Soudain un vide de plus : le canapé est parti, grimpé sur une petite voiture bleue conduite par un jeune homme avec une serviette sur la tête. Alors c’est la journée que l’on remplit après avoir retrouvé CetE, par un axolotl dans l’aquarium d’un boui-boui, par la visite du Oba-in et du Kohrin-in, par un arrêt improvisé chez D, par le marchand de shoyu et cette balade dont on ne se lasse pas…
Au retour, de la fumée, c’est l’activité qui reprend dans le champ d’en face, jauni parce que saupoudré récemment d’on ne sait quoi ; demain ils laboureront pour faire pousser du maïs me dit le jeune homme dont l’activité locale depuis l’an dernier était surtout de venir jeter un œil au champ puis de tapoter sur son téléphone assis dans son immuable camion gris. Je lui précise alors que nous allons bientôt partir, et à mon japonais claudiquant il répond par un mouvement de main rapide et un sayonara dans un sourire radieux.
Mardi 4 avril 2017
Lundi 3 avril 2017
Soudain, c’est l’effroi et la tristesse. Elles ne sont plus là. Les photographies, épinglées sur le panneau d’information du sanctuaire, ont été retirées ; il ne reste plus rien, rien qu’un fond verdâtre. Il me reste une ou deux images, prises au téléphone portable, et le souvenir de ces tirages aux couleurs irréelles ayant subi l’humidité, le gel, l’été, l’hiver, la lumière passant par dessus les cyprès, le vent s’infiltrant derrière les vitres coulissantes en plexiglas et le regard étonné des passants.
Dimanche 2 avril 2017
Les derniers jours, Lutz Bassmann les passa comme nous tous, entre la vie et la mort. Une odeur de pourri stagnait dans la cellule, qui ne venait pas de son occupant, encore que celui-ci fût à l’article de et se négligeât, mais du dehors.
Antoine Volodine ; Le post-exotisme en dix leçons, leçon onze
Je lis ces premières lignes et les suivantes, cela me plait, d’autant que sa présence a récemment éclairé par deux fois son travail, un éclairage peut-être dû à la couleur des yeux, à l’humour pétillant, à l’homme brillant (vous notez le champ lexical, hein ?). Je referme l’ouvrage, le retourne, ignore ce qui est écrit sur la quatrième et décolle délicatement la petite étiquette de 2020 yens, qui arrache malgré tout la peau du livre, dorénavant négligé du dehors
Samedi 1er avril 2017
最後の月. Et ce n’est pas une blague.
Vendredi 31 mars 2017
Sur la « Liste des choses à faire et à voir avant de partir », nous voici rayant la Villa Katsura, visitée donc un dernier matin de mars, peut-être en quelque sorte un dernier jour d’hiver, puisque ciel bas qu’on pourrait dire maussade et qui finira tellement menaçant qu’il pleuvra un peu plus tard. La Villa Katsura, j’en dirais beaucoup plus si je n’avais pas observé les visiteurs et ce guide, imper bleu pétrole et chapeau, parapluie au coin du bras, humour au coin de la bouche. La Villa Katsura, j’en dirais beaucoup plus s’il était dans mes habitudes de m’arrêter sur ce genre de description d’une autre époque, alors que finalement, cette cafétéria où nous nous sommes arrêtés après pour un café serait plus à même de satisfaire mon goût de la description, avec en premier plan la serveuse nous désignant le coin des soupes puisque, je vous l’ai dit, c’était une cafétéria, fermée uniquement de 5h à 7h, tant pis pour les lève-tôt.
Mardi 28, mercredi 29, jeudi 30 mars 2017
Lundi 27 mars 2017
Aller chez Yodobashi pour annuler nos contrats de téléphone… mais il faudra le faire le dernier jour. (???)
Aller à la gare pour acheter des billets de train… mais il faudra le faire le jour-même. (???)
Aller n’importe où et entendre “kashikomarimashita”, “kashikomarimashita”, “kashikomarimashita”, “kashikomarimashita”, “kashikomarimashita”, “kashikomarimashita”, “kashikomarimashita”, “kashikomarimashita”. (!!!)
Dimanche 26 mars 2017
Samedi 25 mars 2017
Soudain dans le champ d’en face, le ballet étrange d’une lumière dans la nuit. Il semblerait qu’on désherbe aussi de nuit, ici.
Dans le vase, l’iris qui rabougrit.
Vendredi 24 mars 2017
Il est monté quelques stations plus tôt, et puisque il descend, le chauffeur du bus nous demande d’attendre à nouveau, puis se lève, détache le fauteuil roulant, installe ce qu’il faut entre le bus et le trottoir… et voici, accourant à nouveau, le chauffeur du bus qui nous suit, pour aider. Je regarde la scène en pensant à la France, à la visibilité des handicapés, lorsque passe, sur le trottoir, un aveugle, jolie coïncidence enfonçant le clou de mes pensées.
Et voici qu’à la salle de sport, dans l’indifférence générale, et presque sans émotions de ma part, je me retournai, regardai cet endroit et soufflai entre mes lèvres un sayonara fataliste (que les lecteurs réguliers auront déjà lu le dimanche 19, mais c’était une erreur).
Jeudi 23 mars 2017
Je ferme les yeux. On me demande à quoi je pense, alors que j’essaye juste de me concentrer sur le goût du fromage que K vient de rapporter de France. Je crois que c’est là que l’on commence à rire, à imaginer de l’encens au parmesan et des séances de méditation fromagère.
Peut-être qu’avant on avait évoqué Arashiyama, où les photos dans la forêt de bambous sont décidément destinées à être floues et où nous étions allés pour rayer, sur la “Liste des choses à faire et à voir avant de partir”, le nom de cette villa d’un acteur célèbre de l’entre deux guerres, villa dont on ne verra rien puisque c’est le jardin que l’on visite.
Mercredi 22 mars 2017
Dans la tête, la musique de cette série regardée depuis quelques jours et au sujet de laquelle je pensais émettre, lundi, une critique sur ce personnage pour lequel (j’en frémis d’écrire cela) visage qui fait peur = terroriste = arabe. La musique dans la tête et autour, ô surprise du calendrier, les dorures, boiseries et vermillons habituellement derrière les grands murs du parc impérial.
Mardi 21 mars 2017
Chercher dans les archives, récentes certes, deux ans à peine. Relire, compléter, préciser, trouver ça pas mal… alors oser le renvoyer.
Lundi 20 mars 2017
Dimanche 19 mars 2017
La rivière est animée, alors forcément je repense aux premiers jours, juillet 2017, la chaleur en moins : une joueuse de flûte, des sportifs bien sûr, la joie chez eux, un peu moins chez moi, le cœur déjà pincé puisque, si je repense aux premiers jours à présent ce sont les derniers et que la table ronde est emballée depuis le matin, prête à glisser sur les océans comme un radeau de vernis orange. À propos de vernis, c’est plutôt rouge aux pieds de J.
Samedi 18 mars 2017
Vendredi 17 mars 2017
Jeudi 16 mars 2017
Mercredi 15 mars 2017
Vent. Voici un vélo à terre, des poubelles renversées, une écharpe bleue dans un buisson vert, les cheveux d’une femme blonde qui flottent, les sudare qui gigotent, les kakemonos roses d’Omiya qui battent, les petties drapeaux sur Kitaooji qui ondulent, cet homme qui penche la tête, un foulard turquoise sur le trottoir gris et cette petite goutte de pluie venue se glisser du côté intérieur du verre droit de mes lunettes.
Mardi 14 mars 2017
Je suis un peu en retard, quelques minutes. Pas le temps de m’installer, je le vois qui va chercher quelque chose, et s’approche avec un sac en papier. À l’intérieur, non pas un cadeau, mais des cadeaux, encore, tampon avec mon prénom en kanjis (有能), de la pâte et tout le matériel pour apposer mon sceau. Il pourrait accompagner le slogan “Plaisir d’offrir” tant éclatent son sourire et son excitation à me montrer comment utiliser tout cela correctement. Joie de recevoir, donc, immense.
Lundi 13 mars 2017
C’est alors que l’oiseau se pose sur le bord du pot, et vient picorer une fleur si sucrée de camélia. Journée fleurie, journée fleuriste, puisque passe le papa (accompagné) du petit garçon aux fausses boules de glace et puisque je signale au jardinier (qui a passé 10 minutes juste à côté, sans s’en inquiéter) que le kumquat est mort. Le voilà coupé (l’arbre) et plus tard il pleuvra, raccourcissant le rafraîchissement au bord de la rivière.
Dimanche 12 mars 2017
Samedi 11 mars 2017
Vendredi 10 mars 2017
Jeudi 9 mars 2017
Et me voilà, alors, interrogé par la police. (Qui, sauf erreur, veut juste savoir si j’habite ici et qui me fait donc remplir un petite formulaire rose pour pouvoir me joindre s’il y a un tremblement de terre)
Mercredi 8 mars 2017
Gling gling, fais-je avec ma sonnette, insistant. Un gling-gling qui pourrait évoquer le trilililili du passage à niveau que, quelques minutes plus tôt, une petite grande-mère pliée en deux avait bravé en traversant malgré tout, le plié en deux lui permettant sans difficulté de passer alors sous la barrière baissée et ne l’empêchant pas de relever la tête de me sourire en me remerciant même si je n’avais pas fait grand chose à part esquisse le geste de l’aider. Gling gling, donc, Ils tournent la tête et les voilà surpris de me voir. Nous allons au même endroit, parce que FXR y a rendez-vous et que notre curiosité l’accompagne. Alors on respire le papier et le bois, la colle et l’autrefois.
Le film du soir : où des enfants se demandent si, vu d’en haut, un feu d’artifice est rond ou plat.
Mardi 7 mars 2017
Soudain la neige, envisagée par la météo sans qu’on y ait cru. La neige, version tempête qui s’abat brusquement. Alors je patiente un peu, regarde l’heure qui avance, m’impatiente enfin et prends ce parapluie que j’oublierai donc là-bas.
Là-bas, c’est une exposition de poupées, sujet qui m’inspire plutôt de l’indifférence voire des soupirs, et pourtant nous voici, enfantins peut-être, respectueux de l’invitation sûrement, curieux simplement, devant cet art bien local, ces mimiques inspirées et ces kimonos miniatures. Curieux surtout quand on nous explique que la toute première, réalisée dans les années 20, est une prostituée dans une scène d’apostasie, le pied avançant timidement vers ce que l’on suppose être une figure.
Lundi 6 mars 2017
– Et donc heu, si vous nous achetez ça, ça, ça, ça et ça, ça fait ?
– 5200 yens.
– Et si vous emportez tout ?
– 13000 yens. À nous payer.
Dimanche 5 mars 2017
Alors le petit garçon, qui la veille avait fait de la glace au chocolat sur sa mezzanine sans que ses parents ne s’en inquiètent au début, frappe à la porte pour un échange de jouet. La situation peut vous paraître incongrue, puisque nous sommes adultes. Certes.
Le film du soir : Love Letter. Bof.
Samedi 4 mars 2017
Le tour est habituel, mais la compagnie ne l’est pas et le temps, printanier, non plus. Lors du déjeuner qui suit, R nous parle d’un lieu, magique, dit-elle. L’endroit a déjà évoqué par C, un jour de pluie durant une balade où j’étais peu attentif, et nous voilà y filant. Nous découvrons alors quelques rues agréables et donc, au milieu des bois de Yoshida, un havre de paix avec vue sur la ville baignée de lumière. Alors, dans un fauteuil aussi moelleux que le cheese-cake que je déguste par petites bouchées, Philippe Bonnin me parle des ombres perçues à travers les sudare.