Vendredi 9 septembre 2016
Et c’est à 15h40 que la musique, venant probablement du lycée de Takagamine, se fait entendre. Un instrumental de “The Locomotion” aux basses (poum poum poum) imposantes, air qui trotte (ou se locomotionne ?) ensuite un moment dans la tête, surgissant par exemple dans les transports en commun ou assis sur cette moquette marron qu’il faudrait vraiment changer.
Jeudi 8 septembre 2016
Tu es loin, cette distance vaguement habituelle entre Kyoto et la capitale. Les nuages et la pluie, aussi, se sont éloignés, me permettant d’enfourcher mon vélo pour aller à Kawaramachi – Marutamachi, dans ce petit magasin de chemises, où je suis sûr de te faire plaisir utilement, même si les doutes s’immiscent toujours lorsqu’il s’agit de choisir, surtout lorsque le col est à boutons.
Mercredi 7 septembre 2016
Mardi 6 septembre 2016
Passer trois heures avec Chantal Akerman. Et une heure chez Koolhass mais c’était moins émouvant. Litote.
Lundi 5 septembre 2016
Un homme tousse. Je regarde vers la rue. Homme âgé, petit, rond, casquette noire de base-ball sur la tête, chemise blanche, pantalon crème. Il tient son parapluie comme un club de golf, à l’envers, et fait de grands gestes, comme parfois le font les hommes d’un certain âge, mais plutôt secs, devant leur maison, pour s’entraîner dans leurs swings. Il avance, recommence, et puis tourne la tête. Et me voit. Me voit qui le regarde. Ciel couvert, 17h15, la petit lampe est donc allumée à côté de moi, permettant aux passants de voir l’intérieur de la pièce, et donc moi, clairement. Mais je ne sais pas s’il voit mon sourire.
Dimanche 4 septembre 2016
– T’as jamais fait des mots croisés toi…
– Non, je déteste.
Parce qu’O a pensé à nous, en nous envoyant ce lien, rappelant qu’Internet regorge de trésors, nous voilà écoutant ce que Faulkner pense du Japon, là, dehors, sous les douces – quoi que sonores – stridulations des grillons qui, petit à petit ont remplacé les cymbalisations des cigales… Grillons qui entrent allègrement dans la maison sous nos regards attentionnés, parfois suivi de gros cafards subissant de notre part une légère discrimination au faciès, virés à coup de balais afin de tester leur résistance et notre agilité.
Samedi 3 septembre 2016
Il est là-bas ; elle, initiale A, voudrait une photo avec lui, on en rit, “yes i am a fan”, elle me demande si je… Lui, c’est la star, vue sur scène parmi 6 autres corps, corps sans tête, corps autres, corps déformés, corps-membres, glissant dans un magnifique environnement noir et blanc, entre ténèbres et lumières, un environnement où l’on décrirait les matières, comment elles partent, viennent et vous surprennent. Mais elle, comme moi, on n’aime pas ça, demander, demander une photo, demander un instant(ané). Et puis il parle avec K, qui l’embrasse de toute sa latinité extravertie et joviale, alors on s’approche, je me présente, il dit ah ok, et il sert la main à A ; geste tellement non japonais entre deux Japonais. Elle repartira donc avec ce souvenir d’un contact et d’une parole brève, son prénom, à peine plus, un rire évidemment.
Vendredi 2 septembre 2016
Jeudi 1er septembre 2016
Café Hashimoto. 4 clients. La grande table centrale est vide, il faut venir plus tôt pour écouter les hommes parler entre eux en lisant le journal. À côté de moi, deux femmes discutent. La soixantaine, vêtements noirs, mais l’une a des chaussettes en guipure blanche sous ses chaussures en vinyl et l’autre enfilera avant de partir un petit gilet sans manches, léger, blanc aussi. Elles boivent un thé, noir aussi, et la tranche de citron malmenée est posée sur la soucoupe de la tasse anglaise. Ce que je capte de leur conversation, au milieu de l’apprentissage de quelques kanjis, permet de réviser ses formules météorologiques (“il a l’air de faire chaud, dehors”) et capillaires lors d’une tirade où le non-verbal et les interjections de l’interlocutrice laissent à penser que la locutrice n’est pas très contente de son dernier passage chez le coiffeur – qui a tout de même dû lui prendre plusieurs milliers de yens et deux bonnes heures de son temps.
Quelques minutes plus tard, les femmes qui les remplacent sont d’une autre classe sociale, vêtements non coordonnés, coiffure désordonnée, teinture oubliée. Sans s’en plaindre.
Mercredi 31 août 2016
– Tu as vu les films Alien ?
– Heu… j’crois pas… c’est celui qui dit “Maison maison” ?
Mais c’est Godzilla que nous étions allés voir, 『シン・ゴジラ』oui oui oui, ben non sans sous-titres, et sans rien comprendre, si ce n’est que pendant les réunions de crise au Japon ça beaucoup et très vite. Et les courgettes étaient énormes, mais ça n’a rien à voir.
Mardi 30 août 2016
Elle est en train de déposer deux sacs poubelles jaunes – c’est mardi. J’apporte le mien. Un bonjour, un excusez-moi, et elle passe au temps qu’il fait – beau – et à mon niveau de japonais – bon, d’après elle. La conversation qui suit est relativement courte – le peu de temps que je passe par jour à faire du japonais, mon travail, le tien – mais est une petite révolution, puisque après deux ans et deux mois de voisinage, cela ne s’était jamais produit, en raison des relations de voisinage au Japon, de notre niveau linguistique et du fait que l’on n’avait jamais déposé nos poubelles en même temps. La voir de si près me permet de définir un peu plus précisément sa tranche d’âge – 65 ans ? – et de confirmer qu’elle est plus souriante que son mari, même si elle hoche régulièrement la tête à travers la vitre de sa Mercedes lorsqu’elle la gare en marche arrière, glissant la berline dans le petit espace comme le font si bien les Japonais devant leur maison.
Et à propos de locomotion, un petit moment dans le bus :
Lundi 29 août 2016
9h15. Elle court. Le bruit de ses talons apparaît avant sa silhouette à travers les vitres et cette grille légère qui nous sépare de la rie. Puis elle change de rythme. Moi aussi, reprenant celui des jours de travail.
Dimanche 28 août 2016
Samedi 27 août 2016
– On a cuisiné quoi, la dernière fois qu’ils sont venus ?
– Heu… la même chose je crois. Mais ils ont beaucoup aimé.
Vendredi 26 août 2016
Regarder la quantité d’images. Procrastiner.
Jeudi 25 août 2016
21h03. Le train entre en gare de Kyoto. Un train de sénateur, comme dirait La Fontaine, après le départ de Yonago à 11h37 et 6 changements.
Il faudrait raconter les 8 jours précédents, Hamasaka, Matsue, Izumo, Hagi, Yonago, décrits dans un carnet bariolé, le tout entrecoupé des paysages aperçus, doucement, au petit rythme des petits trains locaux.
Mercredi 17 août 2016
Les jours passés sont muets, accumulés, comme les images. Les jours à venir seront muets, bercés par le tatam-tatoum (ou le dosdeskaden) des petits trains locaux dont les lignes frôlent la mer. また らいしゅう!
Mardi 16 août 2016
Lundi 15 août 2016
Dimanche 14 août 2016
Samedi 13 août 2016
Vendredi 12 août 2016
Dans sa chemise hawaïenne, il n’a évidemment pas l’aspect habituel des salary-men. Mais l’agence de voyage offre de la liberté aussi à ses employés, qui nagent de surcroît dans une ambiance musicale de circonstance. Cela n’empêche pas, pour autant, un peu de stress, surtout lorsque nous lui demandons un ticket dont il ignore tout.
Jeudi 11 août 2016
Mercredi 10 août 2016
Elle avait demandé à J ce qu’il pensait de Joël Collado, et pourquoi Laure Adler portait des lunettes de soleil le jour où… Elle avait aussi parlé de sa vision de ce pays, ce Japon qui, pour nous, passe à travers de nombreux filtres, dont celui de la langue, même si nos lectures et nos échanges avec ses habitants nous permettent d’en connaître certaines “particularités”. Elle avait alors imité la voix qu’elle prenait lorsqu’elle travaillait au rayon “spécialisé” d’un vidéo-club… Mais au moment d’appeler un taxi, la voix n’est pas celle, doucereuse, modulée, et encore moins haut-perchée, qu’une femme japonaise emploie habituellement quand elle veut rentrer chez elle. On y entendrait presque du français, on y remarque en tout cas quelque chose d’abrupte.
Mardi 9 août 2016
Lundi 8 août 2016
Dimanche 7 août 2016
Donc :
– mini-clafoutis aux courgettes ;
– soupe de tomates froide ;
– soufflé aux asperges ;
– calamars à l’armoricaine ;
– tarte tatin.
Samedi 6 août 2016
Hier, nous discutions avec S, au hasard de sujets virevoltant comme virevoltent les discussions lors des soirées à la VK, nous discutions de folklore, ou plutôt nous discutions de la présence de traditions “ancestrales” ici au Japon, et de notre regard sur cela, notre regard personnel se posant plutôt sur le spectateur du-dit folklore que sur ce monde dont la sincérité est parfois contestée ou contestable. Le folklore, pour moi, ce fut dès 8 ans quelques danses landaises dans une salle des fêtes de Village Vacances Famille : un groupe de personnes sautant sur des échasses au rythme de je ne sais quels instruments locaux. J’étais alors déjà plutôt curieux, je crois, et si je regardais cela avec un certain étonnement, je crois que j’inspectais surtout cette agitation costumée avec un certain intérêt : je regardais mes semblables… C’est en tout cas l’impression / le souvenir que j’en ai, des décennies plus tard. Bref, sayonara les Landes, nous voici ce soir dans le sanctuaire Imamiya, dans notre quartier, pour une fête, abandonnée depuis 20 ans, et reprise cette année (différemment, enfin bon peu importe…). A cheval entre une “simple” célébration shintoïste et une fête de quartier, ce moment nous ancrait, une fois de plus, dans le sentiment agréable d’être ici, et de faire partie du quartier, nous, malgré tout. Et, cette question du “folklore”, je l’oubliais un peu en buvant la deuxième coupe de saké…
(Pour la version longue, ajouter la baignade à Ohara avec les amis et les enfants rieurs)
Vendredi 5 août 2016
Là-bas, derrière moi, des cris d’enfants en rouge et blanc, stade de base-ball. Ici, le parc d’un quartier pris au hasard sur la loop-line d’Osaka, où je grignote vite fait quelques sushis en me demandant pourquoi je n’ai pas fait une petite pause dans la fraîcheur climatisée d’un boui-boui quelconque. Osaka. Destination plutôt rare, surtout seul, qui m’a accueilli ce matin dans le terrifiant brouhaha des travaux au sud de la gare et dans le bruit d’un garçon aspirant avec sa paille le fond de son caffé-latte tandis que j’attendais S qui, une fois de plus, allait me rendre un service immense en faisant le traducteur chez Nikon, où j’allais donc abandonner mon appareil photo pour quelques heures, le temps de prendre la loop-line, donc, et de m’arrêter au hasard, donc, dans ce quartier sans âme, où courent, donc, tout de même, quelques enfants. Un petit tour et je repars, mais attiré par un passage commerçant, je m’engouffre… et découvre un dédale de petites rues bordées de minuscules échoppes, où la sécurité électrique semble autant à désirer que l’hygiène, l’ensemble générant un aspect charmant et photogénique, donc une certaine frustration pour le photographe sans appareil – mais avec un téléphone permettant tout juste de rapporter quelques souvenirs visuels sans importance.
Et puis le soir, lire cela sur FB :
Il fait beau. Quand on va assez loin en promenade dans la matinée ou dans l’après-midi, on arrive à un endroit où, pendant un moment, on est malgré tout encore content de vivre.
Walter Benjamin
Aimer la coïncidence.
Jeudi 4 août 2016
Instrumental de How deep is your love, et si je pouvais en sourire je sourirais, mais le dentiste préfère que je garde la bouche grande ouverte parce que c’est plutôt “How deep is your dental problem“. C’est donc la mâchoire engourdie que je passe un court moment au sport pour filer ensuite, suffisamment dé(sen)gourdi(e), à notre déjeuner avec J.R., dans ce lieu dont tu m’avais dit le plus grand bien ; regrets d’alors.