Dimanche 16 août 2015

Et nous voici ensemble, parce que nous réunit cette house, comme un an plus tôt, pour voir le feu au loin dès 20h précises, feu dirigeant les gens d’autrefois vers leur céleste demeure. L’on boit, mange et rit, tel à un banquet astérixien mais où ne furent probablement que peu évoqués nos ancêtres les gaulois.

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Samedi 15 août 2015

Je suis prodigieuse. C’est écrit en caractères majuscules et argentés (des paillettes peut-être ?) sur un morceau de tissu bleu, format de brassard, une bande grise (argentée peut-être) sur un côté. Ce pourrait être un porte-monnaie de grande taille, quelque chose comme 12 centimètres sur 8. L’objet est à terre, je l’aperçois tandis que nous cherchons ce lieu dont on nous a parlé à deux reprises, dimanche puis lundi, ce lieu où, au nord d’Ohara, on peut se baigner. On vient de pique-niquer sur un bord de rivière peu avenant, et en écrivant cela je me rappelle soudain ce pique-nique à Uji, dans un recoin si misérable de rivière qu’un fou rire avait effacé le reste.

Un peu plus tard, on use de qualificatifs synonymes de prodigieux pour la dernière réalisation de F puis d’autres moins pailletés peut-être pour ce moment à Yusenji : on y danse pour les morts, procession, litanie, je cherche les visages, je cherche la lumière, je regarde les autres, parfois ému par les mouvements graciles me semblant arythmiques, parfois d’un air amusé : lui qui joue sur son téléphone, frénétique ; elle, sosie de Y, dont la sonnerie retentit : la chanson des sept nains.

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Vendredi 14 août 2015

Depuis combien de temps suis-je ici ? Des jours, des semaines, des mois. Peu m’importe. Dans cette ville le temps s’écoule sans forme ni contour, les jours se mêlent jusqu’à se confondre, fluides et désarmés.

Olivier Adam, Kyoto Limited Express

Je choisis ce livre dans la bibliothèque en prévision de nos vacances. Je ne sais pas si, alors, je lirai beaucoup. Mais le livre, mi-roman mi-photos, commence par ces phrases qui pourraient être miennes. Les images aussi, peut-être, un peu, quoi que… non peut-être pas… bref. D’ailleurs le photographe s’appelle Arnaud. Bref…

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Mercredi 12 août 2015

Alors, proposition graphique, je pose sur mes ancêtres des couleurs, avant de poser un visage sur ce prénom et cette rencontre.

Mardi 11 août 2015

Oh la la c’est vraiment dur le turrón…. C’est comme le fromage en Mongolie !

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Lundi 10 août 2015

Il y a derrière moi, lors du déjeuner, une caisse de disque vinyles d’autrefois. Il y a devant nous tant de Kurosawa à voir.

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Dimanche 9 août 2015

Il propose Kurama. Pourquoi pas. Mais c’est finalement dans un autre bain qu’on se retrouve, plus proche, plus adapté aux températures du jour. Curieusement l’eau froide est peu fréquentée, le Japonais préférant l’eau chaude. Mais pourquoi ? Pourquoi pas…

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Vendredi 7 août 2015

Il nous surplombe au-dessus des escaliers, fait la circulation dans la gare, dirigeant d’une voix ferme le flux continu sortant et sortant encore des trains. A côté de lui, ignorant le volume sonore sortant et sortant encore du mégaphone, elle trifouille son téléphone. Les positions sont parfaites, l’angle de vue aussi, mais je ne peux pas m’arrêter pour un cliché, emporté par une foule prête à faire des “Aaaah ! ” et des “Oooooh !”.
Plus tôt, avec C, on avait parlait d’Annie Ernaux, du crabe colline, et de ma nouvelle lectrice, la maman de P., que je salue donc au passage.

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Mercredi 5 août 2015

Tu espérais me rapporter cette spécialité qu’on aime tant, le moelleux cachant la saveur sucrée de la mandarine. Bien sûr je l’espérais aussi. Mais tu ne rapportes, magasin fermé, déçu et désolé, qu’un léger goût de yuzu et quelques fruits couleur de papillon et de nuage…

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Mardi 4 août 2015

Parc impérial. Le ciel à l’ouest est barré d’un trait. Un gardien, vêtement bleu de rigueur, droit, raide. Deux jeunes occidentaux sur un banc, l’un des deux regardant son téléphone, l’autre tout et rien. Une femme au chemisier jaune promenant son chien. Quelques cyclistes prudents sur le gravier. C’est l’heure où les locaux sortent enfin, c’est l’heure où les touristes respirent enfin. Et puis le jour décline, on retrouve la foule sur les bords de la rivière, regardant les lumières. Je regarde plutôt ceux qui regardent les lumières. Et puis d’autres apparaissent là-bas derrière l’horizon du nord ouest : les éclairs. Rentrer vite.

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Lundi 3 août 2015

J’ai été quelqu’un de gai, tu sais, malgré ce qui nous est arrivé. Gaie à notre façon, pour se venger d’être triste et rire quand même. Les gens aimaient ça de moi. Mais je change. Ce n’est pas de l’amertume, je ne suis pas amère. C’est comme si je n’étais déjà plus là. J’écoute la radio, les informations, je sais ce qui se passe et j’en ai peur souvent. Je n’y ai plus ma place. C’est peut-être l’acceptation de la disparition ou un problème de désir. Je ralentis.
Alors je pense à toi. Je revois ce mot que tu m’as fait passer là-bas, un bout de papier pas net, déchiré sur un côté, plutôt rectangulaire. Je vois ton écriture penchée du côté droit, et quatre ou cinq phrases que je ne me rappelle pas. Je suis sûre d’une ligne, la première, ‘ma chère petite fille”, de la dernière, aussi, ta signature, ‘Schloïme’. Entre les deux, je ne sais plus. Je cherche et je ne m’en rappelle pas. Je cherche mais c’est comme un trou et je ne veux pas tomber. Alors je me replie sur d’autres questions : d’où te venais ce papier et ce crayon ? Qu’avais-tu promis à l’homme qui avait porté ton message ? Ça peut paraître sans importance aujourd’hui, mais cette feuille pliée en quatre, ton écriture, les pas de l’homme de toi à moi, prouvaient alors que nous existions encore. Pourquoi est-ce que je ne m’en souviens pas ? Il m’en reste Schloïme et sa chère petite fille. Ils ont été déportés ensemble. Toi à Auschwitz, moi à Birkenau.

Marceline Loridan-Ivens ; Et tu n’es pas revenu

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Dimanche 2 août 2015

Son nom, sur sa carte de visite, est une exclamation. Il évoque un acteur de kung-fu ou une star d’autre chose, grimpant des marches avec une certaine classe gâchée par cette trop apparente perfection et ce sourire un peu trop publicitaire. D’une extravagante assurance, presque impétueux, il nous parle de cet artiste dont j’ai oublié le nom, et dont le travail exposé ici est parfois, lui aussi, comme des exclamations. Les cercles sont vifs et les encres soufflées de mes 19 ans me reviennent à l’esprit. Les ronds s’alignent en points de suspension et il serait dommage de ne pas s’en inspirer. Dehors, l’étudiante en vacances range les panneaux d’indication ; nous n’étions pas sûrs de nous être reconnus.

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Samedi 1er août 2015

La chaleur s’est installée, on ne parle que d’elle, elle assèche, accable, atterre, fatigue et les corps suent ce qu’ils peuvent encore suer. Pourtant, nous voici partis. D’abord Imamiya, la surprise d’un petit marché aux puces chaque 1er du mois et les mochis grillés. Puis, de l’autre côté de la ville, Chion-in, où la climatisation est alors bienvenue, ce qui fait un point commun avec l’air rafraichissant des églises : le prosélytisme est-il plus efficace l’été ? Je pense aux 42° de Bari, le 19 juillet 2005, aux façades de pierres blanches qui reflétaient un soleil sans pareil. Ici le bois sombre ne rafraichit rien et nous rentrons asséchés, accablés, fatigués, laissant nos amis découvrir Gion sans comprendre où ils puisent cette énergie.

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Vendredi 31 juillet 2015

Alors, tandis que l’on quitte la VK, c’est la lune qui s’élève, rond parfait, doré, clin d’œil grand ouvert à la visite (touristique / amicale) du jour.

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Jeudi 30 juillet 2015

Le ticket du péage de l’hieizan-way pour monter au mont Hiei précise l’heure d’arrivée (15:29), l’heure de retour (17:24) et le prix à l’image du lieu, c’est à dire élevé (1,160 yens)… le prix à payer pour photographier des biches poseuses et l’horizon duveteux. En petit, en bas, la formule de remerciement. Légèrement froissé, il est calé dans le carnet, souvenir inutile d’un indispensable après-midi aux airs de dimanche.

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Mercredi 29 juillet 2015

Alors cette fois-ci je vais un peu plus loin. Après la rivière, là où l’on peut descendre pour se tremper les pieds, oui, là, je prends le pont et poursuit la route, la batterie du vélo à 40% seulement. Je n’étais jamais revenu seul dans ce recoin de Kyoto, comme si la montagne était infranchissable ; c’est pourtant tout proche. Le lieu est un peu triste comme il l’était dans mon souvenir, comme si la montagne ne méritait pas ça… J’en repars pourtant avec une chanson en tête, à cause de cette voiturette : “Baby you can drive my car, yes i’m gonna be a star”.

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Lundi 27 juillet 2015

La voici donc qui toque à la porte et, souriante, me tend les cadeaux qu’elle n’avait pas apportés la dernière fois ne sachant pas que j’étais là : deux barres chocolatées en provenance de Belgique et du thé acheté à Stockholm. Berlin, Londres, Paris, Venise sont évoquées dans notre conversation plutôt courte, j’en oublie. De son séjour en Europe, dix villes en trente jours, elle nous offre son attention, ce qui est plus important que tout, même si l’on s’empresse le lendemain de goûter au chocolat, un empressement très relatif me direz-vous. Mais le soir-même la délicate attention est détrônée par un cadeau magnifique, beau comme un cactus (greffé).

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Dimanche 26 juillet 2015

C’est un de ces cafés typiques, qui ne laissent rien entrevoir de la rue, d’ailleurs je ne te croyais pas, ce n’étiat pas un café, à mon premier coup d’œil. Je pousse la porte, odeur de café délicieuse, tabourets au bar. On demande deux cafés, deux “hotto kohi” comme on dit ici dans un de ces incontournables anglo-japonismes. Il nous répond qu’il ne sert pas des cafés hot. Le temps qu’il le prépare, on comprendra pourquoi, faisant passer la notion de goutte-à-goutte pour une course de formule 1. Le résultat n’est donc pas de ces breuvages brûlants qui, parce que vous êtes pressés, vous arrache la langue et le palais, laissant pendant quelques heures une désagréable sensation en bouche. Le résultat est un délice et vous n’êtes plus pressés.

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Samedi 25 juillet 2015

Le lieu est un ailleurs, le bout du bout, un port. Au loin, entre la répétition et la représentation, l’horizon en contre-jour se dévoile un peu, ici on sourit des palmiers qui bordent un bâtiment aux allures d’abandon mais la grille est ouverte.
Le spectacle est à mille lieues de la brutalité apparente de ce quartier où la supérette est une oasis à l’air conditionné et où se déroule, étonnant, une sort d’Intervilles, en tout cas ça patauge et ça crie dans le micro. Le spectacle est un hymne magnifique au corps, humain, animal, végétal, sublime ou monstrueux, bestiole sans cri que je photographie sans pouvoir me plonger entièrement – puisque concentré, inquiet des prises de vues, gêné par le bruit que je génère – dans les mouvements mais en captant – sens multiples – l’émotion.

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Vendredi 24 juillet 2015

Je ne lisais plus Têtu depuis des années, 10 ans peut-être… mais c’est un symbole de certaines années de ma vie qui disparait. L’époque où Internet n’existait pas encore… et surtout l’époque où acheter ce journal, fébrilement, n’était pas un geste anodin. Il fallait le prendre au milieu des revues pornos, là où généralement il était bêtement rangé par le buraliste, et le poser sur le comptoir mi-fier mi gêné. Arrivé chez soi, on plongeait dans ce monde qui était soi-disant le nôtre puis on le mettait sous la pile de magazines de mode et de musique en se demandant si la tranche rouge resterait ignorée.
Et puis ces immeubles bordant la rizière, oxymore urbain d’une triste photogénie dans un paysage vers le sud. Et puis Wolfgang Tillmans (et les autres). La photographie montrerait alors quatre hommes assis sur deux bancs, éclairés, jaunes, par les écrans qu’ils regardent. De gauche à droite, un Occidental à chemise à carreaux d’environ 55 ans, un Japonais habillé de noir, un autre de blanc et un quatrième homme avec un bouc et un chapeau. Les bancs sont à 45°, soudain l’écran de gauche est presque uni, un jaune sombre et flou, l’écran de droite montre un animal qui vole, on comprendra sur l’image suivante que c’est une chauve-souris.

 

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Jeudi 23 juillet 2015

Matin, banlieue ouest, université. Après une rencontre où les objets fragiles passent de main en main, nous voici à l’atelier. Poussière, machine… J’ai 15 ans, un bleu de travail, il y a les odeurs de graisses, la fébrilité car il faut être précis, le dégraissant rose et la promiscuité de cette espèce de cage faisant office de vestiaire.
Fin de journée, sanctuaire Shimogamo, soleil déclinant, heure parfaite pour quelques photos et pour les regarder encore. Ce pour quoi ils sont venus m’importe assez peu, ce sont eux qui m’intéressent, leurs gestes et leur regroupement, la joie perdue de nos frairies, la voix dans le haut-parleur qui annonce probablement qu’il ne faut pas rester dans l’eau, cet air de procession qui rappelle l’été à Lourdes.
Et puis il y a De l’air dans la boîte.

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Mercredi 22 juillet 2015

Björk chante dans une compil aux airs rétro, 20 ans déjà. Elle raconte qu’elle part se promener avant que l’autre se réveille et qu’elle ramasse des petites choses et les jette dans le ravin. Tu viens de me dire que je devrais me lever tôt, comme toi, qu’ainsi nous irions nous promener lorsque tout le monde dort, même le chien, là-bas, devant son pas de porte. Que jetterions-nous alors ?

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Lundi 20 juillet 2015

Ils arrivent alors un peu plus tard, une histoire de valise, mais, quoi que jet-lagués, pas sous les yeux. On vient d’apprendre les mots “crème solaire” et “chenille”, puisque c’est l’été et que la saison présente quelques inconvénients.

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Dimanche 19 juillet 2015

Alors, puisque invités à la “yukata party”, nous voilà en yukata partis, version occidental qui ne sait pas le porter, qui n’a pas les sous-yukata adaptés et qui, faute de grive, s’évente avec un éventail publicitaire. Mais voici, oh zut, qu’il faut faire le plein. Lirait-on dans les regards brillants du jeune personnel de la station service comme quelque chose proche de l’hilarité ? Ou n’est-ce que leur fonction qui les oblige à ainsi tous s’approcher ?

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Samedi 18 juillet 2015

Le chapitre intitulé “Sans paroles” dans L’Empire des signes est devenu, au fil du temps, un grand sujet de désaccord entre l’auteur et moi, voire toux ceux – permettez-moi de généraliser – qui se confrontent à une langue étrangère encore incompréhensible après des mois de vie dans le pays. “La masse bruissante d’une langue inconnue constitue une protection délicieuse, enveloppe l’étranger (pour peu que le pays ne lui soit pas hostile) d’une pellicule sonore qui arrête à ses oreilles toutes les aliénations de la langue maternelle (…). Aussi à l’étranger quel repos !“, écrit Barthes. Permettez que je fasse la moue tandis que je m’esbaudis à essayer de comprendre ce qu’ils disent, tous, lors de cette remise de prix ou dans cet amusant dessin animé – avec sous-titres japonais, histoire de… – ももの手紙 (Lettres à Momo)

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Vendredi 17 juillet 2015

150717-DSC_6102Le bruit de la pluie sur le toit avait été, la première fois, source d’étonnement. On en parlait parfois avec un sourire. Au bout d’une journée comme celle-ci, où des trombes d’eau sont tombées sans cesse, on rêve de silence mais on monte un peu le volume pour écouter, peut-être trop, jusqu’à la noyade, Where Dreams Go to Die de John Grant.