniers mots que tu as prononcés sur le trottoir quelques minutes plus tôt. Aux autres mots, quelques phrases précédentes, je n’avais pas eu de réponse. Comme muet, je ne formule rien, rien ou à peine le réel qui m’englobe dans sa douceur ou sa violence, tout dépend qui regarde la scène.
Dans cette librairie je regarde autour de moi, avec l’impression soudaine que tous les ouvrages racontent quelque chose de nos vies, qu’il y a là un petit bout d’histoire, puisque évidemment la nôtre passe par les images. Il y avait eu au réveil les tiennes sur l’écran. Les miennes parmi. Conjuguées. Ton regard sur ça. La maison. La distance. La beauté des contrepoints. Les contours ont bougé mais les murs sont debout, les baies laissent passer la lumière, une autre lumière et quelques fantômes poussés par le vent viennent souffler sur les voilages.

Une autre librairie, une quête, et les poèmes d’amours de Pablo Neruda, qui m’accompagneront.

Alors il traverse la rue, après que je l’ai attendu encore.

Mercredi 9 août 2017

I don’t smile. It causes wrinkles. 

La chanson est perdue dans la playlist ; on pourrait la ranger dans le rayon des ritournelles qu’on n’ose pas avouer écouter. Je n’avais jamais vraiment écouté que le refrain baigné par le tutoiement et l’amour. Mais soudain le reste des paroles s’impose, ses yeux se posent ici et ailleurs, elle part, et elle se sent vide pour courir vers l’autre, celui à qui elle chante tout cela.
Mais je retourne vers ces nouvelles musiques, reçues et donc découvertes, et me retrouve happé. Happé par LP. Helpé ?

Mardi 8 août 2017

Voici ici l’arbre, l’arbre
De la tourmente, l’arbre du peuple.
De la terre se dressent ses héros
Comme les feuilles sous la sève,

Et le vent fracasse les feuillages
D’une foule bruissante,
Jusqu’à ce que la graine
Du pain à nouveau aille à terre.

Pablo Neruda : El Canto general

Les contours prennent forme, les dates s’ancrent et la poésie s’immisce au milieu des conseils pratiques. On rêve alors de compter les étoiles dorées.

Lundi 7 août 2017

Le texte, qui est le journal de la quête photographique, ne se soumet pas aux images et les contredit à peine. Ce n’est qu’un morne jeu de réflexions qui confronte des photos à un texte banal, et pourtant l’alliage des deux fiascos est fascinant, haletant, que se passe-t-il donc ?

Hervé Guibert ; Suite vénitienne
in La Photographie inéluctablement.

Parc des Buttes-Chaumont, un banc. La journée décline. Je lis l’épais ouvrage de Guibert, toujours en quête de réponses, d’outils pour les projets, de citations, de nourriture. Quelques traits au crayon dans la marge, ici ou là. Le bonheur s’était peu de temps avant glissé au croisement des rues de Belleville et des Pyrénées, en apercevant la Tour Eiffel sous le ciel bleu, certes un peu grisé à l’horizon. Ici, paisiblement, la lecture est joliment froissée par des langues de tous les continents, des enfants au rire fou, la respiration des coureurs.
Le temps m’appartient. Je le laisse doucement filer mais je cherche à le dompter, à y emboîter les taches diverses à réaliser mais elles débordent de leur case et cette candidature n’est donc toujours pas envoyée. La distance qui me sépare des ailleurs inconnus semble aussi prendre un autre aspect avec l’organisation du voyage tout là-bas : je foule la terre de Lima, je regarde les montagnes qui bordent Santiago, je caresse les couleurs de Valparaiso, je plonge dans l’océan qui embrasse Arica, je m’épuise dans le désert d’Atacama…

Dimanche 6 août 2017

Je t’ai écrit. Tu me réponds. Le même objet de message : “Dimanche”. L’écriture est belle. Elle me surprend. Ce que tu racontes aussi et le mot menthol s’envole par la fenêtre.
Par ma fenêtre, le ciel bleu. Attirant ? Non. Je reste là. Coquille. Repos. Silence. Lit. Quelques images. Lentement, déplacer le regard.
Nuit. Lit. Lire. J’ouvre cet ouvrage de David Favrod acheté au Bal sans l’avoir feuilleté, parce qu’il se nomme Hikari. Je lis. Et je me demande si une force surnaturelle existe : le texte d’introduction parle de la mémoire, de la photographie en tant que medium théoriquement et potentiellement le plus à même de capturer les souvenirs, de ce photographe – David Favrod, donc – qui questionne son identité et ses origines car son grand-père était japonais, et de son travail de surimpressions, collages, etc. : “In this way a new visual structure is created, which transcends the limitations of photography and creates completely new pictorial spaces ans possibilities for narration. In this way, the artist not only succeeds in portraying what cannot be portrayed, something that is often iherent in memories and dreams, but also playfully questions the medium of photography in its function of recollecting.” Les souvenirs et les rêves, réunis dans cet impossible de la représentation… Que faire de ça ?

Samedi 5 août 2017

“J’ai pas trouvé ça palpitant. Y a beaucoup d’photos d’misère.”

Vendredi 4 août 2017

Je déteste les gens comme nous.

Choisir. Prendre cette tasse que tu m’avais offerte, plus solide et parfaite pour le café du matin et cette autre, jaune soleil. Dans un élan vaguement optimiste imaginer un entretien et choisir quelques cravates, ce pantalon, la veste. Ne pas s’alourdir mais emporter les trois jizos : wishing, hoping, smiling. Prendre la poupée, légère, présence qui me suivra. Réfléchir aux projets et glisser des livres dans la sacoche. Oublier de jeter un œil à l’intérieur du petit meuble rouge. Se demander pourquoi l’infinitif, parfois, s’impose ici, mais aujourd’hui savoir pourquoi. Pour imposer une distance. Je me regarde : je me revois refaire les gestes, hésiter sur ce que je garde de toi, prendre de l’utile et du symbolique, et j’écris, oh pas grande chose, juste ça.
Alors je prends la poupée pose à ma droite ; sa tête bringuebale, comme alourdie par le sommeil. Touché par son visage fragile composé de quelques traits et points, je n’avais jamais prêté une attention particulière aux deux pèlerins dessinés sur son corps. Je viens justement d’écrire qu’elle me suivra. Mais je ne souris pas devant cette coïncidence, troublé qu’ainsi elle s’invite.

Jeudi 3 août 2017

Et puisque qu’après tout ce périple me voici place Pigalle, me voici vite au Bal. Expo Magnum, sobre comme il faut, images sélectionnées sans éclats, dans la recherche évidente de la limpidité et du respect du métier ; presque s’y prosternait-on. Je lis les citations parsemées, j’y vois parfois des réponses, puisque cette pratique est une interrogation perpétuelle. Ici une image forte devant laquelle je reste pour un visage. Là les enfants de Santiago en 1955. Je note dans un carnet quelques mots, ceux d’un photographié récalcitrant car il font écho à cette scène vécue un peu plus tôt, à Pierrefitte. Vous me demanderez alors ce que je faisais à Pierrefitte. Mais je vous parlerai de Garges, de son centre commercial et du bien nommé café l’Arc-en-ciel où, ben non vous comprenez, on ne sert plus à manger depuis longtemps.

Mercredi 2 août 2017

Tu ne finis pas. Je commande un café puis t’accompagne et poursuis, ligne 3 puis 5, là-bas à Pantin comme ailleurs on me dit que non, pas de photo, alors à travers les grilles je capture la triste bâtisse d’une marque s’y voulant plus discrète dans la cours d’un hôtel particulier du Marais où tu m’avais dit “Tu as vu ?

Mardi 1er août

Suite au hasard géographique et amical de la veille, me voici accompagnant un Polonais (28 points au scrabble pour le prénom et autant de difficultés dans la prononciation, que j’évite) au musée de la Chasse et de la Nature. “Tu n’y étais jamais allé ?” me demanderas-tu le le lendemain interloqué. Non. En Pologne non plus mais c’est moins surprenant.

Et puis la musique, encore, encore, pour remplir les silences des soirées lorsque les mouettes se taisent enfin. Hier déjà, quelques chansonnettes bien sûr. Aujourd’hui Lana. Merci.

Lundi 31 juillet 2017

The end. Tout se termine. Le mois de juillet. La vie des étoiles. Alors la radio encore, les amours de Jeanne Moreau et ensuite celles des philosophes dans une émission que je ne retrouve pas ; tout disparait.
Alors sur ce journal il pourrait y avoir un extrait de film, elle perdue, errant dans les lumières de Paris, ce n’est pas rien, c’est l’une de mes premières émotions de cinéma ; je dirais volontiers la première, mais Brando fait jeu égal, mais Brando c’est une autre émotion que Jeanne se déhanchant comme un chat au milieu des voitures. Et prononçant le prénom dans un soupir.
Il pourra plutôt y avoir une image sans légende. Parce qu’on regarde les nuages. Encore.

Dimanche 30 juillet 2017

Le hasard, après quelques jours passés chez C, d’une émission sur la traduction et ses mystères, sa beauté, son effacement. Et soudain Claude François ; parce que My Way ce n’est pas Comme d’habitude. Rien n’est plus comme d’habitude. Alors plus tard, 3ème partie de l’émission, la voix de Frank Sinatra envahit la petite cuisine. Les premiers mots m’emmènent ailleurs, par-dessus les toits du 20e arrondissement, pensant au way : le chemin et la manière.

Samedi 29 juillet 2017

Bourg-la-Reine. La maison d’O. L’espace. La petite rue calme. La lumière. Ses peintures. Parler encore, du vide peut-être, de l’instant.

 

Vendredi 28 juillet 2017

On s’était promis de travailler encore après le dîner : les journées sont studieuses. Celle-ci s’était cependant terminée en une session de bricolage inattendue ; le portail ne coince plus, la douche ne s’effondre plus. Mais au moment du dessert, malgré un cake décevant, la conversation s’envole et se creuse. Oxymore ?

Jeudi 27 juillet 2017

Sur l’écran, les dates du séminaire du BAL. Elles imposent une présence, la mienne, à un moment donné, les 23 et 24 octobre et en un lieu, à Paris. Le thème : « L’image, sans l’homme. » Je lis le titre, j’y vois le sens qu’ils ne voulaient sûrement pas donner.
Alors, puisque un peu plus tôt j’ai longuement parlé du projet à C lors de notre marche dans les petites rues écrues de Thomery et sous le manteau vert de la forêt de Fontainebleau, puisque ainsi que je me suis convaincu  – ne l’étais-donc je donc pas déjà ? – du besoin d’y aller et qu’elle m’a convaincu encore plus, me voici cherchant quelques dates, celle du départ là-bas et du retour sans destination. Et me voici m’envolant, car le désert me tend les bras, le Pacifique m’appelle, et mon hispanité m’embarque comme l’exil, autrefois, pour d’autres. Tu seras alors aux antipodes, où les regards sont en amande mais tout aussi noirs. Cela ressemble à une coïncidence géographique mais c’est bien plus, c’est au-delà et cela pourrait devenir un autre livre. Antípodas.

“Écrire, c’est aussi ne pas parler. C’est se taire. C’est hurler sans bruit.”
Marguerite Duras, Écrire

Mercredi 26 juillet 2017

Métro. Son appel m’étonne. Je décroche. Il me dit “Oui c’est XG”. Il me dit donc son nom. Le vrai. L’autre. Pas celui sur Facebook. Je n’ose alors pas réagir en entendant ce nom de famille, rare et donc retenu depuis les années ; nos derniers échanges à propos de RK datent de 2009. Il souhaite me parler de ces images japonaises regardées hier et que j’ai “aimées” aujourd’hui mais puisque dans le métro, j’écourte la conversation.
Nous la reprenons plus tard dans un moyen de transport pas encore parti en destination de Thomery, étonnés de cette coïncidence. Mais puisque l’on démarre à nouveau, j’écourte la conversation. Qu’il faudra reprendre.

Mardi 25 juillet 2017

Il y a des chansons. Des chansons qu’on écoute un jour plus attentivement. Autrement. Elles disent soudain quelque chose par-dessus les nappes. Je vis avec certaines d’entre elles, elles ont pointé un virage, une perte, ainsi ne puis-je plus les écouter comme avant ce jour de novembre, ce jour de mai.
Nous sommes en juillet et certains vont à la plage regarder l’océan. De quelle couleur est leur horizon ?

Mardi 4 juillet 2017

Y retourner. Regarder la façade, toujours jaune. Se rappeler. Puis voir l’océan. Mais on n’y goûtera pas, pas de cette eau.

Lundi 3 juillet 2017

Que peut on raconter d’intéressant ou d’utile ? Ce qui nous est arrivé ou bien est arrivé à tout le monde, ou bien à nous seuls ; dans le premier cas ce n’est pas neuf et dans le second cela demeure incompréhensible. Si j’écris ce que je ressens, c’est parce qu’ainsi je diminue la fièvre de ressentir. Ce que je confesse n’a pas d’intérêt. Je fais des paysages de ce que j’éprouve.

Fernando Pessoa ; Le Livre de l’intranquillité

Je regardais accroupi les tranches, les titres, en bas à gauche, par là. Il y avait celui là, un peu plus gros. et il y avait ce nom qui évoquait les derniers jours au Japon, ce nom portugais. Il y a eu cette expression “journal intime” sur la quatrième de couverture et comme une conséquence le regret de tous ces espaces vides sur ce journal-ci, vides des mots de Pierre Michon par exemple, puisque les mots sont toujours là autour de moi, lus. Lus mais tus. Je rouvre alors ici la bouche et redéploie les jours après cette journée à marcher, marcher encore dans Paris, Paris multiple, riche, pauvre et snob, discrète et aguicheuse entre les arrière-cours où ça gazouille à peine et la place Vendôme où ça zoome à tout va. Sur la couverture du livre, Pessoa, donc ; il marche. Mais il semble que c’est l’hiver.