Lundi 23 novembre 2015

Poussière. C’est un tunnel de poussière blanche qu’il faut franchir pour quitter l’appartement ; ne pas se retourner. Ne pas retourner poussière ? De l’autre côté, il y a un sauveur, des fleurs à la main qui nous accueille tandis que je toussote et m’époussette. J’aime la métaphore, l’idée du bout du tunnel après une semaine d’accrochage, de vernissage et surtout en ce lendemain de conférence, en ce lendemain d’un jour pas comme les autres, avec ce défi qu’on m’avait donné de parler de la lumière.
J’aime la métaphore, j’aime moins la situation, ému, quelques minutes plus tard, lorsque je me retrouve seul à trainer cette valise trop lourde sur les pavés bordelais. Au café un croissant, un expresso, 3 euros 50, l’employée qui note le menu à la craie de sa main gauche et mon esprit s’embarque déjà vers l’après, vers ces jeux d’enfants qu’il faudra montrer, vers ces envies de publications, de partages, d’échanges et vers ce roman qu’il faut écrire.

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Samedi 14 novembre 2015

Je suis réveillé par un sommeil troublé, car rien n’est léger depuis hier soir, pas même le sommeil. Je suis réveillé par la peur du nombre que je vais lire, par les larmes. Je suis réveillé, moi ; d’autres non.

Jeudi 12 novembre 2015

Chercher ses tickets de métro devant les portillons, regarder l’heure et cette fichue machine, faire comme le type qui me passe devant et se glisser dans le portillon, s’asseoir et voir là-bas quatre ou cinq contrôleurs monter dans le métro, détester les cadres de la RATP qui décident d’envoyer des équipes de contrôleurs à 6h30 du matin, regarder les contrôleurs changer de rame une station plus loin, regarder les contrôleurs descendre à nouveau une rame plus loin et ne pas monter dans ma rame, respirer. Monter dans le TGV, s’inquiéter parce que le contrôleur n’articule pas du tout et annonce Breaux-Saint-Jean, regarder la brume, retrouver JLD, marcher, pédaler, se laisser guider, voir les tirages, presque pleurer devant cette porte, remercier le travail du labo, retrouver JLM, prendre une formule à 14,50, regarder le mur, hausser les sourcils, regarder les murs blancs, prendre un autre train, embrasser ses parents, survoler Berque.

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Mercredi 11 novembre 2015

J’avais oublié que les gens fumaient des cigarettes électroniques. Oui oui, ça m’a surpris un court instant. Et puis, comme hier, plongeant dans les conversations alentours, cette fois à une terrasse, trois chemises neuves dans un sac, j’écoute. Ils ne se connaissent pas. Il dit qu’il aime le cinéma. Et la musique. D’ailleurs il aimerait en faire, du cinéma. Il cite Kubrick, Spielberg, Lucas. Lucas ? Elle ne connait pas Lucas. Il ne cite pas La Guerre des étoiles, non, il dit “science fiction… heu… voilà”. Elle dit “C’est un peu cucul je sais mais j’adore Woody Allen”. Il dit que c’est génial Woody Allen.

151111-DSC_3232 Palais de Tokyo

Mardi 10 novembre 2015

Pourquoi t’as acheté du steak haché ? … Ah ouais, tu vas lui faire la cuisine à la meuf de 30 balais !

Retrouver les rayons du supermarché, baigner de nouveau dans une foule parlant une langue qu’on comprend et éclater de rire au rayon frais.

Lundi 9 novembre 2015

Ce dernier jour avant de retrouver la France, j’erre dans les trop grands magasins, les rayons et les étages en quête de papèterie ou de produits pour restaurer mes chaussures. Comme si je l’avais oubliée, je prends en pleine figure l’absurdité de ce monde ultra-consumériste, dont je suis moi-même acteur et prisonnier, avec tout son déballage d’outils pour équeuter les fraises ou dénoyauter les avocats et regrette amèrement de ne pas être allé à cette conférence d’Edouard Louis, conférence un trop loin, temps un peu trop pluvieux, moi-même un peu trop bête.

Dimanche 8 novembre 2015

Il y avait, dans ces étagères ayant récemment subi une bascule de 90°, un numéro d’ArtPress sur la photographie plutôt planqué, à peine feuilleté. Il attendait sûrement d’être réellement utile, et à dix jours de l’accrochage, il le fut – dans un fauteuil vert de chez Zen – , et m’éclaira un peu plus sur ma propre démarche, sur l’envie, le besoin, la nécessité de ne pas s’aligner, de ne pas aligner, besoin découvert le jour où tu bousculas cette rigueur apparente et ces 4 images trop bien disposées, ce petit ensemble trop parfait, sans énergie, sans mouvement, sans lignes, sans dynamique, sans tensions, sans rien.
Un peu plus tard, cette série anglaise ajouta un peu d’énergie, de dynamisme, de mouvement… Shake shake shake!

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Vendredi 6 novembre 2015

Il est comme toujours réservé, peut-être pétrifié pas son anglais chaotique qui m’oblige – et c’est tant mieux – à lui répondre en un japonais autant chaotique. Face à mes questions – Que faire de ces grandes planches ? que faire de ces vêtements en parfait état ? – il n’a pas de réponse, et le temps de sa réflexion, mon regard se porte sur son lobe gauche. Un trou. La marque d’une ancienne boucle d’oreille. J’ai du mal à y croire, à ce fantôme, ça ne colle pas avec le personnage devant moi, qui depuis un an et demi garde cette attitude de petit garçon timide et qui me fait à chaque fois regretter Rika et son énergie, ses questions, son étonnement permanent, ses marques d’attention et son amour pour les primevères et les pensées. D’ailleurs vous ai-je dit que j’en ai planté ?

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Jeudi 5 novembre 2015

C’est vers 6h30 que le ciel du nord se teinte de rose au-dessus des montagnes, sans que l’on sache d’où elle vient cette teinte, si ce n’est peut-être d’une pointe de jalousie face au sud-ouest doré. C’est à 6h38 qu’une autre émotion teinte l’atmosphère : ce joueur de violoncelle, là-bas. Chut !

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Mercredi 4 novembre 2015

Je vais parfois à Kyoto. Tant d’autobus ça m’étonne encore. Chez moi, tout le monde a une voiture, je ne savais pas déchiffrer un plan de métro, je n’avais jamais utilisé de transport public (pour quelqu’un comme moi, issu de la classe moyenne, c’était bon pour les pauvres). Il m’a fallu un an pour m’y faire. Le japonais, je l’apprends sur le tas. J’ai fréquenté quelqu’un près de Tokyo, un Canadien. Mais ça n’a pas bien fonctionné et, depuis, je suis célibataire. Ici, presque personne ne sait que je suis gay – ça ne leur plairait pas.

Nicole-Lise Berheim ; Saisons japonaises

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Mardi 3 novembre 2015

Mais tu es sûr que l’on va pouvoir emporter ces deux grosses boîtes sur le scooter ? 

Lundi 2 novembre 2015

“Que l’acteur soit bon ou mauvais, faire le cheval c’est ingrat.”

in “Histoires d’herbes flottantes” d’Ozu

Dimanche 1er novembre 2015

C’est alors qu’il réalise, tandis qu’ils sont assis l’un à côté de l’autre depuis un long moment et que leur conversation vient de prendre la couleur du thé vert, qu’elle est celle avec qui il correspondait, et qu’il espérait rencontrer.

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Samedi 31 octobre 2015

Le bar est spacieux (donc pas très kyotoïte), agréable (donc très kyotoïte) et de l’autre coté de la vitrine, là, juste à côté de toi, il y a une part de gâteau immense en carton. A l’intérieur, on note surtout la tête de panda en peluche accrochée au mur, telle un trophée. A l’extérieur, je remarque surtout le garçon avec un tee-shirt “Cindy Lauper” qui montera dans le bus 203. C’est un samedi différent, lent, reposant, différent parce que pour une fois nous marchons sur ce pont, ensemble. Ça n’a l’air de rien, mais…

Il y a ensuite cette scène qu’on ne comprend pas, au restaurant, c’est comme un film met finalement, on lit sur les visages les expressions faute de comprendre les mots. Et puis l’expo (sur des artistes inspirés par le mouvement) Rimpa. Et puis un film muet, un vrai, La Cigogne de papier, Mizoguchi années 30 et Japon bien sombre…

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Vendredi 30 octobre 2015

Elles descendent du bus nord-8, en attendent en autre, et en patientant se pincent la joue, comme l’on se tiendrait le menton en jouant à “je te tiens…”. Le nord-1 arrive et elles repartent, sans que je sache si, à leur petit jeu, le but est de ne pas rire.

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Mardi 27 octobre 2015

La scène est triste: de l’autre côté de la grande vitrine qui ne cache rien, deux femmes pleurent. Soudain le vétérinaire secoue la patte du chat, comme ça, vous voyez ? Comme un jouet, comme un truc mou, flasque, pas comme une patte de chat qui vient de mourir. Alors je ris. Devant l’absurde et la gêne de cette transparence que je trouve peu japonaise, je ris. Ce n’était pourtant pas le moment, de rire de la mort.

Et puis, comme un touriste, découvrir (Konnen-in) ou retrouver (Nishi-ki, Guio-Guiro…) et entendre K dire : “C’est assez délicieux“.

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Dimanche 25 octobre 2015

Voir l’hiver approcher à cause des soirs frisquets alors que c’est tout simplement l’automne ; rallumer le hibachi.

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Jeudi 22 octobre 2015

J’aurais pu fermer les yeux. C’est une spécificité de la vision. L’ouïe ne la possède pas. Les tympans n’ont pas de couvercle. Mais la rétine a un organe qui fait fonction de couvercle, en l’espèce les paupières. C’était donc facile. Et pourtant, je n’ai pas pu.

Hideo Furukawa ; Ô chevaux, la lumière est pourtant innocente.

Mercredi 21 octobre 2015

Au crayon, dans la marge de la page 169 : “très important”. Je m’étonne encore que certains, sans vergogne, griffonnent, mais cette fois cela m’alerte, et j’ajoute un autre post-it jaune pour plus tard relire et mieux comprendre le japon et ses attitudes / habitudes (habittitudes ?).

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Mardi 20 octobre 2015

Ils sont arrivés hier, discrètement, à l’heure du dîner. Me voici, ce matin, passant la tête puis toquant sur l’armature de la moustiquaire, bruit léger. A sourit et se précipite sur ses chaussettes pour les enfiler, apparemment gêné (qu’elles soient ainsi par terre ou que je voie ses pieds ?) et engage la conversation sur la météo (la chaleur d’août, son allergie au soleil) avant de s’inquiéter sur la présence de moustiques qui, par chance pour lui, ne font plus d’apparitions depuis quelques jours. Nous ne le verrons donc pas ici l’été prochain.

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