Vendredi 16 octobre 2015
La centrale se situe à peu près à dix mètres au-dessus du niveau de la mer. La vague fera plus de treize mètres. Les premiers plans montrent que le site originaire se trouvait trente mètres plus haut, mais on a raboté la falaise pratiquement jusqu’au niveau de la mer pour économiser les frais de pompage nécessaire au refroidissement des réacteurs. Le site contient six réacteurs nucléaires alignés en rang d’oignon, à deux pas de l’océan. On dirait un resort hotel, une résidence hôtelière pieds dans l’eau.
Michaël Ferrier ; Fukushima, récit d’un désastre.
Jeudi 15 octobre 2015
Sur la table basse, le bonheur de voir des livres. Depuis quelques jours il y avait Flaubert, Riboulet, les lettres manuscrites en marque-pages, en signal, celui de l’amitié. Il y avait aussi depuis trop longtemps maintenant celui, virtuel, toujours en attente, ce prénom en PDF. Et voici que ce soir il y en a d’autres, des signaux et des livres, japonais, japonisant, avec toujours en tête cette lumière ; et là, devant nous, le sourire radieux des amis, enfin là.
Mercredi 14 octobre 2015
C’est l’histoire d’une rencontre, celle avec les Bescher. C’était avant 2001, avant les carnets, avant les traces écrites de ce journal, avant les traces des anciens journaux surtout, ceux qu’on ne lit plus, ceux qu’on ne peut plus lire parce que c’est mieux ainsi, même si certains referont surface, ceux d’après 2004 par exemple, ceux d’avant 2008 sûrement, là où ça commence à ressembler à autre chose qu’un agenda, qu’un ramassis a-poétique vaguement à la Prévert (prévert pépère ?). C’est une question de temps, d’organisation, de copier-coller… de détricotage du passé peut-être aussi pour en enjoliver les formes, les phrases…
Bref, les Bescher. C’est, si je ne me trompe pas – c’est en tout cas ce que je raconte à chaque fois – ma rencontre avec la photographie exposée. C’est au centre Pompidou, c’est une baffe, c’est un virage. Je navigue entre la fascination et l’incompréhension, et il est probable que je ne reste pas longtemps. Et puis ça va me coller aux basques. Jusqu’à hier par exemple, voyez cette fichue façade plantée là, un peu plus bas que ce paragraphe, ils sont là les Bescher.
Enfin non, maintenant ils ne sont plus là. Plus du tout et il faudra rattraper le temps perdu, les regarder encore et les lire. Comme Chantal Akerman, alors ce soir c’est Je, tu il, elle. 1975.
Mardi 13 octobre 2015
Lundi 12 octobre 2015
“Et vous savez pourquoi ils nous ont fait venir ici ?”
Dimanche 11 octobre 2015
Il y a en entrant dans la maison une odeur que je n’identifie pas tout de suite. Je m’étonne que la porte arrière soit ouverte, je m’étonne de tout ce qu’il y a sur la table, je me demande qui a bien pu passer et laisser là ces surprises, surtout en regardant les étiquettes qui m’indiquent la provenance. Et puis je me rappelle, enfin, que c’est simplement toi.
Samedi 10 octobre 2015
Vendredi 9 octobre 2015
La soirée s’achève, la semaine presque également, et l’on nous embarque vers une surprise, un ailleurs, une grotte, un aquarium, un musée sérieux et farfelu : des coquillages, des poissons, Jules Verne n’est pas loin. C’est un bar, un bar avec alcool, sinon une glace ; alors je prends une glace.
Jeudi 8 octobre 2015
Mercredi 7 octobre 2015
Mardi 6 octobre 2015
Chantal Akerman était comme une cousine, lointaine, rarement rencontrée, dont on nous aurait dit si souvent du bien, rien que du bien. Je n’avais pas souvent rencontré le cinéma de Chantal Akerman, une fois avec ennui, une fois avec plaisir, mais elle était de la famille, la tienne de cœur , donc la mienne par alliance, et te voilà soudain bien triste. Une autre douleur, donc, autre que celle de la nuit et du matin, douleur bruyante là, en bas du dos à droite, douleur évanouie comme par enchantement à la fin de la journée, après quelques médicaments et un “o daijini” vers 9h40.
Lundi 5 octobre 2015
Dimanche 4 octobre 2015
Vous pourrez m’envoyer les photos ?
Samedi 3 octobre 2015
Vendredi 2 octobre 2015
Jeudi 1er octobre 2015
Je ne m’attendais pas, en lisant le discours de Kenzaburo Oé lorsqu’il reçut le prix Nobel de littérature, à découvrir que l’une de ses références était le conte de Nils Holgersson. J’ai 10 ans, le dessin-animé tiré du conte passe à la télévision chaque samedi après-midi et c’est sur le matelas épais et l’édredon fleuri de ma grand-mère que je regarde avec émerveillement l’histoire de ce garçon et des oies sauvages. J’ai alors rêvé, les années qui ont suivi, comme l’enfant devenu minuscule, d’être emporté au dos d’une oie dodue pour voir le monde… rêve bien plus accessible que de tuer des monstres interplanétaires en Ulysse du 31ème siècle.
Mercredi 30 septembre 2015
Après l’exercice bimestriel de japonais (1h15 chez le coiffeur, rien que ça), je file vers les étagères de l’Institut, desquelles j’extrais quelques ouvrages desquels j’extrais quelques notes, deux haïkus et le sentiment que le temps va manquer pour tout lire, tout retenir, tout apprivoiser ; une vie ne suffit pas. Enfin d’autres étagères, de bois (précieux ?), livres d’art, verre de Sauvignon.
Mardi 29 septembre 2015
Lundi 28 septembre 2015
“I’m wondering if they can fit the building…because they are a big group…”
Soleil. La terrasse parisienne serait bondée, on s’y battrait pour une place, même au bord d’un boulevard bruyant. La terrasse kyotoïte, en bordure de rivière, vision sporadiquement troublée par une voiture roulant lentement, est vide. Il n’y a qu’une table et deux chaises, et la dizaine de clients est à l’intérieur, où la climatisation ronronne et me fait frissonner lorsque je vais payer et qu’elle me fait remarquer, dans un sourire, qu’aujourd’hui je suis seul.
Dimanche 27 septembre 2015
Le parfum offert hier par J, une fois sur moi, m’évoque immédiatement celui qui le portait. Il me poursuit toute la journée, accompagné d’un sentiment nostalgique et triste : c’est comme si j’entendais son rire par-dessus la musique, comme s’il était là, assis dans un fauteuil Voltaire, deux doses de Ricard dans un peu d’eau et un paquet de Rothmans.
Mais plus tard, nuit tombée, nous trompant de bar pour justement retrouver J, c’est le fou rire qui vient ; il en aurait ri aussi, doucement moqueur, de cette femme assise là, devant son petit écran.
Samedi 26 septembre 2015
Lors du dîner dans ce restaurant à l’ambiance curieusement parisienne qui fera grincer certaines dents, dont les miennes, étant donnée l’attitude (… remplacer par l’adjectif de votre choix …) des serveurs, lors du dîner, donc, la voici, Japonaise plus française que certains d’entre nous, qui raconte son pays, c’est à dire un certain de côté de son pays, un des plus sombres actuellement, ce jusqu’au-boutisme nationaliste pour sortir le Tohoku du marasme.
Vendredi 25 septembre 2015
Jeudi 24 septembre 2015
Et le champ d’en face est redevenu terre ; un peu plus tard, humide.
Mercredi 23 septembre 2015
Ôhara. Nous revoici là, bar désuet, toucher du velours et odeur poussière, mais la femme n’a plus les cheveux violets. Le souvenir date probablement de juillet 2012, mais je ne creuse que dans mes souvenirs et pas dans les pages de ce journal. Alors d’autres lieux reviennent, ce petit restaurant au nord de Kibune, loin, lieu imprécis précédé, j’en suis sûr, par le doublement d’un taxi avec deux geishas à bord. Parmi tous ces lieux d’autrefois et de maintenant, nulle image dans ma sélection bordelaise. Ils s’accumulent, attendant leur tour.
Mardi 22 septembre 2015
Lundi 21 septembre 2015
C’est lundi, c’est Nitori.
Dimanche 20 septembre 2015
Nous sommes, de nos ancêtres, les fantômes de chair. Ils se servent de nos corps vivants pour hanter ce monde. Et nous voici, éperdus de tous ces morceaux dont nous sommes faits, et auxquels il convient de donner une apparence unique, cohérent et entière. Nous promenons nos corps constitués des bouts des uns et des autres à la recherche d’un principe qui les fédère, et que nous appelons moi, les jours de bravade, quand en réalité tout cela bataille en nous, tous ces ancêtres dont chacun voudrait avoir la préséance, faisant pression sur nos mimiques, et sur nos pensées peut-être, toute la horde des aïeux qui n’acceptent par plus de disparaître que les spectres des contes, et qui colonisent nos corps, pour durer encore, à leur façon.
Christine Montalbetti ; Love Hotel
Samedi 19 septembre 2015
“Ouais ben tout l’monde fait pas Guernica“, dis-tu. Je souris.
(Et Théodore Duret, Hiroshima, l’horreur décrite qui démontre qu’une petite légende vaut parfois mieux qu’un étrange dessin, la tristesse d’un musée vide et d’un restaurant de musée d’art contemporain au mobilier ringard et donc hors-sujet, les retrouvailles, les images belles ou drôles de Judith Cahen, les longues discussions autour d’une bière, puis d’une deuxième, puis d’une troisième, puis…)
Vendredi 18 septembre 2015
Alors, entre mes mains, l’improbable : une cruche datant d’environ 1800 ans. Je m’inquiète que mes doigts en soient pas encore tachés de la viande mangée plus tôt, et prends toutes les précautions possibles pour ne pas faire tomber l’objet ; vous me connaissez… La suite est moins ancienne (plusieurs siècles cependant) : masques de nô, rouleaux où défilent monstres et dessins érotiques. Mais l’émotion est là, forte, troublante, peut-être parce que les esprits qui hantent ces objets ne dorment pas.
Jeudi 17 septembre 2015
Comment on dit “Pomme C – Pomme V” en japonais ?