C’est dans l’un de ces pseudo cafés français, répondant au nom de “Délifrance”, qu’on les retrouve par hasard, après quelques sms n’ayant pas précisément défini le lieu de rendez-vous près de la gare. Ils reviennent de quelques coins du Japon, ici où là, et puis ils repartiront. Mais reviendront. Eux aussi. Parce que… parce que.
Mardi 11 octobre 2016
Kurama. Après la montée vers le (si beau) temple – et sa crypte, que j’ai failli manquer – et après le petit resto : le bain.
Au bain, il est souvent question de la pudeur, celle des gens pas habitués, ou de l’absence de pudeur qui surprendrait par exemple l’adolescent français que j’ai été… Voici qu’aujourd’hui, un homme non japonais portait un maillot de bain, faisant fi des habitudes et des instructions notées ici ou là. Et puis… un moment plus tard, est arrivé un garçon qui, il y a quelque temps, n’était pas un garçon. L’absence de pénis, les cicatrices sur la poitrine, le garçon les montrait, ou plutôt ne les cachait pas. Pas de serviette, pas de main ici ou là… Il portait sans doute ce corps après un long chemin vers la liberté d’être soi, là où la pudeur (pour lui en tout cas) n’existe peut-être plus, là où existe la question de s’aimer soi-même et d’être soi-même, de ne pas se cacher…
Bref, je ne vais pas aborder cela de manière plus approfondie… mais l’homme en maillot, déjà un peu anodin – en plus de ne pas respecter les règles – était alors à mes yeux complètement hors du monde, en cachant ses attributs qui ne le rendaient pas plus masculin que l’autre garçon. Le parallèle était, pour ne pas dire fascinant, en tout cas très intéressant. Et tandis que nous nous rhabillions, l’homme au maillot enfilait ses chaussures dans le vestiaire… Peut-être, finalement, se croyait-il ailleurs.
Lundi 10 octobre 2016
Dimanche 9 octobre 2016
Poum. Deux oiseaux tombent face à moi, ils viennent de heurter la baie. Deux, batifolant sûrement. Je me précipite. L’un des deux meurt après quelques derniers mouvements de patte. Le deuxième gigote un peu plus, et si toute mon attention ne sert à rien après un tel choc, le voici qui reprend ses esprits, et s’envolera, finalement, seul.
Là-bas, à l’école du quartier, c’est la vie ; demain c’est la journée du sport, et aujourd’hui les familles se réunissent pour courir, jouer… Je regarde ce “spectacle”, cette vie de quartier, cette simplicité, cette joie de vivre, ce monde loin du mien et m’amuse surtout de ces courses à deux, parents et enfants (de maternelle ?)… Un peu plus loin, au café, il y a ce garçon de peut-être 18 ans que la mère materne et que le père ignore. Il est onze heures, ils ont commandé des soba, et le silence est rompu par des slurp. (Parler une prochaine fois du si joli temple à côté de l’école, dont la quiétude était rompue par autre chose que des slurp)
Samedi 8 octobre 2016
Ils repartent, déjà, et puis la journée passe, en attendant la pluie, qui ne viendra que le soir, après la promenade. La vie au Japon, c’est parfois lutter contre l’humidité, râler contre la moisissure qui s’est glissée ici ou là, s’agacer de l’odeur tenace. La vie ici, c’est aller faire un tour, s’arrêter là, sur ce chemin qui sépare le sanctuaire du parking. De chaque côté du chemin, la même chose à manger, des mochis grillés. Et le même ballet des femmes qui y travaillent, interpellant les passants – dont un grand nombre s’arrête – par les phrases de politesse et une manière que l’on trouve parfois un peu insistante : sous des airs souriants, la concurrence est rude et le regard malin.
Vendredi 7 octobre 2016
Après avoir visité cette jolie maison, nouvelle maison, tatamis noirs et bois clairs, petits détails et grandes idées, on évoque les constructions, poussant comme des champignons, comme celle qu’il y a en face du petit restaurant qui a été sa cantine cette semaine et où le propriétaire l’a donc saluée comme il se doit en entrant. Lobby, poids des promoteurs immobiliers, faible coût, constructions modulaires, facilité d’entretien… n’explique pas totalement le fait que le laid (notion subjective, certes…) de la standardisation plastique l’emporte. Faudrait-il aller chercher du côté de l’indifférence ?
Jeudi 6 octobre 2016
Voici que je retrouve, en ce jeudi, l’usage du 50mm récupéré mardi. Il faut aller réserver un restaurant, et mon aisance linguistique, fragile, me pousse à me rendre sur place. Fermé : le petit panneau l’indique, la porte qui ne glisse pas le signale également, il est pourtant 13h30, tant pis. Je remonte, sur mon vélo et vers le nord, zeugme. Au hasard des rues, apercevant une figure étrange au bonnet rouge, c’est la curiosité qui me me fait entrer dans ce temple, devant lequel je suis passé si souvent, mais le parking qui le sépare de la rue a sans doute eu l’effet d’un repoussoir, à croire que parfois, les bizarreries ne m’intriguent pas. Le lieu est étrange, on pourrait décrire le soleil qui frappe les statues et les feuilles de lotus là-bas derrière… mais l’on s’arrêtera sur ces formes humaines, émouvantes, restes de peintures, qui ornent deux murs. Et puis, un peu plus au nord, un autre temple, propre, presque parfait, dont le calme fait oublier le bruit provenant de l’avenue ; il y a bien sûr des fleurs fanées dans le cimetière. Les deux lieux sont réunis, dans mes souvenirs encore frais de fin de journée, dans une quiétude surprenante ; et c’est peut-être d’être encore surpris qui me surprend.
Mercredi 5 octobre 2016
Et, au milieu d’une journée de travail (à faire et refaire ce que les hackers défont), un petit bijou (mais c’est mercredi, maman n’est pas joignable). http://arteradio.com/son/616550/c_est_maman
Mardi 4 octobre 2016
Osaka. Un emploi du temps enfin allégé me permet de revenir dans la cité bouillonnante pour récupérer mon objectif 50mm, joliment réparé. C’est cependant au 35mm que je regarde la ville, du moins une petite portion entre les deux gares d’Osaka et de Shin-Osaka. Entre les deux, le Yodo, fleuve imposant ici son embouchure et sa respiration au milieu de la densité. Entre les deux, une certaine banalité urbaine faite de kombinis et de camions de livraison ; il faudra errer ailleurs pour aimer cette ville. Alors aux alentours de la gare nouvelle, alentours survolés par les ronronnements des avions, je guette les salary-men en chemise blanche, les allures pressées et les contre-jours… histoire d’en aimer les images.
Lundi 3 octobre 2016
Dimanche 2 octobre 2016
Samedi 1er octobre 2016
Vendredi 30 septembre 2016
La présence d’amis permet toujours d’aller ailleurs, là où l’on ne va jamais, ou si peu. Après un passage à la VK, le petit sanctuaire là-haut est une destination inévitable : plongé au milieu de la forêt, il offre, peut-être plus que d’autres lieux, le sentiment profond de la frontière entre la ville, qu’on touchait juste avant, et la forêt… Alors, tiens, l’idée me prend de prendre ce chemin, pas emprunté depuis 5 ans, chemin qui s’avère chaotique et donc pas très adapté à ma tenue plutôt citadine ; peut-être est-ce pour cela que le randonneur me sourit tandis que je m’assure auprès de lui de la direction vers Nanzenji. La suite, c’est autant de lieux, autant de surprises (« oh mais on s’est vus là-bas », etc.), de petits moments à raconter, liste interminable noircie sur le carnet.
Jeudi 29 septembre 2016
Arcades sur Sanjo. Musique de Un homme et une femme, sans les voix, sans les chabadabada. Je viens de laisser M et P après un déjeuner épatant — retourner dans ce restaurant — et un café charmant — retourner dans ce café —, et viens d’acheter quelques cartes, graphisme délicat et simple. Soudain de dos, le sosie (vêtements et silhouette) de J, dont on avait justement évoqué le nom. Juste après la rivière est boueuse, les pluies sont si fortes depuis quelques jours, mais au bord deux jeunes femmes font des bulles de savon et je regarde la scène en pensant qu’ici il reste des plaisirs simples et légers. Au loin, les montagnes alignées en un dégradé gris-bleu magnifique, et cette couche de nuages.
Au café Bibliotik, un ginger ale, les mots que je chercher à écrire et la musique de Feist qui me fait plaisir malgré l’impression de m’être détaché de ce genre d’écoute. A côté il fume après son déjeuner, tasse à café, grosse montre, éventail sombre. Je crois qu’il pleut à nouveau.
Mardi 27 septembre 2016
Lundi 26 septembre 2016
Dimanche 25 septembre 2016
Samedi 24 septembre 2016
Vendredi 23 septembre 2016
S’octroyer une pause musicale pour partir aux antipodes, en se disant qu’il faudra y aller puisque l’on y pense depuis longtemps et en se disant qu’il faudra en savoir un peu plus sur ces 2000 réfugiés partis au Chili grâce à Pablo Neruda et dont l’histoire, au hasard d’une interrogation (parce qu’il va bien falloir le nourrir ce livre en cours), s’est affichée sur l’écran… Et découvrir la version d’origine de cette chanson, version tellement plus légère que celle de Mercedes Sosa, tant écoutée pourtant.
Jeudi 22 septembre 2016
Elle veut savoir où on achète les plantes, comment, pourquoi… Je bafouille, mon anglais se prend les pieds dans les racines… que dire ? Les interviewes ont pourtant tendance à m’amuser mais l’alignement des pots sur la terrasse ne me semble être un sujet très passionnant malgré l’intérêt que j’y porte quand il s’agit de les aligner et je n’ose pas vraiment lui dire que la sélection lors de l’achat se fait en général… sur le prix… Que dire alors ? Rien, ou si peu, et je sors, lorsque c’est approprié, une des réponses vaguement préparées (la comparaison avec les pots devant les maisons en particulier, mais je doute que ça lui fasse plus de trois lignes dans son article). Je ne te regarde pas, ou si peu, j’ai peur que, dans mon regard, tu lises mon ennui, et lorsque tu parles mon esprit facilement détourné glisse vers le photographe en me demandant ce qu’il va tirer de cette lumière grisounette…
Au moment de partir, le rédacteur en chef, plutôt assorti à la météo, nous offre le dernier numéro, spécial mode. Au fil des pages, les mannequins font tous la tête ; alors mon esprit facilement moqueur en rit.
Mercredi 21 septembre 2016
Mardi 20 septembre 2016
Alors, soudain, la pluie s’arrête. Et le vent. Je pars, pour un court instant seulement, d’une part pour prendre l’air, d’autre part parce que les vases sont moribonds, le contenu du frigo imparfait, le tofu tentant, ton retour attendu. Alors il ne faut pas oublier de regarder le ciel, sur lequel on a tant maugréé jusqu’alors, mais dont le gris se dore.
Lundi 19 septembre 2016
Sur la table basse, les lectures à venir, Faye, Del Amo, signes visibles de ton retour. Sur la table du déjeuner, des fromages, signes gustatifs de ton retour. Dans l’armoire, la valise, quelques vêtements rangés et l’odeur résistante du fromage, signe odorant de ton retour et de l’insuffisante protection d’un sac plastique.
Dimanche 18 septembre 2016
Je crois qu’il pleut vraiment.
Samedi 17 septembre 2016
“Non mais c’est fou, les gens à Paris, ils ont tous des fêtes d’anniversaire.”
La radio – à savoir France Culture – m’accompagne chaque jour en pointillés – de longs pointillés -, depuis deux ou trois semaines, en raison de tâches professionnelles le permettant, et sûrement en raison d’une envie furieuse : écouter les gens parler, apprendre sans y faire attention, oublier ce que j’entends sans m’en faire ombrage. Ainsi aura-t-on vu passer Akerman, Vecchiali, Delphine Seyrig, et même Dalida (ou toi) et tant d’autres voix parlant de choses et d’autres… et ce samedi, Mauriac, voix râpeuse et chroniqueurs précis écoutés d’une oreille tout de même un peu distraite – en raison de tâches professionnelles.
Au fait on dit comme “charrette” en japonais ?
Vendredi 16 septembre 2016
C. est arrivée un peu plus en retard que moi au lieu de rendez-vous : ayant pédalé très vite, j’avais limité les dégâts, et m’étais donc mis à l’ombre, surveillant le point prévu en sueur. Nous avons déjeuné, sur cette portion un peu ingrate de Marutamachi, dans un petit restaurant charmant et vide – l’horaire était tardif – en parlant de de choses et d’autres, puis, courtoisement poussés dehors par la patronne – l’horaire était tardif – nous sommes allés dans un café, un de ces savoureux cafés années 70 (étagère derrière le bar tout en angles ronds, lampes rigoureuses orange et noires).
Ce n’est qu’au moment de partir qu’elle me dit “oh il faut tout de même que je te raconte pourquoi je suis arrivée en retard“. Elle n’a pas le temps de donner beaucoup de détails que je la coupe : D ! C’était D ? C’était D. Mais, on n’arrive pas en retard dans ces cas-là : on revient d’un autre espace-temps.
Jeudi 15 septembre 2016
Mercredi 14 septembre 2016
Mardi 13 septembre 2016
Sortir les poubelles à 8h19 n’a rien d’agréable, ni de réellement désagréable. Ce serait même plutôt une activité neutre ; mais ici, cela permet de jeter un œil à gauche, vers les montagnes juste là, et à droite, où ce matin le mont Hiei dépasse des nuages. Mais bien sûr, entre lui et moi, il y a les toits, les fils électriques, les antennes et la difficulté d’en faire une image discrète qu’on montrerait ici.
Un peu plus tard, en passant devant le café au rideau baissé, ce café dont le nom oublié le restera à jamais, je repense aux quelques cartons posés devant, un dimanche, signe d’une fermeture définitive dont on imagina alors la raison, et je pense surtout à la dame, courbée derrière son bar, qui nous avait offert du chocolat un 14 février et que j’avais photographiée, photo volée, la dernière fois, ému de voir sa faible personne tirer de cette activité le moyen d’exister encore bel et bien. Il y avait alors, entre elle et moi, les nuages épais d’une impossible communication. Et il y avait là, suspendue, cette idée que j’avais avant de m’installer au Japon, de photographier les vieilles dames qui tiennent des cafés, signes tangibles d’une économie microscopique et d’un moyen de souder ce maillage relationnel fragile. Il y avait ce jour-là, surtout, une immense émotion, qu’aucune image discrète se saurait exprimer.
Lundi 12 septembre 2016
Dimanche 11 septembre 2016
On pourrait ajouter ci-dessous la gamme colorée et appétissante d’un restaurant d’Ohara, où nous célébrions cette date, la tienne, un peu en retard (15 minutes à peine, un peu optimiste que j’étais sur le temps pour rejoindre le village depuis la maison du samourai où j’avais donc oui pour un thé, l’amitié passant alors, dans mon esprit devant les règles locales de savoir-vivre).